Oscar Wilde et l'université
Comme disait ce brave Oscar Wilde, un fin connaisseur en la matière, « On résiste à tout, sauf à la tentation ! ». Je me suis promis cent fois de ne plus "bloguer" à propos de l'université et voilà que la lecture d'un article du Club de Mediapart du lundi 14 mai 2018 dans l'édition du matin : « Universités : non à l'éviction politique des professeurs non-titulaires ! » me conduit une fois de plus à céder à la tentation. Même l'auteur de cet article, Monsieur Jérôme Valluy intrigue dans la mesure où il s'annonce lui-même, de façon contradictoire, comme : « Professeur titulaire à l'Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne (Corps administratif : Maître de Conférences des Universités - Grade : Hors classe - Rattachement : UFR-11 de science politique à Paris 1) », tout en précisant en fin de document : «Enseignant-chercheur (sociologie, science politique, sciences de l'information et de la communication), social-démocrate engagé dans le mouvement "La France insoumise" ». Il est en effet doublement curieux, surtout dans un tel article, de voir un maître de conférences se présenter comme « professeur titulaire » et un « historien » s'affirmer comme relevant de disciplines autres : « sociologie, science politique, sciences de l'information et de la communication ». Ces détails sont toutefois sans grande importance et je ne m'y arrêterai pas.
Comme d'autres activités, l'enseignement universitaire mène à tout à condition d'en sortir ! Une phrase de l'article en cause me fournit la transition qui me manque : « Les professeur.e.s "non-titulaires" (précaires aux statuts divers) sont plus d'un tiers des enseignant.e.s dans les universités ". En revanche je ne suivrais pas cet auteur sur l'observation suivante qu'il ajoute à propos de ces mêmes enseignants non-titulaires : « Plus jeunes, politiquement moins soumis.e.s que les statutaires, plus proches des étudiant.e.s mais connaissant mieux la complexité interne de fonctionnement des universités, leur rôle dans ce mouvement de 2018 est considérable : elles/ils sont la charnière entre le monde des étudiant.e.s et celui des professeur.e.s. ».
On pourrait attendre d'un historien sociologue (ou d'un sociologue historien) une meilleure connaissance du processus de recrutement des enseignants universitaires non-titulaires qu'il évoque ici. Néanmoins, avant d'y venir, ce sujet m'amène à évoquer une figure majeure du milieu universitaire de la dernière décennie, sous les divers régimes.
Il s'agit en effet de Monsieur Thierry Coulhon qui est mathématicien et non linguiste, ce ce qui l'amène à donner à croire que son nom de famille se prononce « coulon » alors qu'en français ce patronyme doit se prononcer « couillon », si regrettable que soit aux yeux de celui qui le porte, l'articulation correcte du « l mouillé » (" Citation : Le groupe "lh" transcrit en effet le "l mouillé" dans pas mal de noms, souvent méridionaux, essentiellement des noms propres : Anouilh, Milhaud, Teilhard de Chardin, ..., et gentilhomme" CQFD!).
Pour éviter toute contestation de détail dans la suite, pour l'essentiel, je suivrai l'article de Wikipédia que l'intéressé a probablement rédigé lui-même ou qu'il a en tout cas approuvé. "Thierry Coulhon, né le 9 septembre 1958 à Vichy, est un mathématicien, universitaire et haut fonctionnaire français. Ancien président de l'université de Cergy-Pontoise, il a notamment dirigé le programme « Campus d'excellence » pour le Grand Emprunt, puis, en Australie, le Mathematical Sciences Institute de la Australian National University (ANU) et enfin l'Université PSL [ Université de recherche Paris Sciences et Lettres (PSL Research University) ]. Depuis le 1er juin 2017, le voilà "conseiller éducation, enseignement supérieur, recherche et innovation auprès du président de la République Emmanuel Macron". Je vous ai donné dans ce résumé de la carrière brillante de l'intéressé, certaines indications qui en indiquent l'éclat comme le caractère et qu'il nous présente non sans quelque ccomplaisance : admis au baccalauréat en 1975 « avec félicitations du jury », reçu à Polytechnique en 1977, il en démissionne l'année suivante ; , docteur en mathématiques en 1984 et président de l'université de Cergy-Pontoise en 2004. Il est promu professeur de classe exceptionnelle dès 2006 !
Monsieur Coulhon, qui, dès 2008, s'éloigne de l'université elle-même entame alors une période que caractérisent ses engagements politiques successifs et divers. En juin 2008, il devient conseiller spécial au sein du cabinet de Valérie Pécresse (ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche de 2007 à 2011 avant d'être ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l'État et porte-parole du gouvernement de 2011 à 2012).
Devenu directeur adjoint du cabinet de V. Pécresse d'octobre 2009 à avril 2010), Th. Coulhon est d'abord et surtout le véritable père de la loi LRU, ("loi relative aux libertés et responsabilités des universités"), de sinistre mémoire, comme on le verra . Il rejoint ensuite le Commissariat général à l'investissement, sous l'autorité du Premier Ministre François Fillon ; il est alors chargé de la mise en œuvre du Grand emprunt et devient directeur du programme « Campus d'excellence », fonction qu'il occupera jusqu'à l'été 2012.
Du fait de l'élection de F. Hollande, l'année 2012 est pour Th. Coulhon une catastrophe professionnelle et politique ; il choisit donc de s'éloigner pour se mettre "en réserve de la République" et commence une période d'exil dont il aime peu à parler. Entre 2012 et 2015, est ainsi directeur du Mathematical Sciences Institute de l'Australian National University (ANU) à Canberra. Revenu en France en 2015, il voit le ciel s'éclaircir et, sentant le vent, apparaît dès lors comme déjà proche d'E. Macron, peut-être dans leur commun goût de la philosophie. Th. Coulhon figure d'ailleurs dès l'élection du nouveau Président dans la liste établie et publiée sous le titre « Macron et ses 45 conseillers », le 1er juillet 2017.
Dès septembre 2015, il a en effet repris du service comme "président de l'Université de recherche Paris Sciences et Lettres (PSL Research University) ; toutefois, à ce moment la mer politique française est encore grosse ; Th Coulhon a toutefois eu le tort de se faire attribuer un salaire pharaonique (150 000 € annuels soit le double de ce qu'il peut espérer comme professeur titulaire), avançant que cette rémunération n'est qu'égale à celle qu'il percevait qu'en Australie ! Quoique confirmé dans ses fonctions le 10 septembre 2015, il est poussé à démissionner lors d'un conseil d'administration extraordinaire du PSL le 24 mai 2017 au cours duquel Marc Mézard est élu comme son successeur par intérim .
Il est vrai que Th Coulhon n'est pas sans biscuit ! Une semaine plus tard le voilà promu, à compter du 1er juin 2017, « Conseiller éducation, enseignement supérieur, recherche et innovation » auprès du nouveau Président de la République! De la belle ouvrage non ?
(la suite et la fin demain)