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Billet de blog 14 août 2015

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Immigration et/ou tourisme médicaux

Comme souvent, avant d'aborder la question centrale de ce billet, je me suis posé un problème de langue qui m’a conduit à modifier mon titre qui, logiquement, aurait plutôt été « Tourisme et immigration médicaux ». Pour éviter les prévisibles attaques des adeptes (le mot fort heureusement n’a pas de féminin spécifique) de la parité, j'ai lâchement inversé l'ordre des deux termes pour éviter de donner au masculin une regrettable opportunité de l'emporter sur le féminin, comme le veut notre grammaire française si scandaleusement machiste!

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Comme souvent, avant d'aborder la question centrale de ce billet, je me suis posé un problème de langue qui m’a conduit à modifier mon titre qui, logiquement, aurait plutôt été « Tourisme et immigration médicaux ». Pour éviter les prévisibles attaques des adeptes (le mot fort heureusement n’a pas de féminin spécifique) de la parité, j'ai lâchement inversé l'ordre des deux termes pour éviter de donner au masculin une regrettable opportunité de l'emporter sur le féminin, comme le veut notre grammaire française si scandaleusement machiste!

Le tourisme social médical est en effet le grand succès médiatique de l'été et on nous fait, à grand renfort de chiffres,  miroiter le pactole du tourisme médical (N’oublions pas que le Pactole était une rivière de Phrygie dont les paillettes d’or qu’il roulait assurèrent autrefois la richesse). « Le nombre de patients qui se rendent à l’étranger pour recevoir des soins a doublé en cinq ans, passant de 7,5 millions en 2007 à 16 millions en 2012. Son chiffre d'affaires (mondial) est estimé à 60 milliards de dollars et il devrait connaître une croissance d’environ 20 % par an, souligne France Stratégie dans une note publiée récemment.

Un mot sur France-Stratégie d'abord car la démarche suivie est typique de notre courtelinesque administration. À consulter son site, France-Stratégie est un organisme de réflexion, d’expertise et de concertation placé auprès du Premier ministre. Annoncé lors de la conférence sociale de juin et créé par décret le 22 avril 2013, France-Stratégie se veut à la fois un outil de concertation au service du débat social et citoyen, et un outil de pilotage stratégique au service de l’exécutif. France-Stratégie s’appuie sur des équipes d’analystes confirmés compétents principalement dans les questions économiques, sociales, d’emploi, de développement durable et de numérique ». Il est également chargé de coordonner un réseau de huit organismes dont je vous épargnerai ici le détail.

Naturellement comme le remarque perfidement les Échos  (organe du groupe LVMH donc clairement « Ripouxblicain ») auquel j'ai emprunté ces quelques données chiffrées, qui traînent d’ailleurs partout : « la France regarde passer les trains » ! Partout dans le monde en effet, chacun s’est déjà fait sa petite spécialité médicale : les Sud-Américains dans la chirurgie esthétique grâce aux Miss Monde et Miss Univers aussi botoxées et repeintes que siliconées, l'Europe centrale et orientale avec ses dentistes et ses « implantologues », vrais ou faux, la Tunisie fait dans la bricole de bas de gamme, la Thaïlande et l'Inde se sont spécialisées elles dans les greffes d'organes, et pour cause, puisqu'elles disposent, en la matière, de services de livraison d’organes sur simple commande !

Pour ce qui concerne le tourisme médical « réel », celui dans lequel des clients solvables sont disposés à payer leurs factures d'hôpital comme leurs notes d'hôtels ou d’achats d'articles de luxe qui se font toujours au comptant, la France disposerait pourtant de deux atouts majeurs. 

Le premier est la qualité de notre médecine hospitalière qui jouit d'une belle réputation internationale qu’il n'est pas nécessaire de souligner davantage.

Le second atout majeur est le prix de notre médecine qui est souvent infiniment plus abordable que celui des pays où se trouvent précisément les clients potentiels. L'erreur est de croire que les riches ne sont pas radins ! Inutile d'insister sur cet aspect, il suffit de donner quelques tarifs qu’on trouve dans La Croix par exemple  qui cite une étude publiée en mars par France Stratégie et qui donne des chiffres sur le prix des traitements médicaux en 2011 dans différents lieux.

« Les soins aux patients cardiaques : un pontage coronarien coûte en moyenne 102 000 € aux États-Unis, 21 400 € en France, 18 000 € à Singapour, 12 500 € au Royaume-Uni, 11 700 € en Thaïlande, 9 000 € en Inde, 6 400 € en Pologne. Le remplacement d’une valve cardiaque est facturé 135 000 € aux États-Unis, 28 632 € en France, 8 500 € en Pologne et en Inde.

La pose d’une prothèse de hanche : il faut compter 42 400 € aux États-Unis, 9 600 € en France, 10 800 en Thaïlande, 5 500 € en Pologne ».

Pour bien des étrangers, ces tarifs apparaissent même parfois si bon marché qu'ils en suscitent parfois le doute sur la qualité des soins. Un de mes amis américains me signale souvent ce point exemples à l’appui ! Mêmes remarques dans la Croix : 

« Les riches patients étrangers qui viennent se faire soigner en France ont parfois de drôles de surprises. « Chez nous, aucun médecin ne pratique de dépassement d’honoraires », explique Charles Guépratte, directeur général adjoint de l’Institut Gustave-Roussy (IGR), grand centre de lutte contre le cancer situé à Villejuif, près de Paris. « Du coup, la consultation de base est à 28 €, poursuit-il. Pour ces patients internationaux, on la facture à 50 €. Mais quand ils découvrent ce tarif, certains ont du mal à se convaincre qu’ils viennent d’être reçus par un médecin ayant une renommée mondiale dans tel ou tel cancer. Aux États-Unis, la même consultation, c’est minimum 1 000 dollars (900 €). ».

Le problème n'est donc pas d'accueillir et de soigner des patients étrangers solvables, mais de se faire payer la facture comme je l’ai expliqué dans un précédent blog sur « les ardoises des émirs ». Je résume par un bref extrait de ce billet la situation française.

Le comble de l’absurdité et la clé du mystère tiennent à ce que, pour ces nobles étrangers,  le paiement de la facture (ou de l’ardoise si vous voulez) dépend non pas d'un interlocuteur français (le prestataire de service, l’AP-HP le plus souvent, car ces gens-là ne vont pas se faire soigner à Brindas ou à Plougastel Daoulas) mais de TROIS organismes dont deux au moins s’en foutent complètement. 

Sont en cause en effet la direction de l'hôpital ou l'Assistance Publique qui établissent la facture des soins, mais qui ne sont en rien chargées d'en faire assurer le paiement et n’en ont pas le pouvoir. En effet, le chèque de paiement, s’il y a un par hasard, sera établi,  comme toujours, à l'ordre du Trésor Public donc du ministère des finances, puisque c'est lui qui s'occupe du recouvrement de ces sommes et en assure la perception ; en outre, s'il s'agit de personnalités internationales comme c'est souvent le cas ( du roi d'Arabie Saoudite à Monsieur Bouteflika ou à quelque dictateur africain) intervient alors le ministère des affaires étrangères qui ramène, outre sa fraise, sa DIPLOMATIE, sans pour autant envisager de prendre en charge lui-même le paiement de l’ardoise en cas de défaut de paiement !

Il apparaît donc que, dans bien des cas, le non-paiement des factures par les dignitaires étrangers, qui nous font l'honneur et l’amitié de venir se faire soigner chez nous, ne tient pas à la mauvaise volonté de ces débiteurs mais à l'absence totale de réelles et fortes sollicitation de notre part. À Bercy comme au Quai d’Orsay on s’en fout, tandis que l’hôpital en cause ou l'Assistance Publique qui ne peuvent pas se faire verser DIRECTEMENT et dans leurs caisses les sommes dues, s’en foutent aussi au fond puisqu’ils savent bien que cet argent, même une fois tombé, par hasard, dans la caisse commune de l’Etat, ne leur arrivera jamais !

En somme tout le monde s’en fout ! Le Trésor public s'en fout et ne sollicite pas les débiteurs lointains avec assez d'assiduité pour déclencher un paiement et les Affaires étrangères se réfugient derrière des discours lénifiants sur les bonnes relations que nous devons entretenir avec ces potentats ou ces Etats ! 

Le résultat des courses est que pour la seule AP-HP en 2014 la dette accumulée par les pays étrangers s'établissait à 120 millions d'euros !

Il suffirait pourtant, pour se faire payer rapidement et effectivement, d'appliquer simplement le système qui a cours en Amérique du Nord, aux États-Unis comme au Canada. Il consiste à solliciter du patient ou de son représentant, dès son arrivée, la mise à disposition de sa carte de crédit et la signature d'une autorisation de prélèvement. Faute de quoi il va se faire pendre (ou soigner ailleurs !). C'est tout simple et parfaitement efficace !

On est une fois de plus sous le double signe du Père Ubu et du Père Soupe en train de se fourvoyer en confondant en outre deux problèmes que j'ai distingués dans l'intitulé de ce billet qui sont celui du tourisme et celui de l'immigration pour ce qui concerne la médecine !

Je suis très long ; la suite et la fin demain !

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