ONGs et "migrants"
Je vais essayer, pour une fois, de traiter le sujet qui m'a amené à ouvrir ce blog, au lieu de me perdre dans des excursus qui parfois sont plus intéressants que le sujet que j'avais envisagé.
À propos des migrants africains, je ne ferais ici qu'une seule remarque liminaire qui tient à ce que, depuis une bonne quarantaine d'années hélas, j'ai une certaine expérience de l'Afrique subsaharienne. Or nul ne semble prendre en compte dans cette affaire la généralisation, somme toute massive et récente de la télévision, qui fait que, depuis deux décennies au moins, on diffuse sur l'ensemble de l'Afrique (y compris dans les zones rurales) des feuilletons télévisés (les Africains sont friands de ces "telenovelas") qui donnent toujours du Nord une représentation embellie qui ne peut que fasciner les populations misérables du Sud. Bien entendu, comme le chantait naguère encore feu Aznavour, la misère est tout de même "plus supportable au soleil.... ".
Mais mon propos n'est pas là et ne tient qu'aux débats qu'ont suscités et que suscitent encore les aventures administrativo-nautiques de l'Aquarius affrété par l'ONG SOS-Méditerranée et désormais sans pavillon, la farce panaméenne ayant pris fin.
Cette ONG avait été créée en réaction à l'arrêt de l'opération Mare Nostrum, opération militaro-humanitaire mise en place suite à un naufrage le 3 octobre 2013 à Lampedusa. Des membres de la société civile européenne créent alors "SOS Méditerranée "afin de mettre en œuvre une solution de secours pour les réfugiés, soi-disant "perdus en mer" (on reviendra sur ce point) !
Les fondateurs de cette ONG sont Klaus Vogel, capitaine de marine marchande allemand, et Sophie Beau. Le premier, âgé de 61 ans, a fondé trois ans auparavant SOS Méditerranée. De ce fait et à ce titre, il a reçu la Médaille Grand Vermeil, la plus haute distinction de la Ville de Paris. Depuis 2016, il aurait déjà sauvé plus de 26.000 vies selon sa belle-sœur Caroline Moine, qui est secrétaire au bureau de SOS Méditerranée France. La seconde, Sophie Beau est une Française, responsable de programmes sociaux et humanitaires, directrice générale ou vice-présidente de l'ONG en cause.
J'avais entendu, par hasard, dans les « Grandes Gueules » me semble-t-il, un intervenant avancer l'idée d'une "complicité" entre les "passeurs" nord-africains et les O.N.G. européennes qui se donnaient pour vocation de porter secours aux migrants "perdus en mer". Un peu étonné de cette hypothèse, je me suis renseigné de mon mieux, ce qui m'a conduit en particulier, à lire, dans Mediapart, l'article « Le « Juventa», emblème de la criminalisation des ONG en Méditerranée », publié le 20 avril 2018 par Joseph Confavreux et le "Collectif Forensic Architecture".
Bref préalable : La saisie, par les autorités italiennes, du bateau d’une ONG portant secours aux migrants est devenue l’emblème d’une campagne de criminalisation de celles et ceux qui tentent de sauver des vies en Méditerranée. "Le collectif "Forensic Architecture" démonte, à l’aide d’outils inédits, les failles et les biais de cette accusation à la veille d’une décision de la Cour suprême italienne". Je ne reproduirai pas ici d'extraits de ce texte puisqu'il est très facile de s'y référer ; je me bornerai à en citer les premiers paragraphes pour vous éviter d'inutiles recherches et parce que, y est dit tout ce qui m'importe dans cette affaire :
« Le 2 août 2017, le bateau Iuventa, affrété par l’ONG allemande Jugend Rettet (« Sauver la jeunesse »), engagée dans des opérations de recherche et de sauvetage des migrants qui tentent de rejoindre l’Europe, est saisi à proximité de l’île de Lampedusa. L’ONG est accusée de collusion avec les trafiquants qui font passer les migrants des côtes libyennes aux rivages italiens et d’aide à « l’immigration illégale ».
Alerté sur l’affaire, ce collectif Forensic Architecture a enquêté avec les outils impressionnants qu’il développe depuis quelques années. « Forensic Architecture » est à la fois le nom d’une nouvelle discipline située entre journalisme d’investigation et défense des droits humains, et celui d’une agence d’architecture de combat basée à Londres. Celle-ci regroupe des architectes, des cartographes, des ingénieurs, des juristes ou des réalisateurs, et développe des moyens inédits d’investigation sur les crimes et mensonges d’État, qu’elle met au service des ONG ou de l’ONU.
Elle a, ici, collecté images, données et métadonnées pour démonter l’accusation et démontrer la manière dont la saisie du bateau de 33 mètres, susceptible d’accueillir à son bord plus de 200 personnes, s’inscrit dans une campagne plus large de délégitimation et de criminalisation des ONG s’efforçant de sauver celles et ceux qui tentent de rejoindre l’Europe par la Méditerranée. Forensic Architecture est ainsi parvenu à une reconstitution 3D de ce qui s’est vraiment passé au large des côtes libyennes, qu’elle a publiée en même temps que Mediapart pour la France, Internazionale en Italie et The Intercept, le magazine lancé par Glenn Greenwald, Laura Poitras et Jeremy Scahill. ». (Fin de citation).
(La suite demain).