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Billet de blog 28 février 2018

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SNCF : la nouvelle bataille du rail

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SNCF : la nouvelle bataille du rail

Ce titre a déjà dû être repris dix fois mais il faut dire que Messieurs Macron et Philippe ont ouvert la voie (si je puis dire). Avant-hier, regardant d'un œil distrait une émission sur les actualités, j'ai été frappé soudain par une formule écrite dont je ne prends pas la peine de vérifier la forme exacte, mais qui  contenait le terme " déclare ", dans une formule un peu étrange du genre, " le Premier Ministre déclare le projet de réforme de la SNCF ". L'usage de ce verbe m'a étonné car on attendrait plutôt " révèle " ou " expose ", " déclare " évoquant irrésistiblement, pour moi du moins et vu le contenu du propos, le tour « déclare la guerre » donc « la bataille du rail » ! 

Le lundi 26 février 2018 à 21h41, en effet, Édouard Philipp a fait officiellement et solennellement connaître sa décision de recourir aux ordonnances pour faire adopter, « avant l'été », la réforme de la SNCF prévoyant, entre autres, la fin du statut de « cheminot » pour les nouvelles recrues. Le choix du verbe « déclare » n'était somme toute pas si inopportun qu'on pourrait le penser vu la réaction que cette déclaration (de guerre) a provoquée dans les syndicats de la SNCF.

Certes le projet de loi d'habilitation à procéder par ordonnances ne sera présenté à la mi-mars 2018, mais les syndicats concernés ne semblent pas très désireux de mettre à profit ce délai pour négocier. Dénonçant un « passage en force », les syndicats de « cheminots » se sont déclarés résolus et prêts à la grève. La CGT-Cheminots, premier syndicat à la SNCF, envisage même d'emblée « un mois de grève pour faire plier le gouvernement ». La CFDT ( quatrième syndicat de la SNCF) propose elle, une « grève reconductible à partir du 14 mars ». L'UNSA (deuxième syndicat) veut aussi une grève. SUD-Rail annonce, sans plus de précisions, « Un mouvement dur ».

Le seul élément positif pour le gouvernement tient à la divergence de ces choix, mais là aussi notre Premier Ministre a de bonnes raisons d'espérer puisque dans leur réunion d'hier après-midi les syndicats de la SNCF ont décidé de ne rien décider n'ont accepté la date du 15 mars qui avait été fixé par le gouvernement lui-même. Il semble d'ailleurs qu'Emmanuel Macron joue un peu sur le velours en la circonstance puisqu'il a au moins à sa disposition de fusible, le premier est Monsieur Pepy qui assiste au spectacle sans mot dire et sans rien faire sinon prodiguer les paroles anodines ; le second étend Édouard Philippe lui-même qu'il aura sans doute toute facilité de conserver pour la question des retraites en 2019 qui sera sans doute plus délicat à traiter.

« Je ne vais pas au conflit », a annoncé, d'avance et à distance, Edouard Philippe. « J'ai bien entendu un certain nombre de représentations des organisations syndicales, qui considéraient que le recours aux ordonnances, prévu par la Constitution, était un casus belli. [Où allons-nous si on se met au latin dans ce genre de discussions !]. Moi, je ne me situe absolument pas dans une logique de conflictualité, de guerre, de bras de fer. Je dis simplement que nous devons avancer » a-t-il ajouté.

Le matin même, il avait souligné que « la situation est alarmante, pour ne pas dire intenable. Les Français, qu'ils prennent ou non le train, paient de plus en plus cher pour un service public qui marche de moins en moins bien ». Raminagrobis a tout de même des griffes et il ne manque pas de le faire savoir publiquement, sans grand risque puisque 69 % des Français sont semble-t-il derrière lui sur ce point : "Il est temps d'oser mener la réforme que tous les Français savent nécessaire".

On continuera sans doute le 15 mars à enfoncer les portes ouvertes puisque la situation scandaleuse de la SNCF est connue de tout le monde et qu'il est amusant de voir continuer à nommer « cheminots » des employés en costume-cravate, pressant des boutons, assis sur un siège confortable, ou derrière un guichet ou dans un bureau comme tout un chacun. Et tout ça pour une retraite à 52 ans comme ce brave Monsieur Thibault qui régna naguère sur la CGT, avant de se trouver une seconde carrière dans un organisme international genevois ! 

Bien entendu, on peut dire ça plus noblement comme Jean-Cyril Spinetta, dans un rapport sur « l'avenir du rail français ». Préconisant « plus d'efficacité et de souplesse à la SNCF », il juge nécessaire de réorganiser le « groupe public » (et qui ne peut pas le rester à cause des règlements européens car la concurrence serait alors déloyale). Il convient donc d'«examiner calmement » une « transformation en société nationale à capitaux publics » qui n'est qu'un changement d'image par la création de trois sociétés au lieu d'une et une discrète forme de quasi-privatisation (mais ne prononçons pas des mots pareils !).

Monsieur Spinetta ( expert en la matière... il a dirigé Air-France !!!!)  a même poussé plus loin l'humour en ajoutant sans rire (on ne rit pas dans un rapport !) : « Une telle transformation serait "l'inverse d'une privatisation puisque l'État y détiendrait des titres incessibles", ajoutant que les futurs employés de la SNCF devront par ailleurs bénéficier « des conditions de travail de tous les Français, celles du Code du travail ». ( Ben voyons !) 

Vous ne m'en voudrez pas (Cher(e)(s) lecteure(e)(s) ) de vous épargner les arguments sur la nécessité de cette mutation puisque vous allez devoir les entendre trois mois durant. Quant aux larmes retenues des syndicalistes (ils sont 2000 à temps plein à la SNCF) , ne vous laissez pas trop émouvoir puisque tous les gens en place continueront à bénéficier des fameux « avantages acquis », dont le voyage gratuit du pépé et de la mémé !

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