DERNIÈRE MINUTE : Réforme de l’audiovisuel public : France Télévision (s) ou les taxis de la Berezina
Les récentes déclarations présidentielles m’obligent à suspendre provisoirement, pour en rendre compte, la publication de la fin de la série des blogs « Francophonie et Francofolie ».
S'il y a en France une chose qui touche et concerne toutes les Françaises et tous les Français (Parité quand tu nous tient !) c'est bien la télévision… plus que les ventes d'armes au Qatar ou le déplacement de l'ambassade américaine en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem. Entendons-nous bien, je ne veux pas donner raison au bon peuple de France sur son paysage audiovisuel et j'ai choisis comme exemples ces deux événements un peu au hasard !
Sans qu'on comprenne très bien pourquoi, notre Président nous fait des cachotteries et il semble ainsi qu'il a en tête une grande réforme de notre audiovisuel public qu'il semble avoir l'intention de changer puisqu'il y voit, à l’entendre, « une honte de la République » ou « une honte pour nos concitoyens » ; les programmes en sont jugés par lui « trop chers » et destinés principalement aux " gens les mieux éduqués " ( ce qui n’est pas gentil pour ces Français et me semble un peu contradictoire).
Si le fonctionnement de notre télévision nationale est assurément bien trop coûteux (mais ce prix tient surtout à la pléthore phénoménale du personnel), je doute fort en revanche que ce prix tienne à ce que on y vise « les gens les mieux éduqués »… ou alors on est bien loin de la cible ! Cette remarque finale me donne à croire que notre Président de la République est beaucoup trop occupé par ses discours et ses voyages pour pouvoir regarder, ne serait-ce que de temps en temps , notre télévision publique nationale,. Il suffit d'ailleurs d'en examiner les statistiques pour constater que ce sont les chaînes confidentielles de la télévision nationale comme Arte ou la Chaîne parlementaire, les seules regardables de notre paysage audiovisuel, qui y font les plus mauvais scores !
Ce qui me frappe dans cette affaire est que, le 4 décembre 2017, les propos présidentiels sur notre paysage audiovisuel public ont été tenus à l'Élysée devant les députés LREM et Modem membres de la Commission des affaires culturelles. Je fais sur ce point toutes sortes de réserves car le compte rendu qui en a été fait dans divers organes de presse est assez variable, même si l’on s'y accorde sur la tonalité très critique du propos.
" J'ai été particulièrement choquée. " C'est ainsi que la députée communiste Marie-George Buffet a ouvert, mardi 5 décembre après-midi, la séance de cette Commission des affaires culturelles à l'Assemblée nationale (À vrai dire, je ne comprends pas comment Madame Buffet, farouche militante féministe, supporte un tel patronyme avec un prénom si scandaleusement masculin, sans parler du patronyme lui-même qui la cantonne si scandaleusement à l’office). Elle réagissait par là aux propos d'Emmanuel Macron devant des députés d’opposition de cette même Commission que je viens d'évoquer.
Dans l'après-midi, la section CGT de France Télévisions s'était déjà indignée de ce qu'elle qualifiait de " stratégie du dénigrement [qui] s'inscrit dans une volonté affirmée de saccage économique et de reprise en main politique de l'audiovisuel public ". L'Élysée avait toutefois déjà opposé un démenti " formel " aux propos ainsi rapportés, suivi en cela par les députés de la majorité. " Je vous le dis en tant que Président de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation, ce ne sont pas les propos tels qu'ils ont été tenus par le Président de la République ", avait même tenu à préciser Bruno Studer !
On se souvient que le regroupement des chaînes publiques sous France Télévisions a été opéré entre 2009 et 2012 avec une synergie quasi inexistante entre les différentes entreprises publiques, ce qui évidemment a entraîné, au lieu d'une réduction des coûts en particulier pour ce qui concerne le personnel, une simple addition des dépenses dans le domaine, sans que l'efficacité et la qualité en soient pour autant accrues. Selon Télérama, le président aurait ajouté : " On met très peu d'argent pour aller éduquer des gens qui sont loin de la culture […], qui ne vont jamais regarder ni Arte, ni une chaîne de télévision publique. C'est ça la réalité ".
Coût élevé, gouvernance sans projet et inefficace, programmes de qualité variable mais médIocre, élitisme et gaspillage, Emmanuel Macron, qui n'avait encore jamais pris la parole publiquement au sujet de l'audiovisuel public, a critiqué l'absence de prise en compte des nouveaux usages du numérique, déplorant que « on ne regarde pas le continent sur lequel nos gamins sont en train de s'éduquer ". Il a ajouté, toujours selon Télérama : " On fait des programmes pour les jeunes en disant, c'est super, c'est pour les jeunes […] mais ceux qui les regardent ont plus de 65 ans. "
Enfin, E. Macron a critiqué le mode de nomination des dirigeants de chaînes " qui ne sont responsables devant personne " et s'en est pris au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), " pensé, dans sa forme, à une autre époque, qui avait d'autres usages. Qu'on aille pas compter sur moi, qui ai critiqué l'action du CSA et ai même consacré à cette ruineuse maison de retraite pour « has beens » de l’audio-visuel, un blog spécifique. Le CSA ne remplit nullement son office et on peut même se demander ce qu'on peut bien y faire.
Alors qu'il lui est demandé de réduire de 50 millions d'euros le budget de France Télévisions, Delphine Ernotte, la présidente du groupe depuis 2015, est y de plus en plus contestée ; l’augmentation de la redevance comme le rétablissement total de la pub semblent ne pas être envisagés ( vous savez combien coûtent les taxis mais on ne peut pas toucher à la corne d’abondance publicitaire des chaînes privées!). Gare à la diffamation, je me bornerai donc à reprendre les propos acides de Frédéric Taddéi : "Delphine Ernotte, ne connaît rien à la télé et est en train de casser le groupe". Selon lui, France Télévisions est un "gâchis", "prend aujourd'hui les gens pour des imbéciles" et "fait une télé en fonction de ce critère".
On menace les rares émissions "visibles" et suivies. En interne. Il avait été envisagé un temps de réduire les moyens consacrés aux émissions "Envoyé spécial" et "Complément d'enquête" (qui peuvent naturellement déplaire au MEDEF et à certains lobbys). Cette menace avait provoqué de vives réactions des salariés et d'une partie du public sur les réseaux sociaux. La direction a finalement accepté de reculer ! Delphine Ernotte devrait présenter son plan d'économies le 21 décembre devant le conseil d'administration du groupe, mais elle est visée par une motion de défiance qui sera prochainement soumise au vote.
Quels qu'en aient été les termes exacts, l'adresse d'Emmanuel Macron aux membres de la Commission des affaires culturelles annonce une réforme en profondeur du notre service public de l'audiovisuel.
( Je suis long ; la fin demain !)