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Billet de blog 9 septembre 2018

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Des Chagos et de Diego Garcia (suite)

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Des Chagos et de Diego Garcia (suite)

Venons-en donc aux faits eux-mêmes, en laissant de côté ces sottises, ces ignorances et ces mensonges. Le 8 novembre 1965, trois ans avant l'indépendance de la colonie britannique de Maurice, l'archipel des Chagos en est détaché pour constituer un Territoire Britannique de l'Océan Indien ( en anglais British Indian Ocean Territory abrégé en BIOT). Cette réforme résulte d'un accord du Conseil des ministres de Maurice avec les USA ; en retour, Maurice reçoit d'importantes subventions en dédommagement, leur montant demeurant à ce jour inconnu, car relevant du « secret diplomatique ». Pour être simple et clair, sous la forme d'une pseudo location, renouvelable à l'infini, le gouvernement mauricien a VENDU (très cher) l'archipel des Chagos aux USA sous réserve toutefois de l'expulsion définitive de la totalité de sa population.

Sur ce point le texte de Mediapart est presque relativement exact :

En 1965, ( voir ci-dessus) les Chagos "appartenaient" encore à l’Île Maurice et la Grande-Bretagne aurait commis sciemment l’erreur – et ce sera prouvé officiellement – de démembrer un territoire à la veille de son émancipation. Ce dernier point est très discutable car lors de l'indépendance de Maurice, Rodrigues (une île à 600 km dans l'Est de Maurice) n'a pas accédé à l'indépendance !

On lit dans le texte publié par Mediapart : L’objectif de la puissance coloniale était de "garder et de subtiliser ce territoire bénéficiant d’une situation stratégique idéale, pour le louer à l’Etat américain qui a préalablement exigé que l’archipel soit débarrassé de ses 2 000 habitants [ nombre très exagéré !]  issus de l’esclavage français. Ce qui fut fait méthodiquement et brutalement entre 1967 et 1973".

Entre le 17 juillet 1966 et 1973, en effet , les Chagossiens sont tous expulsés vers Maurice et les Seychelles.  Les sommes versées par les États-Unis sont destinées, en partie, sur le papier au moins, à financer l'installation des habitants expulsés dans leur nouveau pays. Bien entendu, à les entendre et à les croire, ces derniers ne percevront à peu près rien de ces indemnités quoiqu'une caisse de financement de ces installations ait été alors constituée ;  le fric américain  disparaitra et des années durant, une partie des "chagossuiens" expulsés "squattera" en particulier le Jardin de la Compagnie à Port-Louis, avant de finir par en être expulsés et par disparaître pour aller s'installer ailleurs. 

Quid des Chagos et surtout de Diego-Garcia ? Autorisée le 30 décembre 1966, la base américaine de Diego Garcia est ouverte le 1er octobre 1977, après le rachat de toutes les terres le 3 avril 1967 . En 2016, la Grande-Bretagne et les États-Unis d’Amérique ont  passé un accord pour la  reconduite de la location de l'archipel pour 20 ans encore. Cela laisse clairement voir que les Chagossiens n’ont aucune chance de rentrer "chez eux", si toutefois on peut parler ainsi pour une telle population ! 

Ce n'est en effet que trente ans après l'expulsion (1966-1998) que des Chagossiens se lancent (les premiers "exilés" étaient bien incapables même de songer à de telles démarches juridiques) dans des recours en justice à l'encontre du gouvernement britannique dont les initiateurs ont bien entendu des motivation politiques et/ou personnelles ! Les revendications portent sur un meilleur dédommagement de leur expulsion, le droit de pouvoir retourner vivre dans l'archipel et l'obtention de la nationalité britannique lors d'une demande formulée en 2001. 

La politique d'immigration inscrite en 2004 dans la constitution du Territoire britannique de l'océan Indien est invalidée en 2006 et 2007 par la Haute Cour de justice britannique. Dans le même temps, cette Cour d'appel confirme le statut militaire et extraordinaire de Diego Garcia. Quelques Chagossiens auront la possibilité de retourner "en visite" dans l'archipel en avril 2006, mais, finalement, les Chagossiens sont déboutés le 22 octobre 2008 lorsque la Chambre des Lords, le dernier recours en appel dans le système judiciaire britannique, entérine la situation et ainsi ne laisse aucune possibilité de retour pour les Chagossiens.

Le 22 juin 2017, l'Assemblée Générale des Nations unies a demandé à la Cour internationale de justice de rendre un avis consultatif portant sur le respect, par le Royaume-Uni, des règles pertinentes du droit international lors du processus de décolonisation. La Résolution interroge également la Cour sur les conséquences juridiques de la séparation de l'archipel des Chagos de Maurice en 1965 et du maintien de l'archipel sous administration britannique. 

Du 3 au 6 septembre prochain, la Cour Internationale de Justice, organe judiciaire principal de l'ONU, tiendra "des audiences publiques sur la requête pour avis consultatif relative aux effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de l’Île Maurice en 1965". Wait and see !

 Au-delà des sottises et des ignorances qui fourmillent dans le texte de Médiapart cité, comme on l' a vu, sous la signature d'une dizaine de "comiques", on trouve tout de même dans la partie finale une occasion de s'amuser plus franchement. Je cite donc à nouveau le passage en cause :

« La décolonisation de l’Île Maurice attend d’être achevée [ !!! ; je vois mal le rapport avec les Chagos et les juteux accords américano- mauriciens] et le droit des Chagossiens à résider sur leur terre doit être reconnu non pas par seulement 94 pays, mais par l’écrasante majorité des Nations, parmi lesquelles la Grande-Bretagne, les États-Unis d’Amérique et la France, pays des Droits de l’Homme [ autre blague car le pays "des droits de l'Homme" est bien plutôt la Grande-Bretagne où nombre de nos philosophes cherchèrent refuge]  lesquels stipulent que tout être humain, quelle que soit sa couleur de peau, sa religion ou son histoire, a droit à une terre, et que le chasser malgré lui de cette terre est un crime contre l’humanité ainsi que l’a rappelé en 2013 J-M Le Clézio, prix Nobel de littérature. [ sic ; J.M.  Le Clézio, lui-même d'origine mauricienne comme son nom; l'indique, que j'ai eu le plaisir de rencontrer autrefois, ne m'avait pas paru spécialement préoccupé par le sort des Chagossiens]  L’archipel des Chagos doit revenir aux seuls Chagossiens qui y ont fondé une culture créole unique. Une histoire commencée depuis plus de 300 ans et qui vit ses derniers soubresauts avec ce conflit qui oppose un peuple fier de 10 000 âmes à deux Goliath."

Cette fin du texte, que ses auteurs ont clairement voulu éblouissante, en constitue la pire des conclusions. En effet, et cela confirme d'ailleurs le caractère fragmentaire et sporadique du peuplement de cet archipel il n'y a pas de culture créole "chagossienne", alors que, même une île minuscule comme Rodrigues offre des traits linguistiques et culturels qui lui sont propres, qui constitue une culture CREOLE dont l'existence tient précisément à la durée et à la permanence de l'occupation de ce territoire.  L'histoire des Chagos  n'a nullement commencé « depuis 300 ans » et ce peuple (s'il existe et s'il est " fier"  comme le prétendent nos chers auteurs) est très loin de compter dix mille hommes, même en y incluant les 4000 militaires et agents ou administratifs de la base américaine de Diego Garcia. 

En revanche, Diego Garcia, gigantesque porte-avions terrestre pour les forces aériennes américaines, à proximité immédiate des zones moyen-orientales, lieux de confllts multiples, est  d'un intérêt stratégique capital pour les États-Unis. 

J'en donnerai une preuve que mes lecteur(e)s sont bien loin de soupçonner. On se souvient que le 8 mars 2014, le vol MH 370 de la compagnie Malaysia Airlines disparaissait des écrans radars et cessait de répondre aux appels des contrôleurs. 

Le mystère du vol MH 370 reste entier ; aucune épave n’a été trouvée après quatre ans de recherches et personne ne sait ce qu’il est advenu du Boeing 777 et de ses 239 passagers et membres d’équipage. Complot, détournement, missile : seules des hypothèses peuvent être émises sur les raisons de cette disparition et sur l’endroit où pourrait se trouver l’épave et les causes de cette disparition. 

Cette disparition, unique dans les annales aéronautiques, n'a nullement eu lieu à proximité de l'Australie comme on a essayé de le faire croire moment, mais très certainement dans le nord de l'océan Indien entre les Maldives et Diego Garcia. 

Je ne reprendrai pas ici le détail de cette affaire à laquelle j'ai consacré plusieurs de mes blogs, mais tous les éléments nouveaux apportés depuis cette disparition vont dans le sens de mon hypothèse. Le pilote, fou et/ou illuminé politique, qui avait coupé tous les instruments de mesure repérage qui permettaient de suivre sa route, avait sans doute rêvé de faire sur la base militaire américaine de Diego Garcia ce que les sbires d'Al Qaïda avaient fait sur les tours de New York ;  la différence majeure est que les abords, même  lointains, de Diego Garcia sont les lieux les mieux surveillés du monde et que les forces américaines n'ont sans doute pas hésité un seul instant à abattre cet appareil qui aurait pu éventuellement les menacer, même s'ils ne le reconnaitront évidemment jamais ! 

À cet immense intérêt stratégique des Chagos, s'ajoute encore, du fait de la dispersion des 55  îles de cet archipel, un intérêt plus lointain mais peut-être plus incontestable encore ; il y a en effet, liée à la possession  des 50 km2 des Chagos, celle d'une "zone économique exclusive" de 636 600 km2 et donc peut-être d'immenses possibilités d'exploitation du nouvel eldorado des « terres rares » qui sont la richesse minérale du futur. Les Chinois sont actuellement, par l'immensité même leur territoire national, les leaders mondiaux dans ce domaine capital mais les Japonais sont en train de les rejoindre sur ce terrain par l'exploitation des zones sous-marines qui a désormais commencé  ; il pourrait y avoir là aussi, avec plus d'un demi-million de kilomètres carrés exploitables des richesses sous-marines colossales que les grandes puissances du monde entendent bien ne pas laisser leur échapper.

Je donnerai demain une suite (inattendue) et une fin à ce blog pour des raisons que je donnerai.

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