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Billet de blog 18 janvier 2015

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Service militaire civil ou civique ? (Suite et fin).

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Il faut bien que je me résolve, le quatrième jour (je n'ai hélas pas droit à six jours comme le Bon Dieu !) à traiter le sujet que je me suis moi-même donné et que j'ai quasiment oublié à force d’en différer le traitement.

J'avais dit au début (je ne sais plus trop où) que l'on disait tantôt service national, tantôt civil tantôt civique, (d’où mon « civi(l)que » ), sans qu'on pense à établir une différence sémantique entre ces adjectifs. Elle me paraît pourtant claire et également utile ; ce service ne sera pas naturellement pas « militaire » par définition comme l’était notre vieille  institution (c'est-à-dire constituant une forme de préparation des jeunes gens à la guerre) que le président Chirac a supprimée à son époque (voir l’historique du blog n° 2) ; il sera toutefois nécessairement « national » (il ne concerne pas les étrangers sauf s’ils le désirent en vue d’une naturalisation) et « civil » (puisqu’il n’est plus militaire) : je pense qu'il faudrait surtout qu'il soit civique, c'est-à-dire que « l'appelé(e)» à ce service soit traité(e) comme un(e) citoyen(ne) et s'y forme à une activité ou un comportement qui soient propres à améliorer le fonctionnement de l'État et le bien-être de ses concitoyens.

Ce point acquis, il y en a un second qui me paraît évident et que la forme de la rédaction des lignes précédentes laisse prévoir, c'est que ce service civique concerne et accueille bien entendu les hommes et les femmes. Nos compagnes nous ont suffisamment sensibilisés à la  parité pour qu'on ne leur fasse pas l'injure de les exclure de ce nouveau service civique.

Se posent également d’emblée les problèmes de la durée et du coût pour l’Etat de ce service, même si, comme on le verra, il sera largement rentabilisé de facto. L'ancien ministre Xavier Bertrand imagine lui « un service national de trois mois avec d'anciens militaires retraités pour encadrer les jeunes. À ses yeux, cette disposition permettrait d'identifier les jeunes en difficulté, de les aider à se réorienter ou de les mettre au service des associations. ». Une telle proposition est évidemment ridicule pour toutes sortes de raisons ; d'une part, il y a là de toute évidence une tentative désespérée pour se gagner les faveurs (et les suffrages) des adjudants « Tifris » (comme aurait dit Pierre Dac) ou Kronembourg (comme chez Cabu) et d’autre part la tarte à la crème des associations dont de récents événements ont démontré qu'elles pouvaient parfois poursuivre des buts exactement inverses à ceux pour lesquelles on les avait créés et qu'on faisait mine de leur assigner. On recrutait ainsi d'anciens intégristes prétendument repentis pour en former de nouveaux ! Chapeau Monsieur le ministre !

Je n'ai pas encore réfléchi à la question de façon précise et détaillée ; j'attends pour cela que le Premier Ministre m’ait accordé une mission avec trois secrétaires, deux  chauffeurs, deux gardes du corps et des des frais illimités  (sans parler de la juste rémunération que je suis en droit d’attendre). Je me borne donc ici à considérer quelques principes généraux qui me paraissent essentiels et préalables.

En premier lieu, ce service civique aurait une durée égale pour toutes et tous, sans doute six mois au moins ; il faut garantir le même traitement pour tous les citoyens de façon à ne pas réveiller le conseil constitutionnel qui dort ! Toutefois, sans qu’il soit question de sursis, il ne se situerait pas nécessairement au même âge comme dans l’institution traditionnelle. Rappelons aux jeunes urbains que tous les « conscrits » nés la même année constituaient ce qu'on appelait autrefois une « classe » et que, dans la langue populaire, un « conscrit », dans le tour « mon conscrit », était un homme né la même année que le locuteur, donc de la même « classe ». 

Il est évident en effet qu'en fonction de ce qu'on attend, dans la suite, ces « appelé(e)s » (je garde le terme tout en lui donnant un sens qui n'est guère étymologique) ne l'étant pas aux mêmes fins et pour des raisons de même nature, il est inévitable qu'elles  ou ils n’accomplissent pas ce service civique au même âge et sous la même forme. 

Un déscolarisé ou un « décrocheur » en échec scolaire pourra donc tout à fait faire son service dès la fin de la période de la scolarité (effective ou non donc à seize ans) tandis qu'un ingénieur, un enseignant ou médecin ne le fera qu'au terme de ses études (donc plutôt à 23 ou 25 ans ). Leur formation étant différente et la finalité de leur service civique étant également différente, il est logique elles ou ils ne l'accomplissent pas à la même époque et le fassent dans des conditions tout à fait différentes aussi.

Une question qui se pose est celle de la justification de ce service et de sa qualification comme « civique ». Ce terme prend tout son sens, compte tenu, par exemple,  de tout ce qu’on a entendu récemment en particulier à propos des installations de nouveaux médecins ; on essaye désespérément d'en envoyer dans les « déserts médicaux » qui ne manquent  pas seulement de médecins mais aussi de « bureaux » de poste ou de tabac (réfléchir un instant sur les dénominations de tels lieux n’est pas inutile ici !), de boulangerie et de marchands de journaux ; à cette fin, on a mis souvent  en avant la « dette » qu’ils ont envers la France du fait de la formation professionnelle quasi gratuite que leur a accordée l'État, alors qu'elle est payante et souvent très chère dans beaucoup de pays. Le service « civique » permettrait de « rembourser » légalement, rapidement et efficacement une partie de cette dette !

Plus largement,  on pourrait imaginer que tout citoyen et toute citoyenne qui a bénéficié jusqu'à 16 ans et parfois très au-delà d'une formation gratuite ou quasi gratuite pendant de nombreuses années, doit à l'État, en retour, un temps de service non seulement civil mais également civique. Il existe d'ailleurs, dans un certain nombre d'écoles (EN d’autrefois, ENS, X, etc…) et pour certains concours de l’administration, une obligation FORMELLE par engagement de servir l'État pendant une période généralement fixée à cinq ans ; elle n'est guère respectée du moins ni même connue aujourd’hui. On pourrait donc considérer ce service civique comme une forme de remerciement des « appelé(e)s » envers l'État qui les a formé(e)s quasi gratuitement et parfois même avec des bourses, pendant des années. Bien entendu et c'est là le point important, ce devoir envers l'État s'exercerait tout à fait naturellement à des périodes différentes de leur vie et sous des formes diverses, liées à la nature même de ces formations et compétences.

Pour ce qui est des enseignants par exemple, ces quelques mois d'enseignement, dus à l’Etat  au titre du service civique, pourraient,  en outre et surtout, être considérés comme une vraie formation professionnelle ; en effet, la formation des maîtres dont on bassine tant en France (et en outre maintenant avec « le fait religieux !) n'existe plus en réalité surtout depuis la fin des vieilles coles normales et des jeunes IUFM  ;  cela fournirait en outre et surtout au ministère de l'éducation nationale, un grand nombre d'enseignants et d'enseignantes qui auraient déjà acquis toute leur formation académique et qui pourraient sur le terrain (sous des formes différentes dont celle de remplaçant par exemple) apporter leur contribution à l'État qui les a formés si longtemps et si généreusement. 

Je n'ai pas l'intention ici ni d'énumérer toutes les activités qui pourraient être envisagées dans tous les cas et dans tous les domaines ni non plus les diverses formes que pourrait prendre ce service civique. Je ne manquerai pas de le faire en sollicitant des avis de tous lorsque je serai enfin officiellement chargé de la mission qu'on ne manquera pas de m'accorder !

Je crois donc que cette réforme est non seulement possible mais indispensable ; comment ne pas être inquiet, pour ne pas dire catastrophé, quand on voit que la rue de Grenelle réduit la crise gravissime de notre système scolaire, évidente pour tout observateur raisonnable (je n’y reviens pas !), tient à la seule absence de formation des maîtres pour ce qui touche exclusivement au « fait religieux ». MDR !  

Redevenons sérieux ! 

Un vrai service civique permettrait, en particulier pour les jeunes gens et les jeunes filles qui seraient incorporés dès leur sortie de la scolarité, fictive ou non mais de toute façon inefficace car inadaptée !  La période de conscription au service civique (six mois, très insuffisante dans ces cas) pourrait être suivie d'autres modes de prolongation et de complément de cette éducation et de cette formation sous des formes qu'il est facile d'envisager ; elles évoquent bien entendu tout ce que, depuis une vingtaine d'années (emplois jeunes, premiers emplois, etc…) on a tenté dans ce domaine sans y avoir réfléchi et surtout comme des mesures spectaculaires  à court terme donc sans organiser réellement un vrai service civique ce qui en explique l'échec généralisé et répété. 

La principale difficulté est d'éviter des propositions homéopathiques absurdes à finalités exclusivement communicationnelles voire électoralistes et qui reprennent le plus souvent des idées éculées (c'est le cas de la proposition de Xavier Bertrand) ou dérisoires. 

Il est indispensable d’abord d’ouvrir les yeux sur l’état réel de la France, mais surtout d'engager une véritable réflexion qui, avant de s'attacher aux détails les plus infimes pour ne pas dire les plus grotesques (vacances scolaires, formation de l’enseignement du fait religieux, etc…) de la mise en œuvre éventuelle d'une telle opération, en retardant d’autant tout réel changement, nécessairement radical. On doit donc concevoir d’abord le cadre général et surtout les objectifs et les principes d’une telle réforme qui est une vraie révolution culturelle et sociale ; une telle démarche semble manquer totalement, hélas et comme toujours, dans les esquisses de commencement de début du projet de Madame Najat Vallaud-Belkacem !

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