J'entendais ce matin, sur je ne sais quelle radio-bignole, Europe1 me semble-t-il, Monsieur Patrick Lozès, fondateur et longtemps patron du CRAN, avec lequel j'ai souvent rompu des lances lors de mon premier séjour dans le blog du Nouvel Obs, défendre, comme on pouvait s'y attendre dans sa position, les statistiques ethniques que Robert Ménard, maire de Béziers, a mis involontairement sur la sellette en disant qu'il notait la religion et donc l'appartenance ethnique des élèves de sa ville en fonction de leurs prénoms.
Pour le plus vieux blogueur que je suis cela évoque deux problèmes sur lesquels je me suis souvent attardé dans le passé.
Mais disons tout d'abord deux mots sur Robert Ménard car le personnage est des plus curieux voire mystérieux. Ayant fondé en 1985 avec Rony Brauman, « Reporters sans frontières » (sur le modèle évident et revendiqué de « Médecins sans frontières »), il se retrouve trente ans plus tard maire de Béziers, sans étiquette Front National officielle me semble-t-il, mais de toute évidence très proche de ce mouvement. C’est, au départ, à la suite d'un voyage au Japon avec trois autres amis journalistes de Montpellier(car il est du coin) où il est sensibiliséà la très faible couverture médiatique des conflits dans le Tiers et le Quart Monde et suite à la rencontre de Rony Brauman (l’alter ego de B. Kouchner, qui, devenu ministre, fera décorer R. Ménard de la Légion d’honneur) que R. Ménard fonde son association avec ses amis et R. Brauman. Il bénéficie alors du soutien de François Mitterrand, puis, dans la suite, des mauvaises langues, de l’appui, occulte lui mais puissant, de la CIA ce qui plaiderait en faveur de sa largeur d’esprit.
de Robert Ménard esquissé, venons-en maintenant aux deux problèmes plus sérieux que je voulais aborder.
Le premier est celui des « recensements ethniques ». Sans grand mérite ni grande originalité, j'ai à de nombreuses reprises, entre 2000 et 2004 (j’ai alors été viré en douceur), ferraillé dans le blog des internautes du Nouvel Observateur avec Patrick Lozès qui était, en ces lieux, un des invités et donc une des têtes pensantes du lieu. P. Lozès était un partisan acharné des recensements ethniques sur lesquels je défendais, un peu par principe, la position française qui les interdit.
J'avais été sensibilisé à cette question par un long séjour d'enseignement et de recherche à la Réunion où j'avais rencontré, de façon très concrète, ce problème en particulier à propos des Indiens (les « Malbar » dans le parler local) qui sont une partie importante de la population de l'île, mais dont il est impossible de connaître le nombre exact et qu’on ne peut identifier comme tels. Les chercheurs qui s'intéressent à cette question (comme les géographes en particulier) sont aussi dépourvus d'instruments de repérage et de comptage fiables ; s'ils se rabattent en général sur les noms de famille, ce critère n'est pas du tout opérationnel dans une population aussi métissée que celle de la Réunion. Pour prendre un exemple très concret et que je connais parfaitement, la « nénaine » da fille aînée (qui est née à la Réunion) avait en effet un prénom des plus chrétiens (Suzanne), un nom de famille typiquement malabar mais était phénotypiquement une pure cafrine ( type négroïde et cheveux crépus)! Allez donc vous y retrouver ! Le phénotype n'est en rien pertinent puisque vous avez, dans une même famille et né des mêmes parents, des enfants blancs et des enfants noirs (même s'il faut évidemment mieux, dans le contexte local comme ailleurs, « sortir » blanc que noir).
Je dois donc dire que je défendrai un peu par principe la position du rejet des classements ethniques dont je percevais par ailleurs toutes les difficultés et, en revanche, assez peu la pertinence et l’intérêt dans la vie courante (donc en dehors des recherches sociologiques et/ou anthropologiques). La chose est d'ailleurs d'autant plus difficile dans une île comme la Réunion qu’en gros y domine ce que j'ai appelé autrefois, dans l’un de mes premiers articles, le « modèle brésilien » qui peut se résumer dans un proverbe qu'on trouve au Brésil mais également ailleurs : « Mets un nègre sur un cheval, il devient mulâtre. !». Traduit en termes abstraits, cela revient tout simplement à dire que monter dans sociale vous fait gravir aussi des échelons de l'échelle raciale. Au Brésil, le célèbre footballeur Pelé, dont la négritude ne pourtant faisait guère de doute, a déclaré sa fille blanche à l'État civil, ce qui n’a choqué personne de la part d'un personnage comme le Roi Pelé !
J'ai pu souvent constater que la limite entre le blanc et noir passait par le phénotype même de celui qui exprimait cette opinion ; je ne souviens d'un vieil avocat de Saint-Denis, de couleur passablement sombre, avec lequel je bavardais souvent ; il s'exprimait toujours en disant : « Nous les blancs… ». N'était noir dans un tel système que celui qui à ses yeux l’était plus que lui ! Le titre d’un de ces blogs, disparu avec les archives du « blog des internautes », était d’ailleurs « Mais que faire de Michael Jackson ? ».
J'en viens maintenant au second problème que je voulais aborder qui est celui des indications que Robert Ménard fait figurer (on ne sait trop où d'ailleurs), dans la perspective non pas de l'organisation d'une rafle d’un Vel d’Hiv. biterois comme de nombreux propos entendus depuis hier semblent le suggérer pour ameuter les foules), mais plus probablement pour la gestion scolaire, en particulier pour ce qui concerne les cantines.
Sans redouter un instant qu'on me soupçonne de lepénisme larvé, je comprends que, dans une gestion rationnelle des écoles primaires en particulier, il devienne nécessaire d'avoir une indication de l'appartenance ethnique ou religieuse des élèves (en particulier les musulmans d'origine africaine ou maghrébine), tant sur le plan de la pédagogie que sur celui de l'alimentation.
Après avoir récemment encore reproché à Giscard d'Estaing, dans ce même blog, d'avoir favorisé le regroupement familial des travailleurs immigrés dans les années 70, sans prendre en compte les incidences de ces mouvements de population sur le fonctionnement du système scolaire, en particulier pour l’apprentissage précoce de la langue française dans les premières années de ces enseignements, je ne vais pas contester une mesure qui pourrait sinon permettre la solution de ce problème (qu'on n'a jamais posé et donc moins encore résolu), mais du moins facilité la formation de classes mieux adaptées à cet objectif. le principe républicain consistant contre tout bon sens à mettre n'importe qui dans la même classe sans prendre en considération en particulier leurs compétences en français qui sera la langue de l'enseignement.
Ce principe, absurdement étiqueté comme « républicain », de loger tous les enfants à la même enseigne pédagogique sous prétexte d’égalité est à l'origine d'une bonne partie des problèmes que connaît notre système éducatif. Prenons un prenant un exemple simple. Dans une école où il y a quatre classes de cours préparatoire (CP) et 100 élèves qui doivent y entrer, il est évidemment aberrant de les répartir au hasard (par ordre alphabétique comme cela s’est fait) dans ces quatre classes de telle sorte que de cette façon, par hasard, les 30 élèves non francophones se retrouvent dans une même classe qui sera évidemment ingérable et dans laquelle ils n'apprendront rien. Belle égalité républicaine !
Tenir compte éventuellement de l'origine des élèves et surtout évaluer à partir de là leur niveau de compétence en français d‘abord pour les répartir de façon intelligente entre les quatre classes ou en faire une seule, mais à la didactique de la langue française prioritaire et spécifique me paraissent des démarches raisonnables dans lesquelles le racisme n'intervient en rien. L'attitude la plus raciste et la plus stupide en même temps consiste évidemment à ne prendre aucunement en compte ces éléments. Tout enseignant qui a une expérience de ces situations vous le dira !
Le problème des cantines se pose un peu dans les mêmes termes. Si l'on admet, comme la tendance semble se dessiner, qu'on peut prévoir en particulier des repas sans porc pour des élèves juifs ou musulmans, il faut évidemment, à un moment ou à un autre, savoir combien de tels repas doivent être prévus et, par conséquent, s'interroger sur les interdits alimentaires éventuels des élèves ; il faut donc, selon les lieux, à un moment ou un autre, identifier ces éléments pour prévoir les nombres de repas, sans pour autant préparer, en secret, des camps de concentration et des fours crématoires ! On pourrait songer éventuellement à de tels dénombrement à des fins pédagogique ou alimentaires comme cela se fait dans nombre de pays demandés qui nesont ni nazis ni fascistes, et demander ces détails lors des inscriptions aux parents d'élèves sans que cela soulève pour autant un scandale !
Il semble que Robert Ménard se fonde sur les prénoms des enfant plus que sur leurs noms de famille, à ce que j'ai entendu du moins.
Cette affaire me rappelle un de mes blogs récents dont je reproduis ici une courte partie ; il visait à suggérer à des parents musulmans d’ajouter, lors de la déclaration à l’état-cvil, aux prénoms qu'ils souhaitaient donner à leur enfant et qui peuvent être sans inconvénient musulmans, un prénom chrétien ; la loi française l’autorise parfaitement, alors qu'elle impose des procédures extrêmement longues et compliquées à celles et ceux qui voudraient, pour des raisons qui leur appartiennent, ajouter un prénom à la liste de ceux qui figurent dans leur état civil lui-même.
Comme dit le bon peuple « Cela ne mange pas de pain » et ne coûte rien ; en outre cela peut permettre à la fois des choix ultérieurs différents et une intégration plus facile (R. Ménard souligne sans le vouloir l’importance du prénom), sans poser le moindre problème d'ordre religieux puisque l'Islam n'impose pas de prénom particulier . En outre, facilité supplémentaire, certains prénoms sont à la fois musulmans et chrétiens. Je puis vous le garantir ici puisque l’un mes vieux amis, musulman et anthropologue, se prénomme pourtant Sélim : on ne saurait guère être plus chrétien que lui puisqu’il est par ailleurs jésuite !
NDLR : Le blog auquel je fais allusion est décidément trop long ; je le mettrai donc ici demain car cette question me paraît le justifier !