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Billet de blog 29 septembre 2018

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Plan Santé : Numerus clausus, PACES et personnels de santé (suite 3)

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Plan Santé : Numerus clausus, PACES et personnels de santé (suite 3)

À propos  du "numerus clausus", je faisais précédemment part de mon hésitation à user du terme  "suppression", car une telle opération peut  tout à fait être suivie de la résurgence d'une autre version, quelque peu différente, du même objet. Nous avons chaque jour des exemples de cette méthode dans les prétendues réformes administratives !

Martin Rhodes (dans l'étudiant.fr, 18/09/2018) qui a reçu les confidences précieuses du professeur Antoine Tesnières qui " missionné par les ministères de la Santé et de l'Enseignement supérieur", nous éclairent quelque peu  sur "les principales pistes et mesures du volet formation" de la "Stratégie de transformation du système de santé".

 A. Tesnières souligne ainsi qu' "aujourd'hui, le numerus clausus n'a plus de sens, il n'est plus pertinent. Premier constat : il restreint l'entrée aux études de santé aux étudiants français, alors que les ECN (épreuves classantes nationales) sont ouvertes à l'ensemble des candidats européens. Le système actuel est fermé à l'entrée et ouvert à la sortie. [les « Épreuves Classantes Nationales (ECN) »  constituent le mode d’admission à l’internat. La mesure concernera les 8.400 étudiants qui intégreront la quatrième année de médecine en septembre 2019.] 

Par ailleurs, l'augmentation du numerus clausus [+ 86 % en médecine entre 2000–2001 et 2015–2016] a des effets retardés de dix ou quinze ans, c'est-à-dire le temps nécessaire pour former les médecins. En d'autres termes, nous payons aujourd'hui la régulation très restreinte fixée il y a dix ou quinze ans. Enfin, le numerus clausus et le concours PACES opèrent une sélection beaucoup trop homogène, injuste et stressante : 

- Vous préconisez donc d'ouvrir grand les vannes ?

Il faut supprimer le numerus clausus, sans pour autant déréguler complètement le nombre de professionnels de santé formés. Le gouvernement souhaite notamment prendre en compte les besoins réels des différents territoires, ainsi que les capacités d'accueil de chaque faculté de santé. Une concertation est toujours en cours avec les syndicats étudiants, les doyens et le monde hospitalier. 

- Le concours de première année n'a donc plus de raison d'être… 

En effet, la PACES [première année commune aux études de santé] est elle aussi supprimée. Rien n'est encore acté, mais il y a de fortes chances pour que ce concours soit remplacé par une orientation progressive entre la première et la troisième année de formation. Le premier cycle serait donc commun aux quatre filières de santé [médecine, pharmacie, odontologie, maïeutique], et suffisamment ouvert pour éviter le découragement et la perte de temps [seul un bachelier sur trois réussit à passer en deuxième année après une ou deux tentatives au concours].

[...]

- Qu'advient-il des quotas, équivalent des numerus clausus, pour les professions paramédicales (infirmier, masseur-kinésithérapeute, orthophoniste, psychomotricien, orthoptiste et audioprothésiste) ?

Les quotas paramédicaux disparaissent pour laisser place à un premier cycle en trois ans et une orientation à la fois active et progressive. Ce premier cycle paramédical pourrait être construit sur le modèle du premier cycle médical, et, pourquoi pas, être commun à celui-ci. Sur ce point, des discussions sont toujours en cours." (Fin de citation)

L’Université française, toutefois,  est encore une fois rattrapée, par son problème habituel : comment gérer des  "sureffectifs" en étant "sous-budgétée" ?

Je dois confesser à cet égard que l'un des rares moments de satisfaction de ces dernières semaines d'agitation autour des problèmes universitaires, a été pour moi d'apprendre que la ministre Madame Frédérique Vidal avait elle-même échoué en première année des études de santé (à son époque), avant de devoir prendre une autre orientation scientifique (biochimie).

J'ai été également très étonné de constater que, si, dans les présents débats, on épiloguait longuement sur la forme et les modalités du concours final de la PACES, on ne se préoccupait guère de la nature même des enseignements qui y étaient dispensés, en évoquant à peine, en outre, le plus scandaleux, les absurdes modalités de contrôle des connaissances : QCM ( Questions à choix multiples) ou QROC ( Questions à réponse ouverte courte) ! Les causes de choix pédagogiques si étranges sont pourtant évidentes et tiennent autant à la nature et aux contenus des enseignements qu'aux enseignants eux-mêmes.

Pour avoir enseigné longtemps dans une université (Aix-Marseille I) qui comportait des scientifiques de sciences dures, j'ai entendu, des années durant, mes collègues enseignants de ces sciences dites "dures" (physique, chimie, biologie, etc.) exprimer leur amertume de voir leurs disciplines enseignées, en PACES, par des médecins qui, dans leur immense majorité, n'entendaient évidemment et logiquement rien ou à peu près à ces disciplines. Il en résultait à la fois que, non seulement leurs enseignements ne valaient pas grand-chose (la première pour ne pas dire la seule qualité de l'enseignant d'une discipline est d'en avoir la connaissance et la maîtrise ), mais en outre que les examens y prenaient inévitablement la forme du bachotage le plus stupide qui est bien évidemment le QCM ou la QROC . On ne peut toutefois guère proposer un problème de physique à un étudiant qui ignore tout de cette discipline ! 

(Suite 4 et fin demain)

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