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Billet de blog 27 juin 2018

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ISSEP : Marion Maréchal-Le Pen (suite, n°3)

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ISSEP : Marion Maréchal-Le Pen (suite, n°3)

 Olympe de Gouges, longtemps ignorée, est devenue désormais, non sans quelques raisons d'ailleurs, un emblème pour les mouvements féministes. Si remarquable que soit cette figure , faute d'espace éditorial (car sa vie est un vrai roman), je devrai m'en tenir à l'essentiel. 

Marie Gouze, comme les "demi-mondaines" du siècle suivant, avait abandonné son vrai patronyme, vulgaire à ses yeux, pour  Olympe de Gouges, en "montant" à Paris et à la Cour. (Marie)-Olympe, née à Montauban le 7 mai 1748, est dans notre histoire, une femme de lettres, devenue surtout femme politique. Auteur(e), on l'a vu, de la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne », elle a laissé de nombreux écrits en faveur des droits civils et politiques des femmes comme de l’abolition de l'esclavage des Noir

A son départ, tout Montauban la savait, en réalité, fille, non pas du mari de sa mère (encore un point commun avec Marion), mais du marquis Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, né et mort à Montauban, poète lyrique et dramaturge célèbre, quoique l'une des cibles favorites des épigrammes de Voltaire. En voici une que j'ai conservée en mémoire depuis ma prime jeunesse :

" Savez-vous pourquoi Jérémie

A tant pleuré dans sa vie ?

C'est qu'en prophète, Il prévoyait

Qu'un jour Lefranc le traduirait."

Voltaire  se moque aussi et ainsi des Cantiques sacrés  de ce même auteur : "Sacrés ils sont, car personne n’y touche !" 

Tout Paris connût bientôt cette flatteuse filiation, mais c'est surtout  le charme et  « la cuisse légère » d'Olympe qui, très vite, lui permirent de mener grand train au point de figurer dès 1774 dans l’Almanach de Paris, à l'époque l'annuaire des "personnes de condition". Sa parenté avec Lefranc de Pompignan favorisa probablement son entrée dans la carrière littéraire puis son accès au théâtre. Menant une vie luxueuse et galante de manière assez ostentatoire, elle acquit vite une réputation de courtisane entretenue. 

Je suis un peu honteux de ne pas pouvoir accorder plus de place à Olympe de Gouges qui, à bien des égards, le mérite assurément et dont on parle désormais souvent, sans toujours la connaître. La première, elle obtint en effet que les femmes fussent admises dans une cérémonie à caractère national, « la Fête de la loi » du 3 juin 1792, puis à la "Commémoration de la Prise de la Bastille le 14 juillet 1792."

Son combat pour les femmes se poursuivit dans ses productions théâtrales, notamment dans Le Couvent ou Les vœux forcés (1790). Elle est parmi les premiers à proposer  l’instauration du divorce, qui est adopté à l’instigation des Girondins quelques mois plus tard. Elle demande également la suppression du mariage religieux, et son remplacement par une sorte de contrat civil signé entre concubins et qui prendrait en compte les enfants issus de liaisons nées d’une « inclination particulière ».

Son engagement politique la met toutefois vite en danger. En 1793, elle s’en prend vivement à ceux qu’elle tient pour responsables des "Massacres de Septembre" 1792 : « Le sang, même des coupables, versé avec cruauté et profusion, souille éternellement les Révolutions ». Elle désigne ainsi, non sans imprudence, Marat, qu'elle traite d'« avorton de l'humanité ». Dans ses écrits du printemps 1793, Olympe dénonce la montée en puissance de la dictature montagnarde, partageant l’analyse de Vergniaud sur les dangers de dictature, avec la mise en place d’un Comité de salut public, le 6 avril 1793, qui s’arroge le pouvoir d’envoyer les députés en prison. Elle est donc arrêtée par les Montagnards le 20 juillet 1793 et déférée le 6 août 1793 devant le tribunal révolutionnaire qui l’inculpe.

Malade des suites d’une blessure infectée faite à la prison de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés et réclamant des soins, elle est envoyée à l’infirmerie de la Petite-Force, rue Pavée dans le Marais. En octobre, elle met ses bijoux en gage au Mont-de-Piété et obtient son transfert dans la maison de santé de Marie-Catherine Mahay. Pour tenter de se justifier des accusations pesant contre elle, elle réclame sa mise en jugement par  deux affiches qu’elle réussit à faire sortir clandestinement de sa prison et à faire imprimer. Ces affiches – « Olympe de Gouges au Tribunal révolutionnaire » et "Une patriote persécutée" sont hélas largement diffusées. 

Traduite devant le Tribunal au matin du 2 novembre, deux jours après l’exécution de ses amis Girondins, elle est à peine interrogée. Sans avocat, elle se défend néanmoins avec adresse, mais elle est condamnée à mort. Elle se déclare alors, enceinte, ruse classique, mais les médecins consultés se disent dans l’incapacité de se prononcer (elle a alors 45 ans !). Le redoutable Fouquier-Tinville décide qu’il n’y a pas grossesse et que le jugement est exécutoire. 

Olympe profite de ces derniers instants pour écrire une ultime lettre à son fils. D’après Prévost, un inspecteur de police, présent à l’exécution, et d’après d’autres témoignages, Olympe de Gouges monte sur l’échafaud, le 3 novembre 1793,  avec courage et dignité, contrairement à ce qu’en diront au XIXe siècle les Mémoires pour servir à l'histoire de la Révolution française, mémoires apocryphes attribués au bourreau  Charles Henri Sanson, suivis par quelques historiens dont Michelet. Elle se serait écriée devant la guillotine : « Enfants de la Patrie vous vengerez ma mort. ».

Son fils, l’adjudant général Aubry de Gouges, destinataire de la dernière lettre d'Olympe, ne s'en montra guère digne ! Par crainte d’être lui-même inquiété, il renia publiquement sa mère dans une « profession de foi civique ».

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