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Billet de blog 5 juin 2013

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Affaires Tapie : y'a l'feu au Crédit Lyonnais !

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Comme le disait le Général : « Les Français ont la mémoire courte !"… et moi comme les autres. Un des commentateurs de mon blog d'hier me rappelle, fort opportunément, la fameuse affaire des incendies du Crédit Lyonnais, aujourd'hui oubliée et qui a, somme toute, tourné court, sans qu'on se soit interrogé davantage sur les auteurs de ces incendies dont les experts ont admis, unanimement, qu'ils étaient criminels et, moins encore, sur leurs finalités réelles.

Je n'ai pas sur ces affaires l'extraordinaire érudition et la fiabilité totale de l'information de Laurent Mauduit, et je ne rappellerai ici que quelques points qui m'ont frappé en tant que modeste et lointain observateur.

Tout commence en juillet 1990 ; le groupe Bernard Tapie achète la société Adidas, propriété des héritières des fondateurs de la marque ; la firme, atteinte alors par la redoutable concurrence de Nike et de Reebok, est vieillissante et mal gérée, car elle ne fait pas appel à la main-d'œuvre asiatique qui est celle à laquelle ont recours ses concurrents. Le prix, de fait, est jugé raisonnable (1,6 milliards de francs) et le groupe Tapie finance totalement cet achat par un prêt auprès d'un pool bancaire à majorité étrangère (banques allemandes et japonaises) où intervient, comme créancier minoritaire, la SDBO, filiale du Crédit Lyonnais dont le groupe Tapie est client depuis longtemps. Vu ses méthodes et le nombre comme la nature de ses activités, on s'interroge, dans les milieux spécialisés, sur la capacité réelle de Bernard Tapie à mener à bien pareille affaire dans la mesure où celles qu'il a conduites auparavant, selon ses méthodes, ne sont pas de la même taille et n'avaient pas les mêmes objectifs. J'ai personnellement pu voir, de près, comment il a réglé les affaires de sociétés qu'il avait rachetées pour les "sauver" à Annemasse d'abord, à Annecy ensuite. Comme souvent, on y a liquidé les actifs et viré l'essentiel du personnel.

B. Tapie entreprend néanmoins de redresser les comptes d'Adidas, mais un événement va changer sa vie et ses projets ca,r en 1992, il entre dans le gouvernement de Pierre Bérégovoy comme ministre de de la ville. Curieusement, et on ne le signale pas toujours, c'est Bérégovoy lui-même qui propose à Mitterrand le nom de Tapie comme ministre, suscitant par là une certaine réserve du Président de la République qui exige que Tapie abandonne ses affaires pour éviter tout problème. Or, dans la suite, les enquêtes du juge Thierry Jean-Pierre sur le Crédit Lyonnais et ses filiales feront apparaître que la SDBO, banque de Bernard Tapie, est également celle de toute la famille Bérégovoy dont certains membres ont bénéficié de prêts et de découverts jugés "faramineux", en particulier entre 1986 et 1988. Il est donc possible que la relation entre ces deux hommes, en apparence du moins si dissemblables, que sont Bérégovoy et Bernard Tapie ait passé par la SDBO !

Il faut dire que le début des années 90 n'est pas très favorable au Crédit Lyonnais qui perd alors plus de 130 milliards de francs et qui se trouve, en 1993, en état de quasi-faillite à cause d'investissements, massifs et aberrants, dont ceux faits dans la Metro Goldwyn Mayer qui entraîneront des pertes énormes. Les études et les rapports (Commission bancaire, Rapport parlementaire, etc.) se succèdent et, en 1996, le ministre des finances de l'époque Jean Arthuis dépose plainte contre Jean-Yves Haberer, président du Crédit Lyonnais.

C'est précisément alors que survient, le 5 mai 1996, un incendie du siège central parisien du Crédit Lyonnais, boulevard des Italiens, qui fera l'objet de multiples expertises. Toutes concluent au caractère criminel de l'incendie qui a connu des départs de feu indépendants et une extension fulgurante des flammes. Le Crédit Lyonnais n'a décidément pas de chance ! A cet incendie de départ s'ajoutent, par hasard bien entendu, des événements curieux comme, par exemple, l'incendie de trois vastes hangars au Havre où brûlent 30 000 m³ d'archives ! La conclusion de l'enquête est que là aussi, l'incendie est volontaire ; iront dans le même sens de la destruction ou de la disparition de pièces d'archives, divers cambriolages dans des filiales de la banque et d'autres dépôts d'archives ou dans le cabinet d'un avocat qu'on soupçonnera même d'avoir organisé son propre cambriolage.

Entre les affaires Tapie et ces événements le lien est assurément ténu, mais tout cela témoigne d'un climat des plus délétères. Sa nomination comme ministre oblige Bernard Tapie à vendre Adidas et il s'adresse une fois de plus, en 1993, au Crédit Lyonnais alors en pleine tourmente juridico-financière comme on l'a vu. Il se charge de l'opération au prix de 315 millions (soit 2,15 milliards de francs) que fixe Bernard Tapie lui-même et qui offre tout de même, par rapport au prix qu'il avait payé aux soeurs Dassler, une plus value de 515 millions de francs en trois ans, ce qui n'est pas si mal !

Le problème vient ce que le Crédit Lyonnais revendra Adidas en 1994 à Robert Louis-Dreyfus pour 701 millions d'euros soit plus du double, en avançant, pour sa défense, que finalement l'achat à Bernard Tapie a été fait au prix qu'il avait lui-même fixé et que, s'il le jugeait insuffisant, il n'avait qu'à ne pas faire intervenir le Crédit Lyonnais dans cette vente. Faire du bénéfice en revendant ce qu'on a acheté est le principe même de tout commerce et Tapie ne s'était pas privé de le mettre en oeuvre dans ses précédentes opérations.

L'affaire des multiples incendies et cambriolages du Crédit Lyonnais n'a jamais été résolue, en dépit du caractère manifestement volontaire et organisé des incendies qui ont évidemment compromis voire arrêté l'avancée des enquêtes qui avaient été ouvertes à cette époque. Quant au Crédit Lyonnais, dont l'image avait été écornée par ces événements, il a choisi en 2005 la solution simple et radicale de changer de nom pour s'appeler désormais LCL.

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