France-Cu ou France cucul ?
Me voilà obligé de différer, une fois de plus et d’un jour encore, par une malice du destin, la publication du blog final de ma série sur la Francophonie. Elle a sans doute eu trop peu de lecteurs pour que quiconque m'en veuille, mais je ne puis en aucun cas échapper aujourd’hui à mon destin d'auditeur matinal de France Culture dans la journée du 12 décembre 2017.
J'étais en effet consterné, ayant lu à nouveau, mais cette fois de façon définitive semble-t-il, que Philippe Meyer, assurément l'un des meilleurs de nos journalistes et de nos chroniqueurs de radio (sans aller jusqu'à dire « le meilleur » quoique je le pense, pour ne pas me faire quelques ennemis supplémentaires), était définitivement écarté de France Culture. Je crois avoir déjà fait état de mon indignation lorsqu'il en avait été question, il y a quelque temps et je croyais naïvement que les intentions manifestées par notre Président de la République pouvaient lui être favorables. Il en est apparemment rien hélas.
Mais en revanche, ce qui m'a poussé, si je puis dire, dans mes derniers retranchements, a été de continuer à écouter, toujours sur France Cu , l’émission du début de l'après-midi qui était consacrée à la guerre économique. Le problème n'est pas tant dans le sujet, car j'avais déjà écouté le premier numéro de cette même émission consacré à Colbert la veille ; j'avais survécu à cette épreuve qui n'en était pas réellement une, en dépit de quelque aridité du sujet.
En revanche, pour mon malheur et le sien, hier, le premier intervenant était un Monsieur Ali Laïdi ce qui m'a un peu inquiété, non en ce que son patronyme semblait lui attribuer une origine algérienne (rien ne s'oppose à ce qu'on soit Algérien et économiste et j'ai d'excellents collègues et amis dans des universités d'Afrique du Nord). J'ai été, en revanche, fort inquiété lorsque la présentatrice de l'émission a jugé bon de nous préciser, non sans quelque emphase, qu'il s'agissait là d'un « docteur en sciences économiques » (passe encore... Ma longue vie universitaire m'a appris qu'on finit toujours par être docteur en quelque chose avec un peu de patience, mais aussi parfois que c’est avec une mention qui vous contraint à interrompre la carrière académique visée !) mais surtout (hic jacet lepus) que c'était là un "chercheur de l'IRIS".
Laissez-là vos hypothèses bucoliques, aimable lectrice et cher lecteur, il ne s'agit pas là de « l'iris », l'iridacée dont les magnifiques fleurs richement colorées sont la splendeur de nos jardins mais d’un IRIS qui, en dépit du luxe des majuscules, ne doit pas vous faire rêver . il s'agit seulement de l’IRIS, "association créée en 1991 reconnue d’utilité publique, est un think tank français travaillant sur les thématiques géopolitiques et stratégiques, le seul de dimension internationale à avoir été créé sur une initiative totalement privée, dans une démarche indépendante. Fondée par Pascal Boniface, l’origine de la création de l’IRIS relève de la volonté ...".
Le texte amphigourique qui précède est une présentation de l'IRIS par lui-même car j'ai pris cette précaution pour éviter tout conflit sur la présentation de cet organisme dont l'origine de la création "par Pascal Boniface", "diplômé d'études approfondies en science politique (1980) et docteur d'État en droit public (1985)". « L’origine de la création de l’IRIS relève [ surtout selon moi ] de..." l’impossibilité de son créateur, comme de plupart des « chercheurs « de l’IRIS (sauf les retraités qui y font quelques « ménages » ), de se faire recruter sur un vrai poste universitaire ! P. Boniface lui-même aurait pu s'éviter, dans le paysage audiovisuel français une carrière sans grand avenir, en devenant professeur d'université après avoir passé l'agrégation de droit public !
En ce début d'après-midi du 12 décembre 2017 peut-être par bénévolat à l'approche des fêtes de Noël, je me suis donc infligé l'écoute des propos de Monsieur Ali Laïdi, qu'on m'annonçait comme « spécialiste des questions de guerre économique » , ce qu’il n’est en rien en réalité car il est docteur de Paris 2 en « science politique » (relations internationales) ! J'avais commencé toutefois à avoir quelques doutes lorsqu'il a préludé à son analyse « économique » par le néolithique et qu’il s'est mis à naviguer, à travers les civilisations comme à travers l'histoire, passant des Phéniciens à la Rome de la grande époque ( sautant par-dessus bon nombre de siècles !) , citant Pline l'Ancien avant Aristote avec dans ce fatras la guerre de Troie et l’évocation d'un Ulysse certes "polumètis" (« aux mille ruses » dans la vieille et belle traduction d’Homère) , mais qu'il n'a pas cité comme tel, se bornant à voir dans la "mètis" l'arme absolue des Grecs dans la guerre économique. Je n'ai pas résisté davantage au discours incohérent de ce prétendu « historien économiste » qui n’est clairement ni l’un ni l’autre et s’est faufilé, Dieu seul sait comment, à France Culture.
Je n'ai évidemment pas renoncé à la tentation de m'informer un peu ; je ne m’attarderai pas sur ce point car, comme disent nos humoristes « Cela ne nous regarde pas ! » et, moi plus encore que quiconque, puisque je me suis épargné cette punition et que je n’aime pas trop tirer sur les ambulances. En revanche, j'ai découvert que Monsieur Christian Chavagneux qui a rendu compte, je ne sais où, du livre de notre économiste, Aux sources de la guerre économique, (j'espère que je ne me trompe pas de titre car, comme oil se plait à le préciser dans son "auto-biographie" : "Auteur de nombreux articles dans des revues spécialisées, Ali Laïdi est également l’auteur de plusieurs ouvrages"!).
L'auteur de ce bref compte rendu m'a toutefois éclairé dès le début de son papier en écrivant, sous une forme différente, ce que j'ai moi-même dit ci-dessus : "un ouvrage plaisant que l’on peut prendre par n’importe quel chapitre, chacun racontant des petites ou grandes histoires de guerre en temps de paix.". Arrêtons-nous ici !
Je ne veux pas revenir sur la lamentable et scandaleuse éviction de Philippe Meyer sur laquelle sa dignité et son intelligence le détournent de revenir ; je ne puis néanmoins que la déplorer, en reprenant le titre de ce blog dont je suis pas plus satisfait que ça mais qui s’impose en la circonstance, vu le cours des choses : France Cu ou France cucul ?