Peut-être cela tient-il à ce que j'ai beaucoup voyagé en avion et donc souvent et longtemps souffert au sein de ces aéronefs mais je crois que je ne peux plus réfréner davantage ma bile ; si la chose est nécessaire je produirai un certificat médical.
Ajoutons à cela que j'ai failli m'étouffer de rire ce mardi matin, en entendant que les pilotes d'Air France, qui ont repoussé du pied la nouvelle proposition de concessions du directeur de la compagnie, dont les propos annoncent déjà qu'il va mettre les pouces, ce qui ne fait bien entendu que les encourager à poursuivre leur mouvement, vont manifester dans l'après-midi devant l'Assemblée Nationale … « en grand uniforme ». Comme vous l'aurez deviné, c'est précisément ce détail pittoresque qui a failli me faire m'étouffer avec ma tartine à la simple évocation du ridicule de ces grévistes galonnés levant le poing tout en étalant dans la rue le luxe grotesque de ces uniformes chamarrés, dignes des armées rouge ou mexicaine, et que nous leur avons en outre sottement offerts.
Ils ont eu en outre l’impudence d’invoquer les mânes de feu le ministre du made in France en se parant de marinières que leur offrait (ces messieurs ne fonctionnent qu’au tout gratuit) un civil (un stew sans doute !) qui en avait quelques gros cartons. Enfin, comme prévu le low cost aérien made in France est mort ! Air France for ever !
La condition humaine et l’aura du pilote sont extrêmement et étonnamment favorables, sans qu'on sache trop pourquoi ; le pilote de l’aviation pourtant dite CIVILE se situe à la conjonction fortunée de la glorieuse tradition militaire (d’où les insolites galons et les casquettes étonnantes) et des épopées aéronautiques que nous ont narrées historiens et romanciers de l'Aérospatiale. Il résulte de cette circonstance que tout conducteur d’aéronef ou même tout loufiat volant arbore une casquette de maréchal soviétique et roule des mécaniques en jouant les Mermoz. Comment dès lors ne pas tomber toutes les gonzesses (sont-elles gratuites comme le reste ?) dans les hôtels de luxe qu’Air France leur offre ? Cette mascarade n'est pas propre d'ailleurs à notre compagnie ex-nationale et même les pilotes belges ou zimbabwéens se parent les mêmes déguisements. Aussi laisserai-je, pour le moment, ce point qui me fait rigoler plus qu'il ne m'irrite.
Au moment où, avec la grève, on a commencé à évoquer les salaires des pilotes CIVILS (je le répète car les pilotes militaires dont la pratique est bien plus complexe, ne sont pas logés à la même enseigne !) que tout le monde connaît plus ou moins, sans savoir exactement le fond des choses, beaucoup de gens ont commencé à trouver qu’ils poussaient un peu loin le bouchon ! Après tout un pilote d’Air-France n’est pas autre chose qu’une sorte de sous ingénieur avec une casquette : ce métier n’exige pas beaucoup plus de mérite et de compétences que celui de conducteur de TGV à qui on refuse (on se demande pourquoi) casquette dorée et galons du même métal ! Bien à tort d'ailleurs, car, à son poste où il est seul, le conducteur TGV est obligé de conduire effectivement sa machine alors que le pilote passe une bonne partie de son temps à discuter le bout de gras avec son personnel quand il ne lutine pas une hôtesse.
Petite illustration. « Une enquête menée par Het Laatste Nieuws auprès de 148 pilotes belges montre que 78,6% de ceux-ci avouent s'être déjà assoupis dans le cockpit de leur avion. Cela leur arriverait en moyenne cinq fois par an. La plupart évoque une fatigue liée à la forte pression de travail. L'aspect routinier du job jouerait également un rôle pour certains ».
Le plus intéressant dans l'affaire est qu’un pilote d'Air France travaille en gros 500 heures par an, ce qui nous met bien loin des 35 heures de la Mère Delille, gagne très confortablement sa vie comme on vient de le voir (7000 euros de retraite) et est en outre logé, blanchi et nourri sans parler de quelques menus trafics qui, quoique illicites, peuvent tout à fait procurer quelques revenus complémentaires (je ne parle pas ici des 26 valises de cocaïne qui, par hasard, reviennent sur le tapis aujourd’hui !).
Bref si j'en juge par les échos que j’en ai les pilotes d’Air-France, même « en grand uniforme », se sont faits siffler devant l'Assemblée nationale ; ce n'était que justice car ces gens-là se foutent du monde étant donné qu'Air France est la compagnie du monde où l'on est à peu près le mieux payé et où l’on a le moins de travail, même par rapport à la Lufthansa qui n'est pourtant pas Air-Condor ou Gazelle Airlines.
Si je puis permettre un petit conseil à Madame Ségolène Royal dont dépend semble-t-il ce personnel (j'ai entendu cela ce matin à ma grande stupeur) et à Manuel Valls, je leur conseillerais volontiers de laisser tomber toute cette affaire de grèves et de laisser les pilotes Air France se débrouiller avec les passagers qui finiront bien par leur casser la gueule.
Ne pas s'occuper de cette compagnie n'est toutefois pas suffisant : il faudrait également que l'État vende les 15 % de participation qu'il a dans cette compagnie, à condition toutefois qu'il trouve quelqu'un pour les acheter ! On devrait pouvoir s'arranger avec le Qatar en lui faisant bon prix.
À partir du moment où l'État français n'aurait plus rien à voir là-dedans, Air France pourrait crever de sa belle mort, sans que nous soyons obligés de les renflouer comme cela s'est fait tant de fois dans le passé, pour maintenir les « avantages acquis », sans nous attirer par là de la part des pilotes le moindre sentiment de reconnaissance comme on peut le voir une fois de plus. ILS SE DÉ-MER-DERAIENT, fabriquant eux-mêmes une compagnie low cost dont le personnel serait rémunéré comme celui d’Air France, ce qui lui ôterait donc en fait toute possibilité d'être low cost et entraînerait, à court ou moyen terme, sa faillite.
Cela n'aurait rien de gênant pour quiconque, sauf pour nos galonnés, car il est évident que d'autres opérateurs prendraient la place au grand bénéfice des clients ; ne l'oublions pas, a disparu il y a quelques années en 1991, la plus grande compagnie d'aviation privée du monde la Pan American World Airways ou Pan AM ; la terre n'a pas cessé de tourner et les Américains de voyager. Alors vous pensez…Air France que les Américains baptisaient ironiquement naguère encore « Air Chance »…. !