Assises de l’école maternelle
Les voies de notre Président, comme celle du Seigneur, sont décidément impénétrables ! Alors qu'on le croit préoccupé avant tout par le sort de l'Europe et que le voilà soudain chargé, en outre, à la suite d'un attentat, de celui de la nation et de la gendarmerie, il a prévu d'ouvrir, avec notre ministre de l'éducation nationale Jean-Michel Blanquer, des « Assises de l'école maternelle » chargées par lui de « penser l'école maternelle de demain ». La tâche est rude mais vu les incertitudes typographiques de notre presse nationale, peut-être s'agit-il, moins d'en « penser l'avenir » que d'en « panser » les plaies ouvertes !
Toujours est-il que dans Mediapart, le prudent Claude Lelièvre, chargé des problèmes d'éducation, dans son blog « Histoire et politique scolaires », nous a livré un texte des plus alarmiste, le 26 mars 2018 (alors que les assises de l'école maternelle commençaient le 27 mars 2018), intitulé « L'école maternelle à la française en danger ? ». Pour vous en donner le ton et l’esprit, je vous en livre les premières lignes, en vous épargnant les nombreux commentaires que ce blog a suscités : « Des « Assises de l'école maternelle » vont se tenir mardi et mercredi. Il s'agit, selon, de rien moins que de « penser l'école maternelle de demain ». Bigre ! "Lettre ouverte au Ministre de l'Education nationale". ».
Les intentions exactes et les projets précis du Président et du ministre sont désormais bien connus : l'école maternelle est rendue obligatoire pour tous les enfants à partir de l'âge de trois ans ; son orientation, très raisonnablement, moins pédagogique qu’éducative, est également fixée. Tous ces détails sont très officiellement et il suffit de citer ici quelques extraits du document officiel du MEN :
« Mardi 27 mars, le Président de la République a ouvert les Assises de l'école maternelle auxquelles participent 400 membres et partenaires de la communauté éducative. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, a confié la préparation de ces assises au neuropsychiatre Boris Cyrulnik avec comme objectif de repenser la maternelle pour en faire une véritable "école du langage et de l'épanouissement".
Les Français sont profondément attachés à l'école maternelle et à ceux qui oeuvrent chaque jour pour accompagner les enfants vers la réussite. L'école maternelle, singularité française, mérite l'attention de toute la Nation. C'est le sens de l'ouverture des Assises de l'école maternelle par le Président de la République.
Aujourd'hui, 97 % des élèves de 3 ans sont scolarisés à l'école maternelle. Ils le sont cependant selon des modalités imparfaites. L'enjeu est que l'école maternelle permette à tous les élèves de s'épanouir et de maîtriser la langue. Pour cette raison, nous abaissons l'âge de l'instruction obligatoire à 3 ans. La maternelle sera ainsi le véritable tremplin vers la réussite tout au long de la scolarité. Cette décision traduit donc la volonté gouvernementale de faire émerger, grâce à l'école, une société plus juste.
L'école maternelle a toujours été un lieu d'innovation, car elle est la matrice d'une vision optimiste de l'Homme héritée des Lumières : son éducabilité, sa perfectibilité. »
Je n'insisterai donc pas ici sur le caractère tendancieux et alarmiste de cette « Lettre ouverte au ministère au ministre de l'éducation nationale » que reproduit intégralement le blog de Claude Lelièvre, en y ajoutant la liste de tous les signataires de cette lettre ; je laisserai aussi de côté la longue et inutile histoire de l'école maternelle en France que comme toujours, Claude Lelièvre, historien de l'éducation, se plaît à nous infliger en préambule. Perfidement, C. Lelièvre glisse même dans son texte que naguère « Le ministre Jean-Michel Blanquer a laissé entendre que la scolarisation dès trois ans « pourrait ne pas être pertinente et donc revue à la baisse » alors qu'elle est l'une des réponses tout à fait possibles ». Les décisions à ce propos sont connues et bien différentes !
Ce qui m'amuse toutefois le plus est le titre même de son article : « L'école maternelle à la française en danger ? ». Ce titre est en effet identique à ceux de plusieurs articles ( « L’école maternelle en danger ! » avec diverses variantes dont « l'école maternelle à la française en danger ») parus entre le 18 et le 27 mars 2018 dans Initiative communiste, …« Journal du Pôle de Renaissance Communiste en France », donc l'organe du Nouveau Parti Anticapitaliste me semble-t-il !
Le contenu et le ton des textes d'Initiative communiste n'étonne guère ; je vous en livre que quelques quelques éléments tout à fait représentatifs :
« Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale et Boris Cyrulnik ont accordé un entretien à Ouest-France. Le ministre souhaite transformer l’école maternelle et va s’appuyer sur « l’expertise » du neuropsychiatre Boris Cyrulnik spécialiste de la petite enfance, suivant la présentation qui est faite de « l’expert ». Il est annoncé que des assises réunissant les principaux acteurs de l’école maternelle se tiendront en mars prochain. L’objectif prévu étant de faire en sorte que la maternelle française soit, plus encore, l’école de l’épanouissement et de l’apprentissage du langage.
Voilà pour les annonces. Mais ce que l’on connaît déjà de l’équipe Macron-Philippe laisse beaucoup douter des intentions annoncées. Le ministre Blanquer a déjà fait ses preuves. On illustrera par un seul exemple sa méthode de communication. On se souvient que peu avant la rentrée des classes 2017, il a affirmé vouloir que les enseignants s’appuient sur la méthode syllabique pour l’apprentissage de la lecture, et non pas sur la méthode globale alors que celle-ci n’est plus utilisée depuis les années 1980, si même elle a jamais été utilisée massivement dans son acception stricte. [ inutile de préciser que tout cela est à la fois faux et stupide ! ] Cette déclaration a amené le SNUipp à poser la question suivante : est-ce de la méconnaissance ou la volonté de manipuler l’opinion ? On sait par ailleurs quels ont été les effets de son passage au cabinet ministériel sous Sarkozy.
Quant à « l’expert » Cyrulnik présenté par la presse selon diverses appellations : éthologue, psychanalyste, neurologue, psychiatre, psy, chercheur, spécialiste de la résilience, neurobiologiste, neuropsychiatre – psychologue n’a jamais été utilisé, il faut dire que le titre est protégé [ Et par quoi ? Il y a plus de « psychologues » en France que dans les 27 autres Etats de l’UE !] et son utilisation frauduleuse peut être l’objet de poursuites judiciaires – il ne laisse pas d’inquiéter. Le premier sujet d’inquiétude tient au fait qu’il a été le comparse de Macron à la commission Attali. Par ailleurs, depuis plus de 20 ans, Cyrulnik diffuse l’idée profondément réactionnaire et fausse, qu’il prétend prouvée [ à Initiative Communiste on connaît à fond la psycho et le droit mais pas l’orthographe ! ] scientifiquement, qu’il existe entre les individus des différences importantes qui sont naturelles. D’ailleurs, la référence qu’il fait à l’éthologie, à la théorie de l’attachement et au modèle animal dans l’entretien cité confirme cette démarche biologisante. D’autre part, il cite son institut privé de la petite enfance. Est-ce l’amorce de l’aveu de la volonté de privatiser l’éducation préscolaire ? Peut-être allons-nous voir réapparaître sous une forme ou sous une autre l’idée ou la volonté de mise en œuvre de jardins d’enfants ? La vigilance s’impose donc absolument. » (Denis Lemercier pour www.initiative-communiste.fr).
Tout cela se passe de commentaires tant sur les méthodes que sur les contenus !