Fondation Vasarely : Ad usum delphini ! (suite n°3)
En avril 1995, Michèle Vasarely a donc été élue Présidente de la Fondation Vasarely . Un mois plus tard, le conseil d’administration vote le principe d’un arbitrage destiné à rétablir les droits des héritiers. V. Vasarely et son épouse Claire auraient en effet donné trop d’oeuvres, dépassant la limite fiscale légale et déshéritant donc ainsi en partie leurs deux fils. La Fondation devrait donc en rendre une partie.
L'idée de "l’arbitrage" est toujours mal interprétée. C’est en effet, Gérard Cas, un professeur de droit d'Aix-Marseille III et donc lui-même un ancien président de la Fondation Vasarely (où il avait succédé à son vieil ennemi Charles Debbasch dont il savait parfaitement les comportements passés comme président de la Fondation) spécialiste en revanche du "droit des affaires" comme on l'a vu, qui a eu cette idée, des plus étrangères à Michèle Vasarely. Il voulait ainsi non pas « régler le problème avec le moins de vagues possibles », comme le croit naïvement Pierre Dubreuil, le notaire de la famille [ ce brave notaire, peu au fait des affaires universitaires aixoises, n'a rien compris au film !] . « C’est le professeur Cas [ lui-même spécialiste du "droit des affaires" - une des salles de la fac de droit d'Aix consacrée à cette spécialité porte aujourd'hui son nom - et est bien moins "innocent" en tout cela que ne le croit le naïf notaire] qui m’en a parlé. Je ne savais même pas ce qu’était un arbitrage », confirme Michèle Vasarely. Ce n'est là en rien le cas de Gérard Cas (sans jeu de mots!). La vengeance est un plat qui se mange froid, surtout à l'université !
Selon André et Pierre Vasarely, ignorants des dessous de l'affaire, c’est Michèle qui aurait été l’instigatrice de l’opération dont elle n'est que l'instrument : « Elle a réussi à convaincre mon frère que mon père avait outrepassé les droits des héritiers, déclare André aux policiers. […] Michèle avait tout préparé pour la mise en place de la procédure et de la restitution des oeuvres au final. Michèle m’amenait des documents à signer […] Je n’ai eu aucune volonté, je n’ai fait que suivre ce que voulait mon frère et sa femme. »« Mon père et mon oncle n’étaient pas du tout attirés par l’argent, ils ont été manipulés par Michèle. D’ailleurs, ils n’avaient jamais remis en cause les donations à la fondation avant 1995 », ajoute Pierre.
Les héritiers avaient le droit de lancer cet arbitrage. Mais lorsque la sentence tombe en décembre 1995, c’est un coup de tonnerre. Au lieu de réduire les donations, les arbitres attribuent aux enfants 44 millions d’euros, plus que la valeur des œuvres détenues par la Fondation ! Les deux fils, magnanimes, renoncent à 21 millions, mais obtiennent la quasi-totalité des oeuvres Les 430 toiles de maître sont décrochées du musée de Gordes, qui doit fermer. Le centre d’Aix est dépossédé de quelque 700 études et de milliers de sérigraphies. La Fondation est alors au bord de la faillite et de la fermeture.
"Toutes ces sombres histoires appartiennent au passé" conclut le petit-fils du peintre dans Point de vue (p. 67, 2018 ). "L'affaire Vasarely" proprement dite a tourné en eau de boudin ! Il en est tout autrement de "l'Affaire Debbasch", ce dernier étant en fait visé par elle . Cette "affaire" a été si longue, si mouvementée et si complexe que Ch. Debbasch a fini par lui consacrer un livre ! L'affaire Vasarely : art, mensonges et manipulations ; (Editions du Moment, Broché – 2016, EUR 9,30).
Le "résumé" de l'éditeur, en quatrième de couv' (bien entendu écrit, comme toujours, par l'auteur lui-même) se passe de commentaires :
"Après plus de 20 ans de procédures, la justice française vient de reconnaître qu'elle s'était trompée dans ce que la presse, au début des années Mitterrand, avait vite appelé l'affaire Debbasch-Vasarely. La Cour d'appel a en effet reconnu que, se disputant une fortune immense, les héritiers du peintre Victor Vasarely avaient bel et bien procédé à une réduction de l'actif successoral, fait disparaître des toiles du maître, aliéné des témoins et rendu, à tort, le président de la Fondation Vasarely de 1981 à 1993 [ Ch. Debbasch lui-même ], responsable de leurs malversations.
Dans ce livre qui s'appuie sur des documents inédits, Charles Debbasch met à jour le système mis en place par les héritiers Vasarely pour masquer leurs forfaits. Il dénonce l'incompétence des magistrats chargés de cette affaire et décortique le système d'influence maçonnique et syndical mis en place pour protéger leurs pairs. Il met à jour la responsabilité d'une classe politique fascinée par l'argent et l'irresponsabilité d'une presse, dépendante de ses aveuglements idéologiques".
C’est aussi, selon ses propres termes, "son drame personnel" que raconte Charles Debbasch dont les héritiers du peintre, manoeuvrés eux-mêmes, ont fait, à l'en croire, le bouc-émissaire de leurs turpitudes. Cette présentation personnelle de "l'affaire Vasarely-Debbasch" est naturellement sujette à caution, mais une discussion approfondie du sujet dépasserait très largement les limités de ce blog. Je me bornerai donc à évoquer ici l'un des épisodes les plus pittoresques et les plus curieux, surtout dans le contexte actuel où l'on a pu constater que la police ne peut intervenir dans une université que sur la demande de son président ! La mort récente de mon ami Christian Louit, Président d'Aix-Marseille III au moment des faits en cause, nous a hélas privés du témoin le sûr et le mieux informé !
(Demain suite )