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Billet de blog 2 septembre 2015

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L’école moderne : PISA pour tout le monde

Les rythmes scolaires et les menus des cantines  sont, vous l’aurez observé, les deux soucis majeurs de la pédagogie actuelle, bien plus que l’incapacité à lire et écrire de 20% des élèves en fin de primaire !

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Les rythmes scolaires et les menus des cantines  sont, vous l’aurez observé, les deux soucis majeurs de la pédagogie actuelle, bien plus que l’incapacité à lire et écrire de 20% des élèves en fin de primaire !

J’aurais pu appeler également ce billet « L’école au doigt mouillé », si je ne craignais pas des interprétations aussi lubriques que perverses, de la part de certains lecteurs que je désignerai pas ici. Il y a d’ailleurs là un principe très général de nos politiques qui consiste, hors de la météorologie rurale, à faire, à grand bruit, l’annonce d’une action qu’on va mettre en oeuvre ou abandonner selon les réactions qu’elle aura suscitées ! 

Un exemple actuel, hors des 35 heures ou de la TVA sociale, et dans l’école :

On entendait, en mars 2015, notre charmante ministre de l’Education nationale annoncer : « Une évaluation sera mise en place pour les élèves de CE2 à partir de la rentrée prochaine, en septembre 2015. Cette dernière aura lieu en début d'année scolaire, avec un objectif : vérifier le niveau de français des écoliers [ Pas bête ça ! Souligné par moi vu la pertinence du propos]. Ce sont 830.000 élèves qui seront concernés par ce test à faire dans les deux semaines qui suivent la rentrée, début septembre ». 

Cette déclaration confirmait et précisait l’annonce de cette nouvelle évaluation des CE2 délivrée en janvier 2015 par François Hollande ; en mars, elle était certes confirmée par Najat Vallaud-Belkacem, mais sérieusement modifiée. Le président souhaitait lui une évaluation nationale, mais au final ce serait, à la rentrée 2015, une évaluation plus locale, sans remontée des résultats au ministère. De modification en recul, cette fameuse évaluation a été finalement supprimée, puisque nous sommes le 2 septembre 2015. 

PISA pour personne pour finir !

Notre manie de la notation et du classement est devenue telle, en France, que nous classons tout ; c’est une vraie forêt de « marronniers » : des hôpitaux aux universités... en passant par le degré d'intégration des villes et le niveau de bonheur de leurs habitants! Lorsque nous ne classons pas nous-mêmes, les autres s'en chargent à notre place, les Chinois pour les universités du monde et l'OCDE pour les systèmes éducatifs avec son fameux classement triennal PISA, dont le trait le plus remarquable est que cet acronyme vaut à la fois pour l’anglais (« Program for International Student Assessment ») et pour le français (« Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves ») ; certes, ils sont nombreux mais ils sont forts à l’OCDE, car les politiques n’y sont pas arrivés et on a l’OTAN et le NATO ! 

Dès la publication de ce classement de l’OCDE, le menu de l'information en matière d’éducation devient unique, mais sans les multiples variantes de la pizza, c'est, comme le souligne mon titre, « PISA » pour tout le monde !

Ce classement PISA, dont les modalités sont d'ailleurs très discutables comme celles du classement de Shanghai, réunit, de façon peu rigoureuse, des systèmes éducatifs socialement très différents. Les asiates, qui y tiennent les premiers rangs, ont des conceptions et des modalités de fonctionnement qui sont fort éloignées des nôtres. Dans certains pays, on a été ainsi obligé d'interdire les cours particuliers pour les élèves au-delà de 23 heures et une boutade japonaise bien connue informe que dans les écoles du Japon, il n'y a pas de mauvais élèves car ils se sont déjà tous suicidés !

Personnellement, je n'apporte guère d'attention réelle à ce classement auquel je ne crois pas, mais qui a tout de même l'intérêt (et l'émotion qu'il suscite le prouve) de tempérer un peu notre arrogance qui s'exerce à propos de l'école comme dans bien d’autres domaines où nous tendons toujours à nous juger les meilleurs, nous autres Français ! Le point important est que, si nous sommes dans le milieu de ce palmarès mondial, nous sommes en fait et surtout dans les derniers des pays qui ont notre niveau de développement. Une consolation toutefois : nous sommes très loin devant la Somalie qui ferme la marche !

La fameuse enquête PISA fait apparaître que nous sommes mal placés pour les acquis scolaires généraux, ce qui n'est pas trop grave (nous le savions un peu puisque 20% au moins des enfants ne savent pas lire en fin de primaire, donc bien au-delà du CE2), mais que les inégalités sociales, en particulier pour ce qui concerne les élèves issus de l'immigration, se sont considérablement accrues, ce qui n'a rien d'étonnant non plus puisqu'on n'en tient aucun compte, l'école de la République se devant être « la même pour tous », principe évidemment imbécile en cette matière, fût-ce au prix d’une inefficacité  croissante et de pourcentages d’échecs inégalés ! 

C'est vrai en particulier, bien entendu, pour des élèves qui ne parlent pas le français et à qui on se préoccupe en aucune façon de l'enseigner, en priorité, de façon spécifique et adaptée (enseigner EN français n'est en rien enseigner LE français), ce qui entraîne inévitablement de graves conséquences, parfaitement prévisibles. 

Quel peut être, à votre avis, le comportement d'un enfant de six ans qui ne parle pas le français et qu'on place dans une classe où, durant toute la journée, toute la semaine et toute l’année, on va s'efforcer d'abord, dès la première année, de lui apprendre à lire et à écrire une langue qu'il ne parle pas et, dans la suite, de lui infliger, en permanence, des cours d'histoire, de géographie, de sciences, et même d'arithmétique dans cette même langue qu'il ne parle et ne comprend toujours pas? Au mieux, en effet, il est peu à peu frotté au français ordinaire de la rue, mais non pas à ce que le « pédangogisme » (une de nos vraies spécialités) appelle maintenant le « français langue de scolarisation » ou « FLS » (détournement, jugé habile, de l’expression FLS «français langue seconde »), qui ne présente avec la variété ordinaire voire populaire de notre langue que des rapports relativement lointains.

Une telle situation amène fatalement à des comportements dont on peut aisément esquisser une brève typologie que fondent et confirment toutes les observations de terrain. 

Le premier est celui de l'indifférence et de la surdité volontaires. L'enfant cesse de s'intéresser à tout ce qui se passe autour de lui ; il sera très rapidement ce qu'on nomme désormais un « décrocheur », car, faute de chercher des solutions et des remèdes, on a trouvé au moins un mot pour qualifier le malade. 

Le deuxième comportement est celui de l'agressivité qui comporte différentes modalités : l'élève, selon son tempérament et les cas, peut soit mettre le feu à la classe ou tout casser, soit tourner son agressivité contre ses persécuteurs ; il peut alors insulter le maître comme planter un couteau dans le ventre de l'institutrice, souvent après avoir détérioré leur voiture devant l’école. 

La troisième et dernière catégorie d’élèves, assurément bien la plus réduite, est celle de sujets souvent très « encadrés » dans leurs familles (ce point est essentiel), intelligents et doués, d'abord pour l'apprentissage des langues et pour l'école ensuite, qui vont réussir à se sortir d'une telle situation et progresser, parfois brillamment, dans le cursus scolaire.

On pourrait, et je l’ai fait souvent, comparer l'éducation scolaire à l'apprentissage de la natation. Si l'on prend  cent enfants de trois ans et qu'on les jette tous dans une piscine. soixante-dix vont probablement s’y noyer immédiatement, vingt vont réussir à barboter puisqu'à un point d'appui qui leur permettra de sortir de l'eau ; une dizaine regagneront le bord en nageant quasi spontanément et deviendront probablement d'excellents nageurs dans la suite. Est-ce toutefois là une bonne méthode pour apprendre à nager aux enfants?

J'ai écouté ou lu dans ma vie une quantité de discours, tous plus volontaristes et ineptes les uns que les autres, mais je n'ai entendu nulle part soutenir dans notre administration nationale la vérité d'évidence qui est que, en particulier, pour les enfants de l'immigration qui ne parlent pas le français, il serait sage ou même simplement raisonnable de le leur apprendre d’abord réellement et efficacement de façon spécifique, comme cela se fait dans les pays où leur intégration est réussie, avant de les mettre dans le bain de l'enseignement commun à tous. Et qu'on ne vienne pas ici me parler  des CEFISEM (qui ne s'occupaient même pas du français !), des CLIN, des CASNAV ou autres fariboles, vastes blagues dont on ne change périodiquement que les noms et que je connais mieux que quiconque dans leurs ineptes histoire et détail !

J'ai tout récemment encore entendu des sottises dans la bouche d'une personne qui est en grande responsabilité, mais que je nommerai pas pour ne pas être mis en examen pour diffamation ! Elle voyait dans la « mixité sociale des écoles de quartier », dont elle se gargarisait sans y rien connaître, le gage de la réussite ! MDR ! Confier des responsabilités à quelqu'un qui peut tenir de pareils propos est assurément un gage d'échec total, présent et à venir, pour notre école.

On continue à enseigner les mêmes choses, avec les mêmes programmes (plutôt accrus et complexifiés), selon les mêmes méthodes au PUBLIC scolaire actuel qu'aux élèves d'il y a cinquante ans, d’abord avant la massification de l'enseignement et surtout après les apports considérables d'élèves issus de l'immigration qui sont naturellement bien plus nombreux dans la population scolaire que les immigrants ne le sont dans la population générale, car, dans ces milieux, les enfants sont en plus grand nombre que dans les familles des Français « de souche » ; ce détail démographique capital semble avoir totalement échappé à nos responsables qui ne doivent guère aller dans les écoles, ce en quoi ils ont bien raison s’ils veulent continuer à dormir, comme ils le font, sur leurs deux oreilles.

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