Robert Chaudenson (avatar)

Robert Chaudenson

Abonné·e de Mediapart

1484 Billets

0 Édition

Billet de blog 13 juin 2018

Robert Chaudenson (avatar)

Robert Chaudenson

Abonné·e de Mediapart

Retraites ... et primes (suite n° 5)

Robert Chaudenson (avatar)

Robert Chaudenson

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Retraites ... et primes (suite n° 5)

La jungle des traitements de notre haute fonction publique est pourtant un vrai jardin à la française à côté de la forêt de Bondy  des primes dans le même secteur ! 

Pour la piétaille des travailleurs et des employés des catégories inférieures, les choses sont, comme toujours, des plus simples. La différence majeure entre le régime des retraites du secteur privé et celui du secteur public est le mode de calcul des pensions. Dans le secteur privé, le calcul se fait sur les 25 meilleures années de salaire pour la retraite du régime général, et sur les 6 derniers mois dans le public. La "pension" (car, dans le public, il ne s'agit pas d'une retraite mais d'une pensions) correspond à  75% du traitement de base, en cas de carrière complète et si les bénéficiaires ont toutes leurs annuités de cotisation. 

Mais, à la différence de ce qui se passe dans le privé, la totalité du revenu d’un fonctionnaire en activité ne produit pas des droits pour la pension de base. Les primes, en effet, ne sont pas soumises à cotisation dans le régime de base et donc ne sont pas prises en compte dans le calcul de la pension alors que dans le régime privé, le calcul de la retraite s'opère sur l'intégralité du salaire, y compris les primes. 

La rémunération des fonctionnaires se compose en effet, en principe, d'une rémunération principale (le traitement indiciaire) à laquelle s'ajoutent des primes qui étaient parfois tout à fait symboliques, voire ridicules. Ces primes sont attribuées, selon le grade (indemnité d'administration et de technicité, indemnité d'exercice de missions des préfectures... ), selon les fonctions exercées ( spécialiste informatique...), selon des situations spécifiques (travail de nuit, heures supplémentaires...).

ATTENTION ! Il y a toutefois "primes" et « PRIMES » ; les premières sont celles qui sont évoquées ci-dessus et qui sont , en quelque sorte affichéess et officiellement déterminées ; les autres, les « PRIMES », dont les montants comme les critères d'attribution, demeurent mystérieux ou en tout cas inconnus au vulgum pecus, sont quasi individualisées et demeurent les privilèges d'une élite !

Cette situation est pourtant loin d'être nouvelle comme on l'a déjà entrevu avec l'anecdote du ministre Jean Arthuis et de la fameuse liste des plus hauts salaires de son ministère que rappelle Bernard Zimmern, fondateur et président d'honneur de l'IFRAP, auteur de  Changer Bercy pour changer la France (Tatamis, 2014). Une partie du mystère « Des primes sans la moindre base légale » ne sera révélée que, grâce à la rigueur et la détermination de Pierre Joxe, Premier Président de la Cour des Comptes (1993) ; sera alors mis au jour, par les rapports successifs de cette Cour, le caractère illégal et scandaleux de ces primes qu'on entendait faire regarder, au mieux ou pire, comme litigieuses. 

Bernard Zimmern, évoque ainsi « le coup de tonnerre du 10 janvier 2000 » lorsque la Cour des comptes, dans un rapport spécial sur les rémunérations dans la fonction publique, découvre que « le ministère le moins scrupuleux dans l'application des règles des finances publiques est le ministère des Finances » ; ses dignitaires s'attribuent des primes injustifiées et, en outre, plus grave, une grande partie de ces primes ne sont pas déclarées dans les déclarations d'impôts ». La Cour des Comptes, en dépit des difficultés, ne lâche pas prise et produit deux rapports successifs en 2010 et 2011 qui signalent de nouveau le caractère « irrégulier » de certains avantages salariaux.

Comment on l'a longuement vu précédemment, la caste des hauts fonctionnaires (en particulier du Trésor) qui jugeait, toujours et par définition, sa rémunération insuffisante, s'est employée à mettre en place, sans règlementation très précise (à la tête du client et selon ses relations) puisque tout cela se faisait en marge de la fameuse grille de la fonction publique), un système de primes, certes très rémunérateur, mais dont le bénéfice s'arrêtait, hélas, avec la période d'activité puisque ces primes n'étaient pas prises en compte dans le calcul de la pension de retraite. 

On trouve là un autre problème, plus général et qui est également en voie de réapparition : le type de retraite par répartition ou par capitalisation. Le système français est du premier type, les syndicats et en particulier la CGT ayant toujours été, farouchement et par principe, hostiles au principe de retraite par capitalisation (peur du mot sans doute !) et donc, de ce fait même  favorable à la retraite par répartition. Les évolutions démographiques récentes (baisse de la natalité), en dépit du « rapprochement familial » (et maghrébin) conçu par Giscard d'Estaing, obligent toutefois à reconnaître comme possible dans l'avenir le système par capitalisation, les actifs devenant infiniment moins nombreux que les retraités ! Nous y reviendrons ! 

Sur la question des primes, une évolution a donc commencé en 2003, très discrètement car ici comme ailleurs, il faut "avancer masqué" du loup avenant de la démocratie. Sur cet aspect des primes, on a donc esquissé un début de réforme des retraites. La différence entre les régimes public et privé a été partiellement réduite. En effet, depuis 2005, un nouveau régime obligatoire par points a été institué sur les primes pour les fonctionnaires des trois fonctions publiques. Ce système permet aux fonctionnaires d'acquérir une retraite en cotisant sur leurs primes et indemnités dans la limite de 20 % de leur traitement indiciaire. Il s'agit du "régime additionnel à la Fonction publique sur les primes" (RAFP), qui vient en complément du régime des pensions. 

Ce nouveau régime produira ses effets progressivement, les premières cotisations n'ayant été versées qu'à compter de 2005. Les agents ayant un taux de primes élevé disposeront ainsi, de fait, d'un taux de remplacement plus faible que leurs homologues du privé. C'est le cas, par exemple, des cadres pour qui les primes peuvent représenter 40 à 50 %  du traitement.

Petit rappel en forme de conclusion de cette section. Les fonctionnaires civils français sont répartis en trois catégories A, B et C, en fonction du niveau hiérarchique et du niveau de diplôme exigé pour le recrutement par concours externe. Les concours accessibles à un certain niveau peuvent être pourvus par des diplômés du niveau supérieur (ainsi, des emplois de catégorie B peuvent être pourvus par des personnes ayant un diplôme universitaire). 

(La suite et sans doute la fin demain)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.