Marion Maréchal (Le Pen) et l'ISSEP
Attention malheureux ! N'allez pas me confondre ISSEP et INSEP ! Le second n'est que l'Institut national supérieur d'éducation physique (qui a sans doute changé de nom à diverses reprise s, car en France, faute de pouvoir changer les choses, on en change le nom) tandis que l'ISSEP est l'Institut Supérieur de Sciences Economiques et Politiques (Ne lésinez surtout pas sur les majuscules, je vous en prie), initiative de Marion Maréchal-(Le Pen), inauguré le 22 juin 2018 dans le quartier de Confluence à Lyon, une école qui « ambitionne [ modestement ] de former l'élite de demain ».
Si par malheur, vous n'avez pu assister à cet événement majeur, je vous invite à lire, dans Rue89, l'article de Bertrand Enjalbal publié le 21/06/2018, mais fort opportunément actualisé le 22/06/2018. Je ne vous en livrerai ici que quelques extraits, que j'enrichirai de mes remarques, car, par une chance que je me plais à souligner ici, je suis moi-même lyonnais et de ce fait je connais assez bien le milieu universitaire de cette bonne ville.
L'auteur de cet article signale, comme Libé, que "toute la presse n'était pas la bienvenue à l’inauguration de l’ISSEP, et que Rue89 zt Libé qui avaient pourtant sollicité une accréditation se sont vu refuser cette demande. La couleur politique de l'institution envisagée (nous y reviendrons longuement dans la suite) et les habitudes du Front/Rassemblement National, font qu'il n'y a pas lieu de s'en étonner.
L’ISSEP, puisqu'il faut l'appeler par son nom quoiqu'il soit quelque peu étrange, a donc ouvert ses portes... à défaut d'accueillir des étudiants, le 22 juin prochain au 56 rue Denuzière dans le quartier de Confluence (Lyon 2ème). Je ne sais pas quel astrologue national a suggéré ici de préférer au 21 juin ( l'équinoxe a peut-être qurelques effluves de "centrisme") le 22, plus évocateur des forces nationales, si l'on se souvient encore de l'antique « 22 v'la les flics!). Le choix et, dit-on, le prix lui-même du local ont posé des problèmes ; après plusieurs semaines de recherches, les locaux de la future "école" ont été trouvés : 400 m2 loués dans un immeuble situé non loin du Conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes que préside... Laurent Wauquiez ! Ouf ! On reste entre soi !
L'ISSEP sera là ; j'avais pourtant cru un moment à voir la photo qui illustrait, non sans calcul, les premiers documents sur l'ISSEP qu'on allait l'installer dans les vastes, magnifiques et anciens locaux de la Faculté de droit sur le quai du Rhône, dans le "palais universitaire" du 15 quai Claude Bernard ; elle n'y a plus là que son siège et des centres de recherches, l'essentiel ayant été exilé ailleurs (à la "Manufacture des tabacs" surtout). Fort heureusement il n'en a rien été !
L'ISSEP est donc logé ; pour le reste, pourtant essentiel, on verra plus tard ! Pour moi qui ai autrefois quitté ma bonne ville de Lyon pour l'Ile de la Réunion, cela me rappelle une passe d'armes fameuse entre Paul Vergès (leader du Parti communiste local) et Tatave Bénard, maire d'une commune pour laquelle il demandait au Conseil Général la construction d'un pont, sans qu'on sache bien de rivière où le mettre. À la question de Vergès « Pour le mettre où, Tatave ? », ce dernier avait répondu en créole : « Donne d'abord le pont, la rivière nous a voir après ! ».
L'une des rares choses qu'on sache de l'ISSEP est le tarif de l'inscription : au départ, 5000 à 7000 euros par an et par étudiant, , mais on semble s'orienter plutôt vers 5500 €. Les choses devraient se préciser si l'on envisage une rentrée pour octobre 2018. Marion Maréchal devrait publier un communiqué pour lancer les inscriptions de la rentrée, dévoiler le nom « officiel » de cette école (si elle en a un) et le contenu des cours, puis diffuser une vidéo à l’adresse des candidats potentiels.
Selon Le Parisien (19/5/18) et l'article d'Olivier Beaumont et Valérie Hacot : « À ce stade, le rectorat n’a aucune trace d’une quelconque procédure d’ouverture d’un établissement d’enseignement supérieur sur l’académie de Lyon », explique l’entourage de la ministre Frédérique Vidal. Et de préciser que rien n’empêche cette école de voir le jour, puisque « l’enseignement est libre en France ». Pas de trace, non plus, de demandes d’agréments pour délivrer des diplômes reconnus par l’État : « En tant qu’école privée, elle devrait demander un rattachement à une université publique pour faire reconnaître ses diplômes.
Je sais par expérience que de telles procédures sont fort complexes, jusque dans leurs plus modestes aspects lexicaux comme a pu le montrait autrefois les affrontements farouches à propos des termes comme " occitan "et "provençal" ou comme "ethnologie" et "anthropologie", sans parler, plus tard, de "pédagogie " et "sciences de l'éducation"!
Pour résumer en attendant : nulle trace où que ce soit de l'existence et du statut de cet ISSEP qui se pique pourtant de délivrer à des étudiants titulaires d'une licence un Master non reconnu par l’État (qui par ailleurs s'emploie à en supprimer un peu partout). Je reviendrai plus longuement dans la suite sur ces questions mais on peut observer que le nom « Institut », choisi pour cette "école" est aussi vague que neutre. Il ressemble à ceux de beaucoup d’écoles supérieures privées et évoque aussi, par hasard sans doute et sans en avoir le statut, la dénomination des IEP (Institut d’études politiques), les « Science Po », qui existent un peu partout en France et dont la vogue est allée croissant car ils sont devenus la voie principale vers l'ENA.
L'article de Bertrand Enjalbal, mentionné plus haut, fait déjà état d'une manifestation contre l’installation de cette école à Lyon : « Le « collectif pour la fermeture du Pavillon Noir » (ainsi a été baptisé le local tenu par le groupuscule Bastion social, anciennement GUD) annonce ce jeudi une manifestation pour protester contre l’ouverture de l’école de Marion Maréchal-Le Pen. La manifestation est programmée ce vendredi 22 juin à 12h30 sur l’esplanade François Mitterrand, près de l’hôtel de Région, à Confluence (quartier dans lequel s’implante l’ISSEP).
Le collectif estime que « l’objectif de cette école est de former « une nouvelle génération de décideurs et d’entrepreneurs » porteuse de valeurs réactionnaires, ainsi que les futurs cadres du FN-Rassemblement National ». [...]
Au vu des prix de l’immobilier, nous nous interrogeons sur les sources de financements de cette école qui apparaissent aujourd’hui très opaques. […] L’implantation de cette école privée réactionnaire nous paraît bien éloignée d’un accès aux études supérieures libre et gratuit favorisant l’égalité de toutes et de tous. »." Fin de citation.
Chère lectrice, cher lecteur, il faut vous préparer à une dure épreuve de lecture, car il y a beaucoup à dire et pas mal de "non-dit", sur l'ISSEP (sous réserve, bien entendu, qu'il sorte des limbes même si tout semble fait pour favoriser sa naissance) mais d'abord et surtout sur Marion Maréchal (Le Pen) elle-même à qui je consacrerai le début de la suite de ce blog !
(La suite demain).