Ce matin, en entendant vaguement France-Infos (à défaut de l'écouter, vu la répétition perpétuelle des mêmes enregistrements), et en raison du contenu comme du contenant de l'information ainsi diffusée, je songeais à l'ORTF d'autrefois et en particulier à ce « speaker » quasi unique (on ne disait pas alors "journaliste", non sans quelque raison) qui s'annonçait lui-même d'une voix sépulcrale (et je l'entends encore) en ces termes (la majuscule n’était pas dans le texte mais de rigueur) : « Speaker Charles Bassompierre !".Voilà un homme qui aurait fait merveille dans les pompes funèbres ou comme huissier dans la représentation nationale, ce qui est à peu près la même chose à vrai dire vu les tenues en usage !
Ayant, pour une fois, un peu de temps, j’ai eu recours à Google et Wikipedia , pour « Charles Bassompierre speaker », mention qui m’a au départ étonné (et non surpris car j’ai découvert tout de même ce matin, sur cette même chaîne, que ni le journaliste-sic de service ni l’invité, P. Gattaz (du MEDEF sans doute là car c’était le quatre- vingt-dixième d’Yvon, son papa qui l’avait autre fois précédé dans cette position) ne faisaient la différence de sens et d’usage entre « étonner » et « surprendre », chère à E. Littré en toute circonstance. Sacrée seconde digression qui me conduit à revenir à la première, mais pour vous en fourguer deux autres !
D’abord sur ce mot « speaker » par lequel Môssieu Bassompierre s’auto-qualifiait : « Speaker : présentateur ou présentatrice de radio recruté par concours national jusqu'en 1965 pour la Radio nationale française : RDF, RTF, ORTF ».
Ensuite sur Charles Bassompierre lui-même : Charles Bassompierre, d’abord speaker au « Poste Colonial » puis, durant plusieurs décennies dans d’autres stations du service public ; vous aurez même le rare privilège d’entendre sa voix et de voir sa binette (que je ne connaissais évidemment pas en ces époques reculées). On n’arrête décidément pas le progrès !
L'émission de ce matin sur France Infos (mais celle d'hier était identique et celle de demain le sera aussi, entre sept heures et huit heures) n'était que fous rire, échange de salutations joyeuses, plaisanteries de potaches et bafouillages ! Charles Bassompierre ne bafouillait assurément pas et rigolait moins encore ; ce n'est plus le cas de nos prétendus journalistes de France Infos dont les rôles se rapprochent de plus en plus de ceux des chauffeurs de salles ou « chroniqueurs » qui peuplent les prestations (je n’ose pas dire émissions) des Laurent Ruquier, Cyril Hanouna ou Patrick Sébastien. Ce n'est pas très grave d'ailleurs sur France Infos, car il ne s'agit que d'animer le studio où se succèdent de perpétuelles rediffusions qui sont souvent données pour des informations, sans qu’on prenne même la peine de les actualiser ; on vous donne ainsi comme d'aujourd'hui des faits qui datent d’hier, détail qu’on a négligé de corriger !
Dans un autre genre, hier soir (16/6/05), à Canal Plus, Yann Barthès, autre « speaker » spécialisé dans la rigolade, évoquant le visite de Manolo à la Réunion, a situé à de nombreuses reprises cette île dans le Pacifique avant, aussi faux-cul qu’ignorant, de glisser, discrètement, sans doute suite à une observation d’un collégien du public, « dans le Pacifique ou dans l’océan Indien ». Ben voyons !
Tous les médias ayant les mêmes choses à dire et la concurrence étant aussi innombrable que diverse, il faut finalement (et c'est le but principal sinon unique) amuser la galerie pour retenir le client et donc la pub ; d'où la nécessaire et permanente gaieté (au moins dans les studios bien plus que chez les auditeurs ou les spectateurs dont la complicité est moindre et surtout non rémunérée).
Je ne sais pas si le conseil (gratuit comme toujours de ma part) que j'ai déjà donné d'utiliser, dans les locaux de nos chaînes, le gaz hilarant a été suivi ! Ce produit, même s'il présente peut-être à hautes doses quelque danger, est très bon marché sur internet et désormais d'usage généralisé ; son emploi massif faciliterait sans doute le travail, éviterait les grèves prolongées comme celle que nous avons récemment connue et préviendrait aussi du même coup les pannes de rigolade qui affectent quelquefois ces productions.
Il faut bien reconnaître que « ces choses-là sont rudes » et qu'il faut pour les assumer non seulement « avoir fait des études » (comme dit le poète des « pauvres gens »et ce qui n'est guère le cas pour Y. Barthès), mais avoir un certain talent pour la rigolade, ce qui est loin d'être le cas de tout le monde dans ces stations. Il faut reconnaître que ce n'est pas simple d'avoir à causer sur le 49.3 pendant une bonne semaine, surtout si l’on ne se risque pas, par exemple, à intervertir des propos anciens de François Hollande en 2006 et des diatribes actuelles des « ripoublicains » sur ce même 49.3. Les progrès techniques permettent même de voir la philippique du Premier Secrétaire du PS d’alors dont, faute de savoir-faire technique , je vous cite quelques lignes : « Malgré ce passage en force, nous poursuivrons le débat parlementaire. Le 49.3 est une brutalité, le 49.3 est un déni de démocratie, le 49.3 est une manière de freiner ou d’empêcher le débat parlementaire. ». Ce n'est pas du Ciotti mais du Hollande !
Sans compter (mais les Français ont la mémoire courte on le sait) que Michel Rocard y avait eu recours près d'une quarantaine de fois si je me souviens bien. Cet article (parfaitement légitime dans son fond comme dans sa forme) se justifie tout à fait dans la seule mesure où il nous épargne, ne serait-ce qu'une seule heure de vains débats (elle ne serait que la quatre-cent-trente-huitième nous dit-on dans les "éléments de langage" du PS) au sein de la représentation nationale !
Il y a une différence majeure entre l'ORTF, France qui tient aussi au contenu de l'information. Faute d'avoir quoi que ce soit à dire, nos médias sont devenus de plus en plus attentifs aux menus faits qui, s'ils ne présentent pas le moindre intérêt pour quiconque, ont l'avantage essentiel de distinguer, dans le PAF, la chaîne qui en fait mention de ses voisins de palier. C’est comme pour la météo qui ne cite plus, comme autrefois, que les grandes villes ou les régions, mais mentionne dans ses prévisions et ses températures Hyssoubli-sous-Luy ou Marsupiau-les-Moustaches (hommage à Pierre Dac !).
Tel événement infime survenu dans une commune de 43 habitants va donc, de ce fait même, être mis en exergue du double fait de son insignifiance et de la très faible possibilité de voir se produire quoi que ce soit de notable dans une si infime agglomération. Vous devinez aisément déjà l'intérêt que présente la répétition infinie de telles informations dans tous les médias, car bien entendu, par la simple flemme d'en chercher et du fait même du peu de chances d’en trouver, de si infimes nouvelles font immédiatement le tour des rédactions de tout le PAF. Et la pénibiilté alors ?
Cette dernière remarque est si évidente que j'en resterai là !