De la presse « présidentielle » à Millas (suite et fin)
Dans son intervention à l’adresse de Sa presse, notre président a clairement fait allusion, et de façon quasi exclusive, aux élections, précisant même, qu'en ces périodes électorales, les grandes plateformes du Net seraient désormais, à partir de ses choix, soumises à des obligations particulières en matière de "contenus sponsorisés" et qu’elles devraient rendre publiques les sommes payées et les identités des annonceurs "et de ceux qui les contrôlent" ; les montants investis à ces fins par ces derniers seraient donc rendus publics, avec sans doute, en outre, des limites dans les sommes comme dans le temps, dans les médias audiovisuels choisis et les périodes de diffusion prévues.
Les événements politiques récents, aux États-Unis avec les soupçons de plus en plus avérés d'interventionnisme poutinien dans l'élection présidentielle américaine ( le système électoral est aussi très largement en cause puisque H. Clinton avait largement devancé Trump en nombre de voix), comme dans le Royaume-Uni, avec les magouilles soupçonnées dans la campagne du brexit britannique, font que le rôle du net est de plus en plus mis en évidence. Les nouveaux réseaux médiatiques et sociaux ont clairement un rôle sans cesse croissant dans toutes les élections, et, de ce fait même, les aspects financiers y sont de plus en plus importants, même s'ils étaient déjà souvent essentiels.
Quels seront l'avenir réel de ces perspectives tracées par notre Président et les mises en œuvre légales et juridiques effectives de ces menaces, car c’est bien de cela qu’il s’agit ? Il est bien difficile de le dire, mais du côté des juristes en particulier le scepticisme est assez général.
Par ailleurs, si l'on s'en tient aux événements de 2015 dans la campagne présidentielle française, qui ont été à l'origine de la colère et de la rancoeur présidentielles, il est bien difficile de qualifier de « faux et usage de faux » comme de « proclamation et diffusion de fausses nouvelles » des rumeurs concernant les mœurs d'un homme politique ou la possession éventuelle, clandestine et illégale par définition, d'un compte bancaire anonyme offshore !
Les « grands » du Net multiplient, sous des formes diverses, les partenariats avec les médias. Pour la partie, visible ou avouée, de la banquise numérique, les rivaux, Google et Facebook , se sont associés à diverses rédactions et toute la presse française ou presque est, elle-même, aux mains de la « Finance » .
Comme candidat, Emmanuel Macron avait lui-même, comme bien d’autres, porté plainte alors pour "faux, usage de faux et proclamation de fausses nouvelles". Dans la suite, le 4 mai 2017, en raison des insinuations de Marine Le Pen sur un prétendu compte offshore aux Bahamas, accusation lancée lors du débat télévisé, il avait aussitôt porté plainte…. « contre x » ! Ce sont là les gesticulations et les postures habituelles en pareils cas ! J’ai évoqué, dans le début de ce même blog, la plainte déposée, non plus par le candidat mais par le Président Macron, à la mi-août 2017, contre le journaliste qui s'était, d'après lui, introduit dans sa propriété de vacances à Marseille, à l’insu de la multitude des gardes de tous poils. Je crois savoir que le Président aurait fini par renoncer à sa plainte en signe d'apaisement vis-à-vis de la « presse » (même s’il lui préfère toujours les « vrais gens ») !
Le Président entend aussi, nous dit-il, faire appel au CSA ; dans l'état actuel de cet organisme, ce recours s'apparente à une farce quand on connaît un peu le fonctionnement de ce Conseil des « has beens » du PAF auquel j'ai naguère consacré un blog. Comment peut-on envisager sérieusement d'en accroître les pouvoirs pour lui permettre de « lutter contre toute tentative de déstabilisation par des services de télévision contrôlés ou influencés par des États étrangers. ». On ne retiendra ici que l’allusion au rôle de Poutine et de la Russie dans les affaires américaines voire françaises désormais dont notre Président a peut-être pu parler à son invité lors de sa visite.
On connaît, pour en avoir vu très souvent la référence dans les interdictions d’afficher, la fameuse « loi de 1881 » ; cette loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse a défini les libertés et responsabilités de la presse, imposant un cadre légal à toute publication, ainsi qu'à l'affichage public, au colportage et à la vente sur la voie publique.
Cette loi, dans son article 27ème prévoit la possibilité de punir d'une amende de 45 000 euros « la publication, la diffusion ou la reproduction […] de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler ». Cette disposition s'applique en cas de « diffusion par quelque moyen que ce soit ». Elle concerne donc tous les médias, écrits, audiovisuels ou électroniques. « L'article 27 est donc utilisable contre les fake news », soutient R. Letteron, professeur de droit public à Paris-Sorbonne. Le code électoral punit, lui, d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende « ceux qui, à l'aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manœuvres frauduleuses, auront surpris ou détourné des suffrages ».
Notre Président de la République, ancien de la banque Rothschild comme de Bercy, est rompu à toutes les stratégies politiques, en dépit de l'inexpérience qu'on lui suppose parfois bien à tort. Il sait mieux que quiconque que les seules menaces qui portent réellement sont celles qui peuvent frapper au portefeuille. Il ne s'est donc pas privé d'user de celles qui seront sans doute les plus efficaces pour les cibles qu'il s'est données. Elle ne sont assurément pas les plus visibles, du style de la marionnette du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel !
P.S. Que les pétitionnaires se rassurent, je n'oublie pas pour autant le passage à niveau et le bus de Millas ni surtout son infortunée conductrice.