Réforme de l'audiovisuel public : France Télévision (s) ou les taxis de la Berezina (suite et fin)
Les récentes déclarations présidentielles m'obligent à suspendre provisoirement , pour en rendre compte, la publication de la fin de la série des blogs « Francophonie et Francofolie » qui reprendra demain".
Au moment où s'engagent la réflexion et la concertation sur une réforme de "l'audiovisuel public français", ne serait-il pas utile, voire indispensable, d'adresser à toutes les autorités concernées par ce service public comme à nos politiques, un petit rappel qui peut paraître nécessaire et dont je dois, une fois encore, me charger. Il concerne "l'histoire secrète de l'annonce de la suppression de la publicité sur France Télévisions" pour reprendre les termes mêmes d'un excellent article du Monde, qui date déjà de quelques années, mais que son accès facile sur Internet me dispense de reproduire ici : ( Le Monde | 12.02.2008 à 12h30, Mis à jour le 28.04.2008 à 14h36 | Par Raphaëlle Bacqué Ariane Chemin).
Il faut toutefois commencer un peu avant 2008 et finir bien après. C'est en effet une loi du 2 août 1989 qui avait institué une présidence commune des deux chaînes publiques, Antenne 2 (A2) et France Régions 3 (FR3). Elle créait également une régie publicitaire commune nommée « France Espace » rassemblant leurs régies publicitaires. En 1998, France Espace est renommée « France Télévisions Publicité » et deux ans plus tard, une loi du 1er août 2000 crée la "holding" France Télévisions.
Comme souvent en France, bien des problèmes se ramènent en fait à des questions d'orthographe, ce qui explique que nous ayons fait tant de réformes en la matière (et nous y songeons encore en ce moment en raison de la vogue de la parité), sans que les choses changent réellement, car, chez nous, il est plus facile de faire évoluer les mots que les choses, même si nos réformes de l'orthographe ne donnent pas toujours les résultats qu'on pouvait en attendre.
Doit-on écrire « France Télévision " (sans -s final) ou « France Télévisions " (avec une marque du pluriel). Si l'on examiner les choses elles-mêmes, cet -s final, présent ou non selon les documents, devrait être maintenu. On s'est borné en effet, sans plus, à réunir sous une même étiquette ou un même nom, sans y rien changer, plusieurs télévisions publiques (alors France2, France3, France4 et France5), dont le nombre est d'ailleurs indéterminé puisqu'on y a ajouté depuis "France Infos" et la « chaîne métisse" (curieuse appellation des anciennes RFO). Notre penchant pour l'hésitation est tel que nous n'avons pas même réussi à décider si le nom de la structure ainsi mise en place, nommée « holding », est masculin ou féminin. À dessein, j'emprunte à Wikipédia la définition de cet objet : "Un ou une holding ou société faîtière, également appelée société de portefeuille au Canada et en Belgique, est une société ayant pour vocation de regrouper des participations dans diverses sociétés et d'en assurer l'unité de direction ". Québécois et Belges sont, comme toujours, plus francophones et moins irrésolus que nous !
Le 5 janvier 2009, pour y revenir, selon la volonté du Président de la République d'alors, Nicolas Sarkozy, la publicité avait été supprimée du service public entre 20 h. et 6 h. du matin. Par 30 voix contre 18, l'article 18ème de la loi sur la réforme de l'audiovisuel public, avait été adopté après des heures de débat à l'Assemblée nationale. Durant la journée, la publicité demeurait présente... provisoirement car elle devait aussi y être supprimée en novembre 2011, quand France Télévision(s) aurait définitivement basculé de l'analogique au numérique.
« Fin octobre 2009, France Télévision(s) décide toutefois d'ouvrir le capital de France Télévisions Publicité à hauteur de 70 %. Six sociétés candidates se font connaître auprès de la Banque Rothschild qui « conseille » le groupe audiovisuel public (Tiens ! Tiens !). En février 2010, France Télévisions entre en négociations exclusives avec le consortium La Financière Lov et Publicis Groupe pour acheter 70 % du capital de la régie publicitaire pour un montant de 2,6 millions d'euros. Le 9 septembre 2010, deux sénateurs déposent une proposition de loi repoussant au 1er janvier 2015 la suppression de la publicité en journée sur les chaînes publiques. Le même jour, les sociétés La Financière Lov et Publicis Groupe renoncent à acheter une partie de France Télévisions Publicité.
Fin mai 2016, France TV Publicité crée le « Lab », un nouveau département de " brand publishing " qui met au point des " projets cross media " sur-mesure et originaux, en utilisant le " marketing de contenu ", les données et les réseaux sociaux [ Ça fleure un peu la magouille, mais je suis preneur d'explications pour ces quatre lignes que j'ai reproduites telles quelles ]". Dans la nuit du 7 au 8 décembre 2016, le Sénat annonce la fin de la publicité pour les programmes destinés à la jeunesse (ainsi que les « sites internet dédiés ») dès le 1er janvier 2018 ! »
Pour l'adjonction en 2016 de la petite dernière , France Infos, création de D. Ernotte, on peut consulter l'excellent texte de Véronique Groussard " L'histoire secrète de Franceinfo " ( 6 novembre 2016) : « Bâtie en un temps record par France Télé et Radio France, Franceinfo [ ou Franceinfo ou encore France-Info, voire France-Infos ] a fêté ses deux mois d'existence le 1er novembre. Chronique d'un chantier chaotique mené, avec l'aimable participation de l'État, en 365 jours chrono. « .
Même si Patrice Buisson, sauf erreur de ma part, ne fait guère mention de cet épisode dans son livre au titre si insolite, La cause du peuple, le rôle d'Alain Minc est à prendre en compte dans cette affaire. Ce "conseil en stratégie financière" a en effet une spécialité un peu inattendue de sa part pour qui examine son parcours professionnel industriel antérieur, … mais vous connaissez la formule : « Ce qu'on sait faire, on le fait, ce qu'on ne sait pas faire, on l'enseigne… ou on le conseille » !. Pour éclairer cette remarque et pour les amateurs éventuels, la référence de mon blog sur A.Minc dans Mediapart, dont le titre ne doit pas induire en erreur est, « Le collabo, le juif et le nègre », et il est en date du 16 juin 2013.
Minc fut donc, contre toute attente, un certain temps du moins, l'un des hommes les plus écoutés du nouveau Président de la République. Il avait fait alors une suggestion suivie d’effet à son ami Nicolas : "Tu dois continuer à jouer à contre-emploi. Pourquoi pas sur la télévision ? François Mitterrand l'avait privatisée, tu peux être celui qui va la nationaliser." La télévision, c'est la grande affaire des sociétés modernes. « Tout le monde la regarde - sauf ceux qui, au pouvoir, décident pourtant de ce qu'elle doit être. ».
La suite vous la connaissez, ne serait-ce qu'en regardant France-Infos où il n'y a plus guère que de la pub ou de l'auto-publicité, en répétitions infinies 24 heures sur 24, car on n'y trouve à peu près rien d'autre ! Pour la future réforme du PAF, "wait and see" mais je crains fort ce ne soit une fois encore « Much ado about nothing ! »