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Billet de blog 4 avril 2015

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Histoire et laïcité au collège

Je me suis réjoui hier de ne pas avoir à refaire ma classe de cinquième au collège que fréquente ma petite fille que je faisais travailler un peu en vue d'une interrogation d'histoire et géographie ; comme je l'ai déjà souligné, nous sommes sans doute le seul pays du monde, hors Francophonie,  à réunir dans un même enseignement deux disciplines si différentes sans en tirer les conséquences les plus évidentes..

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Je me suis réjoui hier de ne pas avoir à refaire ma classe de cinquième au collège que fréquente ma petite fille que je faisais travailler un peu en vue d'une interrogation d'histoire et géographie ; comme je l'ai déjà souligné, nous sommes sans doute le seul pays du monde, hors Francophonie,  à réunir dans un même enseignement deux disciplines si différentes sans en tirer les conséquences les plus évidentes..

Pour éviter tout débat oiseux, je cite le texte officiel : « Le programme de cinquième s’ouvre par la découverte de la naissance de l’islam (fait religieux) et de l’Islam médiéval (civilisation).Le reste du programme couvre une période au cours de laquelle la civilisation médiévale européenne s’est élaborée (christianisme, féodalité, lente émergence de l’État). L’Europe a connu ensuite, à partir de la fin du XVe siècle, des bouleversements culturels et intellectuels, l’ouverture, jusque-là limitée, vers les autres mondes et l’affirmation de l’État. » (Ne vous étonnez pas de ces accents bizarres de la fin, l’imprimerie nationale n’a plus les moyens de disposez de claviers permettant de restituer les accents normaux du français et je n’ai pas eu la patience de les corriger tous !).

Le programme d'histoire de cette classe est curieusement conçu, dans un clair esprit de concessions récentes et latentes à l’Islam dont l’histoire occupe à partir de l’année 2010, 20% du temps de la discipline, curieusement séparé en deux parties ; ces changements ont-ils été inspirés au MEN en 2008 à la suite des mots malheureux dictés à notre ex-Président de la République par son conseiller spécial lors du fameux discours de Dakar en 2007 ?

Le sujet du jour était, entre autres, la traite des esclaves, thème bizarrement repris  plus loin dans la suite du programme. Ce sujet m'est assez familier et j’ai entendu sur lui bon nombre de sottises et d’erreurs dont certaines émises, il y a fort longtemps, par celle qui devait devenir notre Garde des Sceaux, après avoir écrit à ce sujet, Madame Taubira.

Le livre de ma petite fille ne comportait pas moins de trois chapitres consacrés aux empires africains, dans la première partie du manuel, dont en particulier celui qui concernait le Mali, illustrée d'images et enrichie de textes anciens ou réputés tels (l'un d'entre eux en particulier, qui, quoique datant du XIXe siècle, illustrait un chapitre consacré à la période qui va du septième au quatorzième siècle ce qui est un peu étrange). La traite des esclaves y occupait évidemment une place importante et on y distinguait la traite transafricaine (intra-africaine et donc très ancienne) de la traite orientale, sans évoquer bien entendu la traite atlantique  des nations européennes qui n’avait pas encore commencé.

L'illustration, à propos de la traite orientale, représentait une caravane se dirigeant vers Zanzibar, ce qui ne laissait aucun doute sur la destination finale des esclaves ; on y voyait entre autres une femme et un enfant, ce qui me paraît une erreur historique majeure. En effet, à la différence de la traite occidentale qui plus tard transportera des femmes et des enfants, (les enfants et les adolescents étant particulièrement recherchés pour leur durée d'exploitation et donc d'amortissement plus longues), la traite orientale ne comportait guère que des hommes puisqu'elle était destinée essentiellement à fournir des soldats et des ouvriers. Ce détail aurait mérité d'être souligné car il constitue une différence majeure et explique actuellement les revendications d'indemnisation des Afro-Américains comme des Afro Caribéens, mouvements qui n'existent en aucune façon dans la zone couverte par la traite orientale ; celle-ci, qui ne comportait guère que des hommes, n’a pas donné naissance à des populations métisses et engendré par là une « mémoire de l’esclavage ». 

Une bonne partie du texte étant consacrée à la traite et le programme incluant à la fois l'histoire et de géographie, de tels détails méritent pourtant d'être signalée car ils sont très importants, d'autant que la traite orientale qui a concerné 17 millions d'individus a été numériquement bien plus importante que la traite occidentale qui n'en a fait partir qu'une dizaine de millions vers les Amériques.

Ces ouvrages sont par ailleurs fort érudits (trop sans doute) avec des cartes de l'ancien empire du Mali qu'il aurait été intéressant de différencier de celles du Mali actuel dont les frontières post-coloniales sont tout à fait différentes. On aurait pu aussi expliquer à ce propos la situation politique intérieure du Mali dans lequel la colonisation a réuni, comme souvent fort arbitrairement et contre tout bon sens, des populations non seulement très différentes, mais héréditairement ennemies. Celles du Nord du Mali constituées de blancs ou réputés tels (Arabes ou Tamasheqs c'est-à-dire Berbères) sont ennemies depuis des siècles des populations noires du Mali du Sud qui étaient l'objet des razzias des gens du Nord qui venaient en particulier y chercher leurs esclaves.La situation actuelle de cet Etat tient d’abord et surtout à cela !

Je n'ai toutefois pas perdu tout à fait mon temps, … à la probable différence des pauvres élèves ; j'ai été informé en effet des noms des principales localités de l'Empire du Mali au XIIIème siècle (le seul nom de ville que je connaissais et qui demeure connu de nos jours était celui de l'infortunée Tombouctou qui a récemment subi les conséquences de son antiquité) ; j’ai appris  que l'empereur du Mali (un des empereurs en fait) se nommait, à en croire ce manuel, Mansa ; je le savais d’autant moins que ce n’est pas tout à fait vrai. Il s’agit sans doute en effet de Kankan Musa (ou Moussa), nommé également Mansa (empereur) Musa. Son règne est surtout connu grâce à l'historien Ibn Khaldūn, qui tenait ses informations de son ami al-Māmar, qui voyagea avec Kankan Musa ! C’était le bon temps de « l’or du Mali » et s’étant fait édifier un palais royal par un architecte arabe, il le récompensa avec pas moins de cinquante-quatre kilos d'or !

Ces acquisitions  nouvelles auraient pu suffire à me satisfaire si je n’avais pas appris, en même temps ou presque, que la principale question qui préoccupe la rue de Grenelle en ce moment est celle de la date des vacances de Pâques ; les revendications mercantiles du lobby des neiges obligent en effet à en changer les dates, sans qu’on ait même cherché cette fois à déguiser une telle réforme sous les oripeaux pseudo-scientifiques de la chronobiologie !

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