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Billet de blog 5 février 2018

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Les chevaux et tapis volants de la politique moyen-orientale (suite)

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Les chevaux et tapis volants de la politique moyen-orientale (suite)

La nécessité, que certains peuvent juger fâcheuse, de conserver au genre du blog une relative brièveté ; m'a conduit à ne pas ajouter à mon récent blog « Cheval volant et tapis volant ? » l’indispensable éclairage politique qui en avait pourtant, à l'origine, suscité la rédaction. 

En effet, non seulement l'Arabie (jadis dite Heureuse) avait abrité nombre de tribus juives, ce qui en avait fait dans la suite, contre toute attente, le lieu de naissance de l'islam et plus particulièrement du Coran (j'y reviendrai), des populations juives y restèrent longtemps et y tinrent un rôle important ! Paradoxalement, comme j'en traitais dans un de mes récents blogs mentionné ci-dessus, c'est le nouvel État d'Israël qui, à peine créé en 1947, organisa le transport de ces « Juifs arabes » vers Israël grâce à un pont aérien mis en place avec l'aide des États-Unis et de la Grande-Bretagne, à partir de 1949. 

Cette opération fut baptisée « tapis volant », d'où mon rapprochement, un peu hasardeux j'en conviens, avec le « cheval volant » qui, un très gros millénaire plus tôt, avait si miraculeusement transporté Mahomet, sur un parcours identique, de l'Arabie à Jérusalem. Ce retour vers Sion, rêve de tous les Juifs du monde, fut en fait, pour des dizaines de milliers de juifs yéménites, un enfer que rien ne laissait prévoir dans les rêves dorés qui étaient les leurs. 

Pour avoir vu, en juillet 2015 me semble-t-il, sur Arte, les trois épisodes d'un passionnant documentaire nomme « Juifs et Musulmans : si loin, si proches », dont je me suis permis de reprendre souvent l’heureux titre, je suis depuis devenus sensible à cette réalité que j'avais souvent pressentie auparavant, sans être en mesure de la fonder davantage.

Sur ce point, on ne peut que recommander et citer lemonde.fr /2015/07/28 :

« A l’histoire des relations entre juifs et musulmans, il suffirait de soustraire un siècle, un seul, le dernier, aux quatorze d’histoire commune, pour inverser presque totalement le récit. Ne resterait alors que les mille trois cents ans de voisinage, pas toujours idylliques, ponctués même de guerres et imbibés de sang, mais treize siècles à partager les mêmes terres, la même langue, certains rites, certaines bribes de prières.

Treize siècles à vivre ensemble en tout cas, côte à côte, souvent en symbiose, à ne jamais connaître de conflits irréparables. Et puis cent ans pour tout détruire, pour devenir ennemis irréductibles, au point que toute réconciliation semble aujourd’hui impossible.

[...] En respectant l’ordre chronologique, de 610 à nos jours, « Si loin, si proches » contribue pour commencer à redonner une place plus juste aux événements, et permet de ne « pas tout juger à travers le seul prisme du conflit israélo-palestinien », selon les propos mêmes de Karim Miské, le réalisateur. 

La rigueur des faits. Et le contrepoids onirique des images. Le cocktail est inédit : « Juifs et musulmans : si loin, si proches » se regarde à la fois comme un documentaire et comme un long-métrage d’animation. Au total, pas moins de soixante-dix minutes de dessins animés, signés Jean-Jacques Prunès, spécialiste des illustrations et animations pour enfants, réalisateur notamment des « Histoires comme ça », de Kipling, ou du « Cheval Soleil » (adaptation du roman éponyme d’Anne Labbé). Jean-Jacques Prunès a posé son trait épuré mais fort, sobre et pourtant épique, ses pastels et ses éclaboussures vermillon comme un symbole sur les quatorze siècles de relations entre juifs et musulmans, de Médine à Paris en passant par Cordoue, Alger et Jérusalem ». (Fin de citation du Monde). 

Je ne sais pas si Arte a, depuis, échappé à la vindicte des islamistes extrémistes qui ne peuvent supporter même les vérités scientifiques les mieux établies. L'amusant et le curieux du premier de ces trois documentaires d'Arte qui se situe dans la péninsule arabique elle-même, tient toutefois à ce qu'il n'y est guère fait allusion, à l'existence antérieure, pourtant déjà longue, de la religion juive en Arabie même, au moment où, dans le premier quart du VIe siècle après J.-C.,  Mahomet va, en quelque sorte, « inventer » la religion musulmane, sur le modèle monothéiste juif, le plus présent alors dans cette zone. 

 Je n'ai pas trouvé la chose gênante, simplement un peu curieuse au départ, car il est évident que la présence des Juifs dans la péninsule arabique, toujours ignorée quoique très importante à divers points de vue, était déjà liée à leur exode, dans ce territoire comme dans bien d'autres, l'exode étant depuis toujours la principale spécialité des Juifs. J'avais donc, à cette occasion découvert, avec étonnement dans mon ignorance, la présence de tribus juives très importantes dans la région de la Mecque, tout en voyant confirmé qu'avant Mahomet, toutes les tribus arabes de cette zone étaient elles-mêmes polythéistes, comme d'ailleurs, l'avaient été, bien longtemps avant, les tribus moyen-orientales où le monothéisme juif avait remplacé les polythéismes antérieurs. 

La fameuse Kaaba de la Mecque était en fait consacrée, aux origines, à des centaines de dieux et selon la tradition islamique elle-même (Sahih al-Bukhari 64.48.7), à l'avènement de l'Islam,  elle contenait plus de 360 idoles (représentant probablement les jours de l'année) que l'on a bien entendu chassées de ce lieu dans la suite ! 

Les oppositions, dans cette région désertique et pauvre, ne manquaient pas entre les populations qui s'y trouvaient et qui devaient d'abord tenter d’y survivre ; toutefois, ces rivalités  n'étaient en rien religieuses mais, purement tribales, elles opposaient entre elles aussi bien des tribus juives qu'arabes. Il apparaissait aussi dans ce documentaire que, dans cette zone, nombre de Juifs étaient en fait des Arabes, puisque le monothéisme musulman n'étant pas encore apparu, les conversions au judaïsme ne posaient guère de problèmes.

(La suite demain )

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