Quoique j’ai déjà écrit sur le mot « bignole » qui dans un parler populaire parisien récent a signifié « concierge », je le précise à nouveau à l’intention de lecteur(e)s étranger(e)s … toujours possibles.
Vous me trouvez sans doute singulièrement constant dans ma dénonciation permanente de ces radios bignoles (Europe1, RMC, RTL surtout ) et vous vous demandez probablement pourquoi il m’arrive de les écouter au lieu de me limiter, comme toute personne raisonnable, à France-Culture ou France-Musique.
Outre le désir d’entretenir ma légitime et permanente colère, deux raisons à cela que je vous livre ici, en entrouvrant, pour une fois, la porte de mon intimité, ce qui vous me l'accorderez, n'est pas dans mes habitudes. Je me réveille le plus souvent assez tôt le matin et, pour rester une heure ou deux dans un demi-sommeil et dans mon lit, j'écoute la radio sur un minuscule poste portatif. Dans le noir, la recherche des stations est toute une aventure pour quelqu'un qui comme moi passe beaucoup de temps à zapper. Je le fais d’autant plus que les radios bignoles ont deux avantages essentiels pour moi. Le premier consiste à ce qu’elles répètent sans cesse les mêmes messages, informatifs et surtout publicitaires, ce qui dans un demi-sommeil matutinal à l'avantage d’aider à le prolonger ; le second est que les messages publicitaires, en flots de plus en plus rapides et incessants, la cupidité aidant, me conduisent rapidement à changer de station, sans avoir pour autant à me réveiller vraiment puisque, sur mon minuscule poste, ces stations sont très voisines.
Bref, venons en au fait du jour !
Ce jeudi 20 novembre sur BFM-RMC (car, pour une fois, RMC avait tenu à préciser l’alliance avec le « grand capital », sans le moindre doute selon les exigences de BFM vu la répétition du nom de leur station qui a suivi et comme on va le voir l’importance de la nouvelle), Monsieur Jean-Jacques Bou(r)din, après de multiples annonces de ce scoop majeur, nous a annoncé l’imminence d’une nouvelle extraordinaire digne de retenir l'attention du monde : l'interview EXCLUSIVE par BFM (qui a bien voulu la céder à RMC) de la maman du djihadiste égorgeur franco-portugais Mickaël Dos Santos dont les services de communication de l’Etat Islamique avait diffusé la binette.
La nouvelle est d'importance ; d'autant plus qu'elle visait à lever une ambiguïté angoissante, puisque à en croire Monsieur Bourdin, le scoop était sensationnel , BFM ayant interviewé en exclusivité, Ana Luisa, la mère du terroriste égorgeur ; celle-ci avait révélé que, finalement et somme toute après de longs examens de la binette du criminel, elle avait, plutôt par lassitude, conclu que ce n’était pas son fils ; après des heures d'examen des photos « sans avoir bu autre chose qu'un verre d'eau » (pour une affaire aussi importante nos services secrets français auraient pu lui l'offrir un café et deux croissants), elle avait des doutes et ne savait plus si c'était son fils ou non. Foutre ! En somme, comme disait déjà Shakespeare et lui aussi en anglais, en guise de « scoop », « Much ado about nothing ! »
Ne nous prendrait-on pas pour des imbéciles chez Messieurs Bourdin, Morandini ou Machin ! Leur seule et unique préoccupation est de persuader leurs employeurs-annonceurs qu'ils sont les meilleurs et surtout les plus écoutés, quitte à mentir du mieux possible et/ou à tripatouiller les données statistiques qui sont fournies à intervalles réguliers, fabriquées avec soin de telle façon que chacune des radios-bignoles, leurs clients, puisse y trouver une raison de se féliciter du dernier classement produit.
La seule chose raisonnable et positive, qui est à retenir de tout ça, est que, si l'on a pu voir, jeudi 20 novembre 2014, dans un clip djihadiste sans doute bidon deux prétendus combattants français, opportunément barbus et enturbannés, brûler leurs passeports, ce qui, s’ils sont vrais, nous évitera au moins, si tout n’est pas du cinéma de série Q, d'avoir à les coffrer à leur retour. Cela nous détourne aussi de faire des frais, comme le suggère Monsieur Dupont-Aignan, pour rouvrir le bagne de Cayenne pour les y fourrer. On pourrait peut-être s'arranger avec les Américains comme pour les avions, et les envoyer à Guantanamo, ce qui réduirait les frais pour les uns et pour les autres.
Bref notre information est toujours aussi minable mais, après tout, en cette matière (oserai-je dire fécale ?), on n’a que celle qu’on mérite et il nous reste au moins France-Culture pour la radio et « 28 minutes » pour la télé, même si nous n’avons plus hélas les vrais « Nuls » !