La foire aux conférenciers (version "amendée")
Ayant publié hier, lundi 28 mai 2018 vers 9h30, mon blog quasi quotidien sous le titre « la foire aux conférenciers » et ayant voulu le relire pour y corriger une faute de frappe en fin de matinée, j'ai eu la surprise de ne plus le retrouver dans Mediapart. J'ai cru d'abord que j'avais oublié de faire une manœuvre de validation et je l'ai donc republié à ce moment-là. C'est alors que je me suis avisé qu'il y avait dans mon courriel le message suivant :
« Bonjour,
Après la réception de plusieurs alertes, nous sommes dans l'obligation de déplier [ sic ; "dépublier" ???] votre billet https://blogs.mediapart.fr/robert-chaudenson/blog/280518/la-foire-aux-conferenciers pour non respect de la charte éditoriale à laquelle vous avez souscrit. Plusieurs passages ont un caractère diffamatoire et mensonger. Cordialement ».
Je dois dire que dans cette lecture c'est surtout le « cordialement » final qui m'a étonné car la censure ne s'accompagne pas en général de telles civilités. Comme, contrairement à mes habitudes, les noms de certains de ces "vendeurs de conférences" avaient été cités, je n'ai pas eu de peine à deviner d'où venaient les plaintes contre des propos réputés, bien à tort, « diffamatoires et mensongers. ». Il m'avait toutefois paru difficile en abordant un tel sujet, de ne pas citer de noms puisqu'il s'agissait en particulier d'usurpation de titres et de publicité mensongère
Pour dissiper tout malentendu concernant l'établissement d'une censure à Mediapart, je vais donc proposer la publication un texte identique mais dans lequel les noms propres auront été supprimés ! Bien entendu si cette proposition de conciliation s'avère impossible, je mettrai un terme immédiat et définitif à la publication de mon blog dans Mediapar
"Conférenciers à vendre" (version amendée)
Connaissez-vous la délicieuse chanson de Francis Blanche « les généraux à vendre » ? je ne dispose pas d'un espace suffisant pour vous la citer, mais vous la trouverez aisément sur Internet. On pourrait en faire ici une nouvelle version, sans doute moins amusante car dans la chanson de Francis Blanche on vendait de vrais généraux tandis que dans « la foire aux conférenciers » ou « les conférenciers à vendre », la marchandise n'est que de pacotille car les titres académiques des conférenciers, qui se mettent eux-mêmes en vente, sont le plus souvent faux ou usurpés. Vous pouvez aisément le vérifier grâce à l'adresse que je vous livre ici gracieusement : A-Speakers France E-mail: pab@a-speakers.f ; Tel: +33 184883061
Si vous prenez la peine de consulter la liste des intervenants proposés ("les conférenciers à vendre"), vous serez stupéfaits de n'y lire, dans les spécialités scientifiques que vous pourrez y trouver et qui vous sont un peu connues (de l'histoire à la philosophie en passant par la sociologie de la littérature), aucun des noms de personnalités éminentes de ces disciplines qui peuvent être connus de vous. En revanche vous observerez vite que les seuls noms qui y figurent, ne vous sont connus que par la télé (ils ne sont pas très nombreux j'en conviens, pour l'honneur de ces professions) et sont ceux de prétendus experts ou spécialistes dont les chaînes de télévision nous infligent le permanent spectacle dans des émissions où ils parviennent à se faufiler.
Je ne suis d'ailleurs pas sûr, loin de là, que de véritables chercheurs (qu'ils soient professeurs d'université ou chercheurs du CNRS) aient le droit de se livrer à de semblables activités commerciales dans de pareilles conditions. J'observe d'ailleurs que P.B. , par exemple, qui se prétend du CNRS, se présente d'ailleurs aussi comme "Directeur associé de l’agence BDM", "communication et musographie" [sic]. Ajoutons pour rire un peu cette présentation modeste de lui-même : "Historien et documentariste, P.B. est également fondateur et co-directeur du Groupe de recherche Achac depuis 1989. Grand spécialiste de l’Empire colonial français et des histoires de l’immigration, ..."
Vous vous étonnez sans doute, légitimement d'ailleurs, que j'aie pu me donner accès à de telles informations. C'est, en réalité, le cas d'un de ses experts « à la télé » qui m'a mis sur la piste de cet étrange « A-Speakers France » ; il s'agit de ce P.B. dont on voit apparaître la binette, dès qu'il est, de près ou de loin, question de l'Afrique et de l'histoire coloniale dont il s'affirme, comme on l'a vu, un éminent spécialiste. il se prétend « chercheur au CNRS », alléguant comme preuve décisive de cette appartenance au CNRS sa présence depuis 2011 (je le cite à partir de là) sa mention comme « chercheur au Laboratoire Communication et Politique du CNRS. ». Il s'agit là d'un "laboratoire associé" et l'on peut tout à fait (c'est le principe même de cette situation) figurer dans un laboratoire associé au CNRS ... sans être pour autant membre du CNRS (ayant dirigé 20 années durant un tel laboratoire je suis, vous vous en doutez, parfaitement au fait de telles situations) et la liste des VRAIS chercheurs de tout "labo" du CNRS est connue et aisément accessible pour ce cas... sans qu'on y relève dans les titulaires le nom de P.B. !
Son souci permanent de promotion commerciale et de vente de sa petite personne le conduit d'ailleurs à mettre du "sucre sur le miel" dans les termes suivants (je le cite encore) : « P.B. assure une expertise dans le domaine des médias (il est et a été chroniqueur dans plusieurs émissions, comme 28 minutes sur Arte ou la Grande table sur France culture, mais aussi les Informés sur France Info), de la production audiovisuelle et de la communication en tant que concepteur-réalisateur de musées/expositions aussi bien en France qu’à l'étranger. »
Tout cela est parfaitement honorable, mais peut n'avoir qu'un rapport assez incertain avec la recherche scientifique historique elle-même proprement dite dont il se réclame ! il suffit d'ailleurs pour s'en convaincre de lire les jugements que portent sur les travaux proprement historiques de P.B. les véritables historiens de son domaine ! Je ne les citerai pas ici pour ne pas être taxé de malveillance et pour laisser mes lecteurs se faire eux-mêmes une opinion sur le personnage. Certes PB. a fini par présenter une thèse en 1994 dont la direction avait été assurée par Jean Devisse (mort en 1996) . J. Devisse était certes plutôt historien du Haut Moyen Âge européen mais, ayant enseigné en Afrique, il avait étudié ce continent à la même époque. Nul doute que PB. , après cette thèse sur laquelle je ne me suis pas informé davantage, aurait volontiers occupé un poste de professeur d'université s'il avait trouvé une commission de spécialité désireuse de le retenir pour une telle fonction.
C'est en effet une caractéristique commune de plusieurs de nos « experts à la télévision » qui se sont orientés vers de telles activités dans la mesure surtout où ils n'ont pas trouvé dans les universités une fonction dans un grade dont ils se jugeaient dignes. On peut à cet égard évoquer par exemple, le cas de PB très voisin de celui de P.B. (sans que leurs communes initiales y soient pour quoi que ce soit !), et qui (mais est-ce qu'une simple coïncidence ou un rapprochement inévitable) offre aussi ses services de "conférencier patenté" dans « A-Speakers France » où comme on l'a vu, les véritables savants sont rares, comme ils le sont d'ailleurs aussi hélas, à l'inverse, sur nos chaînes télévisées !
Il me reste à évoquer un dernier cas, qui était d'ailleurs à l'origine le seul auquel j'aurais dû consacrer tout ce blog si si je ne m'étais pas laissé tenter par d'autres figures voisines : celui de F.V.
Le cas de Tariq Ramadan, le pseudo professeur d'université helvéto-égyptien qui se coiffe lui aussi de multiples casquettes et qui en change si souvent qu'il lui arrive de se coiffer de plusieurs d'entre elles en même temps (il se donne ainsi pour professeur aux universités de Fribourg, de Genève, d'al-Azhar, d'Oxford et autres lieux universitaires illustres, dont j'oublie sans doute quelques-uns ici).
F.V. excelle à brouiller les pistes et à multiplier les affectations revendiquées ; en la trouve ainsi tantôt « Professeur à l'université de Londres », peut-être plus précisément au « Goldsmiths College de l'université de Londres », tantôt « à l'université du Sussex ». Il est en revanche toujours difficile de trouver trace de nominations effectives dans les documents administratifs de ces divers établissements. Elle a semblé longtemps, en tout cas du côté français à la recherche d'un poste universitaire, ... y compris à l'université de la Réunion.