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Billet de blog 18 août 2015

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Tout n’est pas bon dans le cochon !

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J'avais, pour mon billet du jour, un tout autre sujet, mais l'obsession médiatique autour des problèmes porcins m'a conduit à le reporter à demain pour donner la priorité au cochon.

Comme je le disais en titre de ce billet, contrairement à un vieux principe français, « Tout n'est pas bon dans le cochon ! ». Rassurez-vous, je ne me suis pas converti à l'islam et je ne renie en rien mes origines lyonnaises, qui me font porter aux produits dérivés de cet animal une affection toute particulière ; cela rétablit, de façon purement expérimentale, la vérité gnomique initiale, des oreilles à la queue, si je puis dire, sans que je fasse par ce constat, purement gastronomique, la moindre allusion à la corrida !

Las de l'écoute nocturne et matinale des radios-bignoles, qui nous ressassent, nuit et jour, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, leur permanent flot d’âneries (non seulement celles du jour, mais, en périodes estivales, celles du reste de l’année, assorties en outre de la répétition, mercantile et voluptueuse, toutes les 15 secondes, du nom de la station émettrice (pub oblige !), je suis passé à France Culture dont m’avaient détourné les habituelles bondieuseries dominicales. Fort heureusement, à France Cu,  il n'était pas question du prétendu enlèvement du petit Comorien par son tonton (on nous précisait qu’ils étaient l’un et l’autre noirs, ce qui est courant chez les Comoriens) ni de la super-main produite à l'imprimante 3D pour le super-gamin manchot, sujets qui occupe tous les médias depuis deux jours ! 

En revanche, il était question du cochon mais d'une façon plus intelligente que dans les autres médias ; cela m'a donc posé quelques questions qui m'ont détourné du sujet sérieux que j'avais prévu pour ce matin. Un vrai tour de cochon en somme !

Rassurez-vous je ne vais pas vous causer cochon, mais évoquer très brièvement quelques questions que je me pose, sur un plan plus général d’ailleurs. 

Que les vilains Espagnols et les méchants Allemands produisent des cochons à meilleur prix que nous rien n’a rien d'étonnant ; ils doivent avoir recours, là comme ailleurs, à de pauvres hères étrangers, payés au lance-pierres, les Marocains traditionnels pour l'Espagne (même si le cochon n'est pas très en faveur auprès de cette population) ou, en Allemagne, des immigrants des PECO qu’on paye bien entendu au tarif roumain ou moldo-valaque. Cela explique assurément les 20 ou 30 cents de moins du prix de revient au kilo du cochon post-mortem ! 

Mais les Danois ! On ne cesse de nous bassiner avec le modèle social danois qui est en tout la référence ; les travailleurs danois coûtent aussi cher que les Français (et même un peu plus) et pourtant le cochon danois est meilleur marché que le nôtre et apparemment il s'exporte à peu près dans tous les pays du monde en raison de son prix attirant et de sa qualité reconnue! Vous expliquez ça comment Messieurs porcinologues reconnus et les économistes distingués? Je n'ai rien entendu de sérieux en réponse à ce mystère. Pour l'éclaircir, ne conviendrait-il pas que le Père Ubu mette en place au plus vite une commission paritaire mixte (Non pas avec les cochons ! Ne déconnez pas avec une affaire si sérieuse, mais avec les éleveurs et les industriels, sans oublier les indispensables intermédiaires qui se font sans doute le maximum de blé sans jamais voir un cochon !)

Je vous vois déjà venir avec vos 1000 vaches, même si la quantité produite n'est pas forcément une solution à tous les problèmes, loin de la même me semble-t-il, car si, pour le moment, les cochons allemands, espagnols et danois créent sur le marché une abondance de viande qui favorise bien évidemment la chute des cours et fait produire à perte nos petits éleveurs, qu'en sera-t-il bientôt lorsque nous serons envahis par des cochons d'autres origines, américains en particulier ? En effet, notre gouvernement qui, d’un côté, ne parvient pas à régler les problèmes français ni même à faire venir autour de la table les principaux transformateurs du secteur, est, d’un autre côté et sans que sa main gauche sache ce que fait sa main droite, est en train de négocier des accords qui vont aggraver les choses, en particulier avec les Etats-Unis. Ils conduiront à inonder le marché européen et français, de quantités énormes d'animaux dont les conditions et les normes de production ne sont en rien comparables aux nôtres, en particulier sur le plan sanitaire. S'il nous faut, en France, 90 jours pour « faire un cochon », je ne doute pas que les éleveurs américains ne le fassent en 80 à coups d’OGM, d'hormones et d'antibiotiques !

À en croire les spécialistes et les experts, dans le secteur français du cochon, personne ne gagne quoi que ce soit. Le faire naître et l’élever coûtent plus aux paysans que les 1,40 € au kilo qu’il leur rapporterait au mieux une fois abattu ; les transformateurs ne gagnent rien à les en croire dans cette affaire quoique ce soient les plus farouches opposants à tout changement ; quant à la grande distribution, la pauvre, j'entendais ce matin même que, sur la viande de porc, dans un rayon de boucherie, ils perdent de l'argent ! Et tout cela, sous le contrôle de je ne sais quelle agence ou commission nationale officielle chargée de vérifier tout ça.  Un participant, à mots couverts, a toutefois suggéré que la disparition d’un bon nombre de petits protagonistes du circuit n’était sans doute pas pour déplaire aux gros qui pourraint par là devenir plus gros encore!

Le cochon finissant toujours en tire-bouchon, je conclurai sur la grande misère de la grande distribution qui est le seul point vraiment drôle ; il n’y manquait que M.E. Leclerc chargé habituellement de tirer des larmes au public !

Ma préférence ira ici à une petite anecdote personnelle vécue, à laquelle je suis souvent ramené quand je pense aux mutations dans le petit monde des grandes fortunes françaises. Autrefois il rassemblait surtout les marchands de canons ; on y trouve aujourd’hui, d’abord et surtout, des épiciers !

Tout me prédestinait dans ma vie à une telle conclusion ; durant quelques années, j’ai vécu au Creusot, ville au centre de laquelle se trouve le château de la Verrerie qui fut la résidence des Schneider, les maîtres de forges locaux, qui ont compté autrefois parmi ses plus grandes fortunes françaises ; un peu plus tard, j'ai aussi vécu à Annecy où j'ai connu, de plus près en quelque sorte, un brave Monsieur qui tenait une petite mercerie-épicerie minable au 42 de la rue Vaugelas. Je revois encore le patron de cette boutique, Marcel Fournier, avec sa blouse grise fripée et son crayon sur l'oreille. Vers la fin des années 50, M. Fournier s’associe avec les frères Defforey, grossistes provinciaux en alimentation dans l’Ain, pour ouvrir un « libre-service » improbable dans la boutique et ses sous-sols. Ce commerce, en raison même de son succès, s’avère vite impraticable rue Vaugelas, en plein centre-ville, ce qui empêche tout stationnement tant pour les livraisons que pour les clients. M. Fournier ouvre alors le premier vrai supermarché moderne  qu’il baptise « « Carrefour » sans doute parce qu'il se trouvait effectivement à un carrefour (à l’angle de l’avenue du Parmelan) et que l'imagination manquait quelque peu à notre commerçant.

Cela se passait en 1960 ; aujourd’hui les familles Defforey et Fournier ont une fortune estimée entre 650 millions et 730 millions d'euros. Le porc frais se vend certes à perte aux rayons boucherie des supermarchés mais le Veau d’Or est toujours debout !

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