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Billet de blog 7 septembre 2018

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Des Chagos et de Diego Garcia...

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Des Chagos et de Diego Garcia...

La lecture de  Mediapart a l'avantage de réserver toujours des surprises. C'est ainsi que je m'étonne, depuis plusieurs semaines, de voir la place désormais faite aux partisans (sincères hélas, imaginaires sans doute ou plus probablement stipendiés) de Monsieur Tariq Ramadan ! Je me suis presque encore davantage étonné de lire dans le Club, le 6 septembre 2018, un  texte collectif émanant, nous dit-on, du « Club de Mediapart », et paru sous le titre « Le drame chagossien débattu au tribunal international de La Haye ».

Le terme «chagossien », dont j'ignorais moi-même l'existence, et qui n'a pas manqué d'interloquer mon Dragon, m'stupéfait, et davantage encore, quand j'ai lu les noms des signataires de ce qui me paraît être une pétition dont avait parlé dans Mediapar t; elle émanant d'une  blogueuse dont le pseudonyme « Annie 974 » indiquait clairement la localisation réunionnaise, ce qui rend un peu moins incertaine la connaissance qu'elle peut avoir de l'existence de cet archipel minuscule perdu dans le Nord de l'océan Indien.

Le plus drôle est toutefois la composition du groupe qui aurait signé ( dix noms) ce texte (mon prudent "aurait" s'expliquera par la remarque qui suit). Même si le blog doit être un genre court je ne puis que reproduire ici fidèlement la composition intégrale de ce groupe : "Patrick Singaïny, intellectuel réunionnais ; Olivier Bancoult, leader chagossien ; Pascal Blanchard, historien français de l’empire colonial français ; Ananda Devi, écrivaine mauricienne ; François Durpaire, spécialiste des Etats-Unis ; Achille Mbembé, philosophe d’origine camerounaise, théoricien du post-colonialisme ; Edgar Morin, sociologue et philosophe français ; Jean-Luc Raharimanana, écrivain malgache en langue française ; Souef Elbadawi, auteur comorien ; Khal Torabully, écrivain et cinéaste mauricien. ».

 Je ne suis en rien un historien de l'océan Indien et moins encore de l'archipel des Chagos, mais j'ai passé près d'une vingtaine d'années dans cette région et j'ai même dirigé, durant quelques années avec mon ami Paul Ottino, une RCP du CNRS sur l'océan Indien. Surtout dans une perspective anthropologique, je crois donc connaître un peu cette région, et particulièrement Maurice et les Seychelles.

La composition de ce groupe m'a de ce fait amusé car, mis à part Louis Olivier Bancoult (illustre inconnu "chagossien" né en 1964 et arrivé à Maurice à l'âge de quatre ans),  le représentant et le leader  du "Chagos Refugee Group", qui est bien entendu à l'origine de ce texte, les autres signataires se répartissent en deux ensembles. L'un comprend des Mauricien(e)s comme Ananda Devi (écrivaine d'origine indienne mais sans en avoir le phénotype) ou Khal Torabully ; l'autre groupe est celui des "experts" du "colonialisme" ( plutôt "anti-" naturellement) comme P. Singaïny (proche d'E. Morin qui est aussi dans ce même groupe pour faire nombre), Pascal Blanchard, "historien" à  la télé, F. Durpaire (idem pour les E-U), A. Mbembé ( lui aussi, plus sérieusement théoricien du post-colonialisme, mais qui vit hors d'Afrique) ; Souef Elbadawi, artiste et dramaturge comorien , ancien de RFI) ; Jean-Luc Raharimanana, écrivain malgache qui se consacre à des genres divers avec une prédilection pour le théâtre. Pour liquider ce point par l'essentiel, je doute fort (litote) que P. Blanchard, F. Durpaire, A. Mbembé ou E. Morin connaissent sur les Chagos quoi que ce soit d'autre que ce qu'en dit ce texte (si toutefois ils l'ont lu) et soient en mesure de situer les Chagos, si approximativement que ce soit, sur un planisphère !

S'ils ne l'ont pas fait on ne saurait toutefois leur en faire grief comme on le verra. Je ne  retiendrai de ce texte que de très brefs extraits qui toutefois sont significatifs: 

« Expulsés de chez eux afin d’installer une base militaire américaine dans l’océan Indien, les Chagossiens bataillent toujours pour leur droit au retour. [....]

Le 6 janvier 2017, deux semaines avant que Barack Obama quitte la Maison Blanche, sept Prix Nobel ont supplié le président américain de rendre justice au peuple chagossien en les aidant à retrouver leur terre, l'archipel de  [ sic ] Chagos  (pdf, 1 B), dont la plus grande île, Diego Garcia, est occupée par 4 000 militaires américains. Le président d’une union américaine plus parfaite, hélas, n’a pas su donner suite. [...]

Du 3 au 6 septembre prochain, la Cour Internationale de Justice, organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies, tiendra « des audiences publiques sur la requête pour avis consultatif relative aux effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de l’Île Maurice en 1965 ». 22 Etats ainsi que l’Union Africaine ont exprimé leur intention de prendre part à la procédure orale devant la Cour. Les Chagossiens veulent ainsi donner le plus grand retentissement à leur cause qui est sans aucun doute la plus importante depuis les premières décolonisations d’après-guerre, [ le soulignement est de moi ; une telle formule permet de juger d'emblée du sérieux d'un tel texte ! ] et qui porte en germe l’instruction du procès de toute entreprise de colonisation, d’occupation et de déportation d’un peuple. [ Cf. la remarque précédente ]

En effet, tout a commencé en 1965, quand l’archipel appartenait encore à l’Île Maurice et que la Grande-Bretagne a commis sciemment l’erreur – et ce sera prouvé officiellement – de démembrer un territoire à la veille de son émancipation, [ sic ] l’ONU ayant été très claire à ce sujet en la condamnant à plusieurs reprises. L’objectif de l’ancienne première puissance coloniale était de garder et de subtiliser ce territoire bénéficiant d’une situation stratégique idéale, pour le louer à l’Etat américain qui a préalablement exigé que l’archipel soit débarrassé de ses 2 000 habitants [ le soulignement est encore de moi ; une telle formule permet de juger d'emblée le sérieux d'un tel texte ! ]  issus de l’esclavage français. Ce qui fut fait méthodiquement et brutalement entre 1967 et 1973. Une grande partie des Chagossiens ont été exilés à l’Île Maurice, d’autres se sont retrouvés aux Seychelles ou alors dans les environs de Londres, principalement dans la ville de Crawley. La majorité d’entre eux, encore vivants, attendent de pouvoir rentrer chez eux, pour ne plus être des déportés. [ sic ]

Malgré l’activisme incessant des Chagossiens, en 2016, la Grande-Bretagne et les États-Unis d’Amérique ont scellé sans ciller la reconduite de la location pour encore 20 ans. Cela laisse supposer que la grande majorité des Chagossiens, qui se battent depuis 50 ans pour retrouver leur terre, n’aurait aucune chance de réaliser leur souhait ultime de rentrer chez eux. [...] 

La décolonisation de l’Île Maurice attend d’être achevée et le droit des Chagossiens à résider sur leur terre doit être reconnu non pas par seulement 94 pays, mais par l’écrasante majorité des Nations, parmi lesquelles la Grande-Bretagne, les États-Unis d’Amérique et la France, pays des Droits de l’Homme, lesquels stipulent que tout être humain, quelle que soit sa couleur de peau, sa religion ou son histoire, a droit à une terre, et que le chasser malgré lui de cette terre est un crime contre l’humanité ainsi que l’a rappelé en 2013 J-M Le Clézio, prix Nobel de littérature. [ sic ]  L’archipel des Chagos doit revenir aux seuls Chagossiens qui y ont fondé une culture créole unique. . Une histoire commencée depuis plus de 300 ans et qui vit ses derniers soubresauts avec ce conflit qui oppose un peuple fier de 10 000 âmes à deux Goliath."

(la suite et la fin probable demain).

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