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Billet de blog 26 octobre 2015

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« Invictus » 1995-2015

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Je crois (et j'en fais souvent état) aux malices du hasard ! Ce n'est pas la projection fortuite  par Antenne 2 du film « Invictus » de Clint Eastwood, dont le thème central est la Coupe du monde de rugby à XV de 1995 en Afrique du Sud le jour même et à quelques heures de la demi-finale de la Coupe du monde de rugby à XV entre les All Blacks et les Springboks à Twickenham qui me fera changer d’avis ! Dans les deux cas, l'événement, à la fois central et final, est un match, réel dans le second cas,  filmé dans le premier,  où en Coupe du monde de rugby,  exactement à vingt ans d’intervalle, s'opposent les All Blacks néo-zélandais et les Springboks sud-africains. Qu’on n’aille pas me dire que cela a été prévu et voulu par les responsables de France Télévision. Cette question est d'ailleurs impossible à envisager, puisque si l'on pouvait tout à fait choisir le 24 octobre 2015 pour proposer ce film sur Antenne 2 à 20 heures 55, il était tout à fait impossible de prévoir que ce même jour, à 17 heures, aurait eu une demi-finale de cette Coupe du monde de rugby opposant la Nouvelle-Zélande à l’Afrique du Sud. Ayant regardé le match à 17 heures sur la Une, je ne pouvais guère me passer du film à 21 heures 55 sur France 2 !

Si la Coupe du monde de rugby 2015 a lieu en Grande Bretagne (d'ailleurs au grand désespoir des Anglais éliminés indignement dès le stade des poules), celle de 1995 se déroulait, pour la première fois, en Afrique du Sud juste après l’élection comme Président de la RSA de Nelson Mandela en 1994. La situation était très délicate car l'équipe des Springboks, à peu près exclusivement blanche (il y avait le Noir de service comme dans les clubs de tennis africains d’autrefois), était, depuis longtemps, le symbole même de la communauté blanche d’Afrique du Sud, de sa domination sociale et même depuis 1948, de l'apartheid qui dura jusqu’en 1991. On connaît assez la politique de réconciliation nationale que mettra en place Nelson Mandela pour que je n’y insiste pas ; elle lui avait valu, à  juste titre, en 1993 le Prix Nobel de la paix qu'il avait partagé avec le président FW De Klerk (qui avait  libéré Mandela). Dans le pays, les résistances et les rancoeurs étaient toutefois alors aussi nombreuses que fortes!

Un sport peut-il influencer l'état d'esprit des hommes et aider à résoudre de tels antagonismes? C'est le pari, politique et humain, de Nelson Mandela, après 27 ans d'emprisonnement, contre la haine et la peur réciproque des communautés d'Afrique du Sud. Il s'agit alors de faire naître et vivre la « nation arc-en-ciel ». Contre l’avis général, N. Mandela va tenter de changer les mentalités ; selon sa formule, il faut savoir se changer soi-même si l’on veut changer le reste. Ce film évoque, sur divers plans et à travers divers personnages, la lutte indispensable pour parvenir au pardon. Le nouveau  président et l’ancien capitaine de l’équipe nationale, Francois Pienaar, chacun issu d’une des deux communautés qui se haïssent, vont être deux leaders pour une seule cause : l'union nationale !  « Cette nation nouvelle a soif de grandeur », tel est l'espoir et le projet de Nelson Mandela qui élu président en 1994 ne dispose que d'une seule année pour mener à bien son projet, la Coupe du monde de rugby ayant lieu en RSA en 1995..

Il y a dans ce film (on le devine aisément, vu le sujet et quand on connaît un peu la filmographie de Clint Eastwood) un côté hagiographique et parfois prêchi-prêcha que rend toutefois aisément supportable la prestation extraordinaire de Morgan Freeman dans le rôle de N. Mandela. On prétend que ce dernier avait affirmé que seul Morgan Freeman pouvait l'incarner à l'écran ; le choix a en tout cas été excellent ! Matt Damon, qui joue Francois Pienaar, le capitaine des Springboks, est aussi très bon dans cet emploi!

Il n'y a pas lieu, me semble-t-il, de chicaner ici sur des détails de cette reconstitution qui a bien des égards est impressionnante. À peine peut-on souligner que, sans doute pour accroître la difficulté de la tâche et par là même le mérite des deux héros, on a eu tendance dans ce film à faire de l'équipe des Springboks  une formation de niveau plus modeste que celui qui était en réalité le sien. Dans les années 90, l'équipe des Springboks était déjà l'une des très bonnes équipes du monde et on ne fait sans doute pas, en un an, des champions du monde avec une équipe de clampins, quels que soient la préparation qu’on leur impose et l'esprit d'équipe qu'on n'y crée. Cette coupe du monde 1995 est d’ailleurs la première à laquelle participait l'équipe de l'Afrique du Sud, cet Etat ayant été exclu de ces compétitions internationales du fait de l'apartheid qui était imposé dans le pays.

Le film décrit longuement la préparation physique et mentale de l'équipe sud-africaine où le rôle majeur est joué par son capitaine François Pienaar ; au début très réservé vis-à-vis des entreprises et des projets de réforme de N. Mandela, il finit par se laisser convaincre pour enfin triompher lui-même même des réserves et des réticences de ses coéquipiers.

Mais vous imaginez déjà la suite ! Les Springboks parviennent en finale et doivent y affronter les redoutables All  Blacks qui ont marqué près de 150 points (record du monde !) contre le Japon ; on craint surtout chez les Blacks le « monstre », le fameux Jonah Lomu, dont le poids, la vitesse et l'agressivité terrorisent et bousculent toutes les défenses. François Piennar met alors au point une stratégie pour prévenir ces attaques redoutables et l'équipe d'Afrique du Sud bat la Nouvelle-Zélande en finale, non sans mal, par 15 à 12. 

Nelson Mandela, qui pour la circonstance, a revêtu un maillot de Springbok portant le numéro six (celui de François Piennar lui-même) remet alors au capitaine des Springboks la Coupe du monde ; cette image , hautement symbolique tant au plan politique que sportif, fera le tour du monde et symbolisera la naissance de la « nation arc-en-ciel ».

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