Quoique le "Club" de Mediapart soit le blog où j'ai le plus écrit (plus de mille textes) et qu'il soit nettement le moins consternant de tous, le « blog » lui-même mériterait assurément une étude psycho-sociologique, du genre lui-même comme de sa population, car certains supports tendent à devenir « les Petites Maisons » de l'écriture.
J'use à dessein ici de ce terme, rare et désuet, que d'aucuns jugeront sans doute affecté ! Les "Petites Maisons" est en effet le nom donné à un asile d’aliénés et de vieillards de Paris créé en 1557. Il se nommait, au départ "maladrerie" de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, car il se trouvait alors à l’extrémité du quartier de Saint-Germain-des-Prés. Il est ensuite transformé en hôpital et déménage rue de Sèvres, dans le quartier Notre-Dame-des-Champs et est destiné aux « personnes insensées, faibles d’esprit ou même caduques ». Cette désignation vient des "petites maisons" basses ou loges qui entouraient les cours de l’établissement.
Comme le dit l'Almanach royal : "L'hôpital des Petites-Maisons renferme quatre objets : le premier, ce sont les quatre cens vieilles gens qui y sont reçus et logez; le second, les incensez; le troisième, les malades de la maladie vénérienne, qui y sont pansez ; le quatrième, ceux affligez de la teigne, qui y sont guéris."
Le terme est toutefois devenu un peu inadéquat comme la comparaison elle même, car si le pourcentage de contributeurs âgés qui fréquentent les blogs est de toute évidence très élevé, tous ne sont pas fous loin de là, même si certains sont, comme on le verra, "teigneux" ! J'y observe toutefois chez les blogueurs des évolutions de nature diverses, indépendamment de l'invasion générale de la publicité et du mercantilisme qui, de toute façon, s’observent dans tous nos médias.
Les hébergeurs étant de moins en moins vigilants (ou si vous préférez, de plus en plus désireux de faire du fric avec la publicité) nombre de blogs servent de refuges voire d'espaces publicitaires pour bon nombre de pseudo-blogueurs-annonceurs qui prennent de moins en moins la peine de dissimuler leurs visées mercantiles, qu'il s'agisse de prétendues formations à des activités professionnelles paramédicales incertaines, à des cliniques de chirurgie esthétique lointaines et exotiques, ou à des vendeurs de remèdes ou de produits miraculeux. Je n'ai pas encore lu de propositions de putes blogueuses mais ça va venir assurément !
Je vous entends d'ici m’objecter qu'il suffit de ne pas ouvrir ces blogs mais la chose n'est pas toujours évidente car la prolifération de ces genres de blogs conduit leurs auteurs à user de ruses de plus en plus élaborées pour dissimuler leurs véritables objectifs.
Je ne parle même pas ici des blogs de ces auteurs qui jugent indispensable de nous tenir informés des moindres détails de leur vie quotidienne et familiale, ne nous épargnant même pas l'exposé du menu de leur déjeuner dominical ou les circonstances de leurs plus récents déplacements.
Une catégorie particulière et dans lequelle et par laquelle on retrouve la vocation initiale des "petites maisons" (qui accueillaient des aliénés) est constituée par des maniaques du débat idéologique ou politique ; on y voit s'affronter des blogueurs qui non seulement ont des points de vue diamétralement opposés, mais qui, de plus en plus, usent de subterfuges divers (multiplicité des pseudonymes, faux messages attribués à leurs ennemis, faux commentaires, etc.), moins pour s'exprimer que pour tenir le haut du pavé ; souvent en effet les gestionnaires de ces blogs jugent de l'intérêt des textes qui leur sont adressés aux commentaires ou réponses qu'ils suscitent. Cette spécialité est en particulier mise en pratique dans le blog de l'Obs par deux ou trois individus ; par le jeu des pseudonymes comme par les fausses correspondances ils arrivent à tenir le haut du pavé dans la rubrique des "plus lus ", ce qui semble suffire à leur bonheur !