Robert Chaudenson (avatar)

Robert Chaudenson

Abonné·e de Mediapart

1484 Billets

0 Édition

Billet de blog 17 septembre 2018

Robert Chaudenson (avatar)

Robert Chaudenson

Abonné·e de Mediapart

Boileau, Macron et le chômage

Robert Chaudenson (avatar)

Robert Chaudenson

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Boileau, Macron et le chômage

« Notre assassin renonce à son art inhumain ;

Et désormais, la règle et l'équerre à la main,

Laissant de Galien, la science suspecte,

De méchant médecin devient bon architecte.

Son exemple est pour nous un précepte excellent.

Soyez plutôt maçon, si c'est votre talent... »

(Boileau, 4, 1V).

« Il n'y a pas un endroit où je vais où ils ne me disent pas qu'ils cherchent des gens. ». Cette réponse de notre Président de la République à un jeune horticulteur qui se plaignait de ne recevoir aucune réponse à ses multiples demandes d'emploi, aurait dû provoquer, comme réponse  de la part d'Emmanuel Macron, qui a le goût des lettres et des citations, le vers de Boileau « Soyez plutôt maçon, si c'est votre talent... »... et cela d'autant qu'il lui conseillait de s'orienter plutôt vers la restauration ... ou la maçonnerie. Une telle réponse a fait le "buzz" aujourd'hui dans nos médias comme on dit dans notre "franglais" !

Tenu dans les jardins de l'Élysée, cet échange aurait dû, dans la meilleure des communications présidentielles, prendre plutôt la forme d'une proposition  de service et d'emploi, le lieu s'y prêtant tout particulièrement ; les commentaires du lendemain auraient été alors d'une nature bien différente. Mais mon propos est ailleurs car, durant le précédent week-end, je me suis attaché, en vain, à essayer de comprendre quelles étaient les conséquences sur le plan administratif et en particulier statistiques de la décision présidentielle inscrite dans le «Plan pauvreté », qui institue  une obligation de formation qui passe de 16 à 18 ans et dont on peut se demander ce qu'elle va réellement changer. Le discours officiel est, semble-t-il, que cette mesure du plan de lutte contre la pauvreté annoncé ce jeudi vise à mieux accompagner les jeunes sans projet professionnel… ».

 « Aucun jeune ne pourra se trouver sans solution », a déclaré Emmanuel Macron. Mieux repérés, les jeunes de 16 à 18 ans sans projet seront systématiquement accompagnés par une mission locale et orientés vers une formation, un emploi, un service civique…

Si l’intention est bonne, encore faut-il que cette mesure soit accompagnée de moyens supplémentaires pour les missions locales et les centres de formation.

« J’ai décidé qu’une obligation de formation jusqu’à 18 ans serait mise en place. L’objectif est clair : aucun jeune ne pourra se trouver sans solution. Il devra être soit scolarisé, soit en formation, soit en emploi », a annoncé Emmanuel Macron dans le cadre de son plan pauvreté. Une mesure qui entrera en vigueur en 2020. » ( Delphine Bancaud , 20 minutes, publié le 13/09/18 à 18h00).

 « Car le Président l’a rappelé : « 60.000 jeunes se retrouvent chaque année en dehors de tous les radars : ni à l’école, ni en emploi. Ils deviennent peu à peu des perdus de vue ». En effet, aujourd’hui les jeunes ont une obligation d’instruction (c’est-à-dire qu’ils doivent être inscrits dans un établissement public ou privé ou bénéficier d’une instruction à domicile) jusqu’à 16 ans. Mais ensuite, ils peuvent quitter le système scolaire sans diplôme et sans avoir d’emploi. 

L’idée du gouvernement n’est pas de rallonger la durée de l’instruction obligatoire de deux ans, mais de proposer des solutions diverses à ces jeunes décrocheurs. « On passe d’une " logique de scolarisation à une logique d’acquisition de compétences" (pour causer en "marcheur"). Et sachant que 50 % des jeunes sans qualification sont au chômage, il est important de renforcer leur bagage », souligne Antoine Dulin, vice-président du Conseil économique social et environnemental ( CESE). [...] « Le repérage des "décrocheurs" qui se fait aujourd’hui au mieux deux fois par an se fera désormais en continu », a ainsi promis Emmanuel Macron.

Les Missions locales devront ensuite systématiquement accompagner ces jeunes de 16 à 18 ans. « Nous devrons agir le plus vite possible et nous serons obligés de leur proposer quelque chose », explique Jean-Patrick Gille. Pour y parvenir, l’Education nationale, les collectivités territoriales et l’Etat seront mises à contribution : « Ils devront développer des places dans les écoles de la 2e chance, les microlycées, les chantiers d’insertion, les écoles de production, ainsi que des missions de service civique… », explique Antoine Dulin. L’Elysée a précisé que si le jeune refuse toutes les solutions qui lui sont proposées, il pourra être signalé et un éducateur sera désigné pour le suivre. « Ce ne sera pas de manière coercitive, mais il s’agira d’assurer son suivi éducatif », précise le vice-président du CESE.

"Si, sur le papier, cette obligation de formation pour les 16-18 ans apparaît comme une mesure positive, reste à savoir comment elle sera mise en musique. « Il faudra accorder des moyens supplémentaires aux missions locales et aux centres de formation », souligne Antoine Dulin. Autre bémol selon Maryse Esterle, sociologue de l’éducation : « Il sera difficile de trouver des emplois aux jeunes de 16-18 ans, tout d’abord parce que les emplois non qualifiés sont en forte diminution dans notre pays et que les employeurs préfèrent généralement des profils plus expérimentés".

On constate par là qu'on retombe perpétuellement sur le même problème dans toutes les perspectives de réforme, si intéressantes qu'elles paraissent à : ceux qui font ces propositions ont-ils les moyens de leurs ambitions ? Hélas la réponse est le plus souvent NON !

Je voudrais me limiter (quitte à revenir une autre fois sur cette question) à un seul point : ou figureront, dans les futures statistiques du chômage , les jeunes entre 16 et 18 anssui seront "inscrits dans une logique d’acquisition de compétences ; 50 % des jeunes sans qualification sont au chômage mais « Le repérage des "décrocheurs" qui se fait aujourd’hui au mieux deux fois par an se fera désormais en continu », comme Emmanuel Macron s'y est engagé. .

Le rôle des Missions locales est évidemment essentiel et je suis à cet égard un peu inquiété par la mention qui ouvre leur site "Site non officiel mais essentiel des MIssions locales", comme par le début du texte de présentation : « La formation des jeunes mission locale [ sic ] est un des moyens pour accélérer l’accès à l’emploi.

La mission locale s’appuie sur les moyens de veille et d’information pertinents : notamment, ceux du service public de l’emploi, des observatoires régionaux de l’emploi et de la formation, des maisons de l’emploi et des services économiques locaux. Elle propose des réponses adaptées pour développer l’offre d’insertion  [ sic ] et nourrissent [ sic ]  la réflexion du service public de l’emploi sur les évolutions souhaitables et l’adaptation des dispositifs. [ sic ; pas très concret tout ça !]

La Mission Locale pourra vous proposer un diagnostic sur votre situation et pourra vous orienter vers le dispositif de formation le plus adapté à votre besoin : ». 

Il me paraît également inquiétant, sur un tout autre plan qu'on ne sache même pas exactement combien il y a de chômeurs en France :

« La France compte aujourd'hui 3,47 millions de chômeurs selon Pôle Emploi contre 2,8 millions selon l'Insee.

Pourquoi Pôle Emploi et l'Insee donnent-ils toujours des chiffres différents s'agissant du chômage? On vient d'en avoir de nouveau l'illustration cette semaine avec la publication mardi 24 janvier  par le ministère du Travail des chiffres du chômage pour l'année 2016. Selon Pôle Emploi, la France compte aujourd'hui 3,47 millions de personnes sans activité (catégorie A) en métropole. Des chiffres en contradiction avec ceux de l'Insee qui dénombre 600.000 chômeurs de moins, soit 2,8 millions. Pourquoi une telle différence?

La réponse est évidente ; les chiffres diffèrent car on use, de part et d'autre, des méthodes de calculs différentes. Est-ce bien raisonnable ?

«La Dares recense chaque mois les inscrits à Pôle emploi dans les différentes catégories: ceux qui n'ont pas du tout travaillé (catégorie A), ceux qui ont un peu travaillé (B et C), ceux qui ne sont pas tenus de chercher un travail parce qu'étant en maladie, en emploi aidé, ou en formation (D et E). Il s'agit d'une source administrative. De son côté, l'Insee tire ses chiffres de son "enquête emploi", où elle interroge en continu un panel de 110.000 personnes et leur pose des questions sur leur situation par rapport à l'emploi. Pour être au chômage, il faut déclarer chercher un travail, ne pas avoir du tout travaillé dans la semaine de référence et être disponible pour en prendre dans les deux semaines qui suivent. Cette définition est celle que retient le Bureau international du travail (BIT). Elle permet d'effectuer des comparaisons internationales.

En 2013, l'Insee a changé les questionnaires de son enquête Emploi. Après la reformulation à la marge de certaines questions, les réponses ont été profondément modifiées.  ; [ sic ] Ainsi, un enquêteur de l'Insee ne vous demandera plus si vous étiez "à la recherche d'un emploi, même à temps partiel ou occasionnel", mais si vous étiez "à la recherche d'un emploi" tout court. Associée à d'autres, cette modification a suffi à faire pencher quelques "oui" du côté du "non". Les experts de l'Institut estimaient en mars 2014 que le nouveau questionnaire a fait artificiellement baisser le taux de chômage, en mars 2014, de 0,5 point, soit 145.000 chômeurs de moins. [ sic ; c'était bien sûr le but de l'opération ; on va plus loin en voir un autre ! ]».

Tout cela me conduit, de façon un peu abrupte j'en conviens, à me demander si, dans la mesure où l'on met en place un système qu'on n'a manifestement pas les moyens de faire fonctionner comme on souhaiterait qu'il fonctionnât, on ne cherche pas tout simplement à faire sortir, du calcul du nombre des chômeurs, quelle que soit la méthode de calcul mise en œuvre et sous prétexte de formation, tous les jeunes entre 16 et 18 ans ( 800.000 pour chaque année soit 1,6 million de chômeurs de moins, ce qui est autre chose  que les 145.000 de la minable combine de l'Insee évoquée ci-dessus). CQFD.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.