Avez-vous lu Gaël Giraud ? (suite et fin)
Les choses ne s'arrêtent pas là. Deux ans plus tard, en 2015, Gaël Giraud devient, de façon très logique mais remarquable dans notre système et par là inattendue, chef économiste de l'Agence française de développement (AFD) tout en enseignant à Paris I, à la Faculté des sciences économiques et de gestion de Strasbourg et à l'université de Hanoï !
Sa production scientifique est en effet impressionnante et s'accompagne en outre d'œuvres littéraires (Gaël Giraud est l’auteur d’une pièce de théâtre, Chemins vers la soif) ; deux de ses livres majeurs ont déjà fait l’objet de rééditions multiples : Vingt Propositions pour réformer le capitalisme, (co-dirigé avec Cécile Renouard ; 2009, Flammarion, 387 pages ; ce livre a été nominé pour le Prix du meilleur jeune économiste 2009 décerné par Le Monde et le Cercle des économistes ; un site a même été consacré à cet ouvrage par Flammarion et la société de formation en finance Bärchen) ; Illusion financière, 2012, Les Éditions de l’Atelier, 176 p.).
G. Giraud s’accommode fort bien de ce double visage des plus inattendus et P. Gaillardin le note si joliment que je ne résiste pas au plaisir de citer son propos: « Considéré comme l’un des économistes les plus doués de sa génération, le jeune prêtre [ G. Giraud ] est passé par les bidonvilles du Tchad et les salles de marché new-yorkaises, avant de rejoindre les Jésuites. […]
Gaël Giraud possède deux vestes bleu marine strictement identiques. À un détail près. Sur l’une d’entre elles est épinglée, discrète mais bien visible, une petite croix argentée. L’une est celle du jeune prêtre ordonné il y a moins d’un an, la seconde, celle du chercheur.
Alors qu’il s’apprête à se plier à l’exercice imposé de la photographie de presse, le jeune jésuite demande : « C’est pour qui, déjà ? Ah, La Croix ? Attendez, je vais enfiler l’autre. » Tout Gaël Giraud est là. Dans ce balancement entre deux mondes, a priori inconciliables. D’un côté, l’univers de la finance, des marchés, de la politique et de l’université. Il est, dit-on, la bête noire des banquiers. ». (G. Gaillardin, op. cit. ).
Cette émission du samedi 1er septembre 2018 qui m'a permis d'entendre à nouveau G. Giraud (car comme toujours les esprits les plus éclairés et les plus brillants sont ceux qu'on entend le moins dans nos radios ) a une fois de plus mis en lumière ses compétences et ses qualités.
Si ardus que soient les sujets qu'il aborde (ses travaux majeurs portent sur le rôle de la monnaie, le rôle des marchés financiers et de leur réglementation dans la prévention des krachs économiques, ainsi que sur les dynamiques économiques et le développement), ses exposés comme les réponses qu'il apporte aux questions posées sont toujours parfaitement clairs et accessibles à l'auditeur le moins averti.
"Dans sa chronique pour la revue Projet, depuis 2007, il prend également position sur le "pic" du pétrole, en faveur d'un protectionnisme aux frontières de l'Europe, d'un plafonnement des revenus, d'un financement massif de la transition écologique, du passage de "l'euro monnaie unique" à "l'euro monnaie commune". Il considère que l'énergie est le facteur essentiel de la croissance économique : l'élasticité, autrement dit la sensibilité du PIB par habitant par rapport à la consommation d'énergie est, d'après lui, de l'ordre de 60 %, et non de moins de 10 % (soit le coût de la facture énergétique dans la production) selon la littérature économique habituelle".
Pour l'écologie, G. Giraud alerte, depuis bien des année, sur les risques liés au réchauffement climatique et à l'épuisement des ressources énergétiques, mais en proposant des voies de solution à ces problèmes. L'émission de ce samedi matin (18/01/2018), sur France-Culture que je vous invite à réécouter en podcast, a ainsi abordé de façon très claire et très convaincante le problème de la déforestation dont les dangers sont bien plus importants, plus nombreux et plus graves qu'on ne le reconnaît en général.
Gaël Giraud avait déjà été très actif lors de la préparation de la loi Moscovici portant sur la séparation des banques, contribuant à dénoncer l'inefficacité prévisible des nouvelles dispositions réglementaires. Dans un entretien de février 2017, il explique l'importance économique et écologique du concept de commun : « Plus globalement, ma conviction est que nous devons travailler à l’émergence de communautés capables d’administrer intelligemment des communs, à égale distance de la gestion bureaucratique soviétique ou néo-libérale. »
Si l'on veut remplacer Monsieur Nicolas Hulot ( dont Gaël Giraud était en principe le conseiller) et nommer un "vrai ministre de la Transition écologique et solidaire", qui possède à la fois les compétences et la hauteur de vues indispensables (ce qui était bien loin d'être le cas de N. Hulot, l'hypothèse de D. Cohn Bendit n'étant rien d'autre que ridicule!), Gaël Giraud est assurément celui conviendrait le mieux, même si ce choix serait loin de faire les affaires de l'Agence Française de Développement qui, avant lui, n'a guère été dirigée que par des énarques et des hauts fonctionnaires !
Gaël Giraud en a, en tout cas, toutes les compétences pour ce ministère , car il alerte depuis bien des années sur les risques liés au réchauffement climatique et à l'épuisement des ressources énergétiques, tout en proposant des voies de solution à ces problèmes dans la perspective du développement.