Robert Chaudenson (avatar)

Robert Chaudenson

Abonné·e de Mediapart

1484 Billets

0 Édition

Billet de blog 12 juin 2018

Robert Chaudenson (avatar)

Robert Chaudenson

Abonné·e de Mediapart

Retraites ... et primes (suite n° 4)

Robert Chaudenson (avatar)

Robert Chaudenson

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Retraites ... et primes (suite n° 4)

Dans Les intouchables d'État (Robert Laffont), au terme de deux ans d'enquête sur les rémunérations des très hauts fonctionnaires, Vincent Jauvert ( L'Obs 18 janvier 2018 ) révèle notamment l'existence d'une mystérieuse liste « REM 150 ». Daté du 4 octobre 2016, ce document est estampillé "confidentiel". Ce nom de code cache la liste des 150 cadres du ministère de l'Économie rémunérés plus de 150.000 euros brut par an, donc mieux payés que le Chef de l'État lui-même ! Mais quelque 450 autres membres de cette élite, sous la tutelle de la Santé ou du Quai d'Orsay, gagneraient également plus qu'Emmanuel Macron ; le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France serait ainsi trois fois mieux payé qu'un ministre ! La liste "REM 150" compte en effet , "tous les princes de Bercy" - les directeurs -, mais " même deux simples chefs de service", mieux payés que le Président de la République !

Le journaliste met aussi en lumière la rémunération d'un simple mais mystérieux conseiller "contractuel" d'un ministre de Bercy, rémunéré 181.395 euros brut en 2015, soit 150.622 net. Pour quel ministre travaille-t-il ? "Je peux certifier qu'aucun conseiller, en particulier aucun contractuel, ne gagnait 180.000 euros (brut), ni au cabinet de Christian Eckert (secrétaire d'Etat au Budget) ni au mien", assure pourtant  Michel Sapin, à l'époque en charge des Finances. Et d'ajouter perfidement  : "Je ne peux pas vous donner la même assurance s'agissant du cabinet Macron (chargé de l'Economie) dont j'ignorais et ignore les rémunérations." L'Élysée ne souhaite pas commenter! "Il ne nous appartient pas de donner des informations relatives à la vie privée des personnes", explique à L'Obs, Sibeth Ndiaye, « conseillère presse » de la Présidence, qui occupait le même poste à Bercy.

Une autre note confidentielle sur laquelle le journaliste a mis la main, (remontant, celle-ci à 2013), révèle que plus de 600 hauts fonctionnaires - dont plus de 300 diplomates - gagnaient alors plus de 150.000 euros par an. Le mieux payé, toutes catégories confondues, est le Gouverneur de la Banque de France [ Si! Si !  Çà existe donc encore ça, fort heureusement pour lui] . X, énarque et  inspecteur des Finances, François Villeroy de Galhau, (ex-PDG de Cetelem) touche 350.845 euros brut annuels, selon Le Parisien. Il bénéficie en outre, "de par sa fonction, d'autres revenus", ce qui porterait son gain total à 450.907 euros par an, selon les confidences du Président de la Cour des comptes Didier Migaud, qui lui ne touche "que" 177.000 euros net par an. Selon d'autres sources, Monsieur de Villeroy percevrait 283.129 euros brut en 2016, plus une indemnité mensuelle de logement de 5.643 euros brut. Allez savoir... ! Quand on aime on ne compte pas !

Ce même journaliste évoque aussi, en passant, le cas de l'actuelle ministre du Travail Muriel Pénicaud. "Début 2015, Emmanuel Macron (alors ministre de l'Économie, ndlr) et Laurent Fabius (Affaires étrangères, ndlr) décident de la nommer à la tête de Business France, l'agence chargée de promouvoir les PME françaises à l'étranger", écrit L'Obs. Après négociations, elle "obtient 225.000 euros brut par an. Près de 19.000 euros par mois." Son activité dans cette fonction fera venir actuellement cette ministre sur la sellette des médias, non pour son traitement, mais pour un événement particulier de son activité que vous connaissez sans doute !

Un dernier petit tour du côté des "Contribuables associés" ( « Les enfants gâtés de l’Etat», Les Enquêtes du contribuable n°7 octobre/novembre 2014 – Alexis Constant et Jean-Baptiste Leon) : "Corps de direction des administrations, corps préfectoral, corps diplomatique, corps des magistrats, corps techniques de l’Etat, corps d’inspection générale, corps supérieurs de l’éducation et de la recherche… Ils trustent tous les postes clés de l’Etat et, spécificité française, produisent des hommes politiques qui, formatés par ce système, renoncent à le réformer quand ils sont élus.", sans parler des allers-retours en "pantoufles"! 

En gros, on compte environ 15 000 "hauts fonctionnaires" en France. Au sein d'une caste où domine "une aristocratie" de 400 à 500 personnes que l’on trouve à l’Elysée, à Matignon, dans les grands ministères ("régaliens") et à la tête des principales entreprises publiques. Outre la fonction publique d’Etat, ces privilégiés de la République pullulent désormais dans la fonction publique "territoriale", dont les effectifs n'ont cessé de croître (+ 1,6 % en 2012), mais aussi dans la fonction publique hospitalière (+ 0,7 % en 2012).

Si, à leur arrivée au pouvoir, en 2012, le Président « normal » et son Premier Ministre, Jean-Marc Ayrault, ont réduit  leurs salaires de 30 %, les hauts fonctionnaires n’ont pas eu à faire les mêmes efforts. Avec chacun un salaire de 14.910 euros bruts par mois (12.696 euros nets), nos deux grands hommes, dans leur esprit de sacrifice ne se situaient ( sans le savoir ?) qu'au misérable 657e rang des rémunérations de l’Etat ! 

"Un mode de rémunération qui n’est pas sans rappeler celui des fermiers généraux du XVIIIe siècle, qui, jusqu’en 1791, gagnaient des fortunes extravagantes sur le dos des Français. Antoine Laurent de Lavoisier, le plus célèbre d’entre eux, eut d’ailleurs à subir les affres de la guillotine [ Fouquet n'avait eu à souffrir, lui, que de la jalousie du Roi vu les extravagance de son luxe !]. Au Sénat, on s’en sort aussi très bien. Par exemple, les deux Secrétaires généraux de la Présidence et de la Questure gagnent plus de 20 000 euros nets par mois (contre environ 15 000 euros pour leurs homologues de l’Assemblée), et les 14 directeurs de services encaissent autour de 15 000 euros mensuels.". 

On a d’ailleurs vu un haut fonctionnaire, le "ci-devant" Premier Ministre Dominique Galouzeau de Villepin revenir « travailler » une journée au Quai d’Orsay, du 30 septembre au 1er octobre 2013, après 20 ans d’absence de son ministère de rattachement, pour toucher légitimement son « indemnité exceptionnelle de départ » de 88 787,72 euros. (Cette curieuse obligation de reprise, certes moins rémunératrice, vaut pour tous les fonctionnaires dans cette situation administrative !). A quoi s’ajoutaient son traitement mensuel de 6 111,99 euros bruts (donc bien au-delà du plafond officiel) et une « indemnité exceptionnelle » de 4 493,94 euros, rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’en mars 2014, selon Marianne.

Terminons ce point sur un joli, précis et incisif bon mot de Clémenceau  : « Les fonctionnaires sont un peu comme les livres d’une bibliothèque : ce sont les plus haut placés qui servent le moins ».

(La suite demain)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.