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Billet de blog 15 septembre 2018

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L'affaire Audin (suite)

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L'affaire Audin (suite)

Venons-en donc, à pas comptés, au mystère de l'identité de l'assassin de Maurice Audin. Si j'ose dire en pareille circonstance, Edwy Plenel « ne se mouille pas » en écrivant à propos du jeune mathématicien, « torturé puis exécuté ou torturé à mort – l’incertitude demeure – par des militaires ». On a vu plus haut que les "corvées de bois" étaient, toujours et partout, exécutées par des militaires. Ce propos ne nous avance donc guère ! Reste à savoir qui a tué dans le cas qui nous occupe. 

La suite du texte d'E. Plenel  nous en apprend pas davantage, tout en nous faisant espérer le fin mot de l'histoire : le mystère est ancien ; l'historien Pierre Vidal-Naquet, dont le premier engagement contre la guerre d’Algérie fut, précisément, L’Affaire Audin avec le livre éponyme publié en mai 1958 aux Éditions de Minuit, a depuis bien longtemps posé la question

Décidé à reconnaître le crime, comme on l'a vu hier, Emmanuel Macron ("président de droite") a décidé d’ouvrir "l’ensemble des archives de l’État relatives aux disparus d’Algérie – une dérogation générale va être instituée en ce sens –," et de lancer un appel à tous les témoins de l’époque ou à leurs descendants pour qu’ils participent au « travail de mémoire » qui doit évidemment se poursuivre, en confiant leurs témoignages ou leurs documents personnels aux Archives nationales.   Tout accuse bien entendu les militaires français qui l’avaient arrêté, comme le suggèrent, sans plus de certitude et de précision toutefois sur le nom de l'assassin, les travaux historiques menés sur le sujet.  

La récente décision de notre Président sur l'ouverture des archives de l’État relatives aux disparus d’Algérie, est un geste qui l' honore assurément, à la veille de sa visite chez cette pauvre Madame Audin ( 87 ans qui aura eu au moins le dernier plaisir de la visite du chef de l'État qui en outre l'encouragera à ne pas le remercier), mais Monsieur Emmanuel Macron ne tombe-t-il pas ici dans ce travers commun chez les gens trop intelligents qui consiste à prendre tous les autres pour des imbéciles !

Tout le monde sait que,  comme Néron n'avait pas donné un ordre écrit pour faire saboter le navire que devait emprunter sa pauvre Aggripine de mère qu'il entendait expédier dans les bras de Neptune, Tonton Mitterrand n'a pas écrit un ordre pour le sabotage du Rainbow-Warrior et la noyade (involontaire pour le coup) du malheureux journaliste qui l'a laissé sa peau. C'est même ces silences et ces si précieuses sélections de documents qui font tout le charme d'un séjour, si bref soit-il, place Beauvau d'où comme ministre, on peut rapporter des pièces compromettantes sur ses ennemis ou mieux encore sur ses amis ! Mais revenons à notre sujet et à nos archives nationales.

Sylvie Thénault, historienne, directrice de recherche au CNRS, spécialiste de la guerre d'indépendance algérienne, les a, à coup sûr, "épluchées" avec soin mais en vain  sur ce point du moins, pour rédiger et soutenir en 1999 sa thèse sur « La justice dans la guerre d'Algérie ».  Plusieurs de ces publications traitent de ce sujet dont Une drôle de justice : Les Magistrats dans la guerre d'Algérie ( La Découverte, 2001 , 347 p. ) , ou Histoire de la guerre d'indépendance algérienne, (Flammarion, 2005, 303 p.). On attend toujours toutefois les révélations définitives espérées sur la triste fin de Maurice Audin. 

Revenons une dernière fois au texte d'E. Plenel : « Avocat de la famille Audin, un homme a incarné cette exigence [ de la vérité sur l'affaire Audin ] jusqu’à son dernier souffle : six jours avant son décès brutal, le 26 juin 2017, Roland Rappaport avait écrit à Emmanuel Macron (Lettre de Me Roland Rappaport à Emmanuel Macron le 19 juin 2017 ) en portant à sa connaissance de nouveaux documents, extraits des archives de son confrère Maurice Garçon, où l’on pouvait lire que Maurice Audin « est mort entre les mains des paras ». (Fin de citation) [!!!! De qui se moque-t-on ? On ne soupçonnait pas de cet assassinat  les prêtres ouvriers de la Mission de France !]. 

Nouvelle révélation : début 2014, le journaliste Jean-Charles Deniau avance le nom du général Paul Aussaresses, dans son ouvrage La Vérité sur la mort de Maurice Audin (Équateurs, 2014). En 1958, dans L'Affaire Audin, l'historien Pierre Vidal-Naquet avait été le premier à affirmer que le jeune mathématicien était mort sous la torture, mais sans avancer, comme il le fera dans un autre ouvrage, La torture dans la République, ( Editions de Minuit, 1972), le nom du général Aussaresses, non pas comme auteur de l'assassinat lui-même mais comme responsable de son exécution. 

La vérité finit-elle par émerger ? Dans La vérité sur la mort de Maurice Audin (Equateurs, Jean-Charles Deniau conclut que Maurice Audin a été tué par un sous-officier français sur ordre du général Jacques Massu, patron de la 10e division parachutiste, pendant la bataille d'Alger. Un ordre qui n'est que répercuté par Paul Aussaresses. Ce dernier, mort en décembre 2013, a reconnu sa responsabilité dans un ultime enregistrement.

Est-ce enfin le point final ? Nenni ! À demain donc!

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