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Billet de blog 30 août 2018

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Des études de santé au cinéma

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Des études de santé au cinéma

Je passe décidément mon temps à ne pas respecter les promesses que je me suis faites moi-même. Ce sera sans doute le cas aujourd'hui si je vais jusqu'au bout du blog que j'entreprends ici.

Sur France Culture, dans l'émission « L'invité des matins » de Guillaume  Erner, enfin revenu de ses vacances estivales et médiatiques, entre 7h40 et huit heures, j'ai écouté notre ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et (me semble-t-il) de l'innovation. Madame Frédérique Vidal nous causait en effet de la rentrée universitaire prochaine ; elle ne semble pas s'annoncer sous les meilleurs auspices, même si la ministre  prétend avec obstination le contraire ! Elle affirme en effet "L'immense majorité des jeunes a reçu une proposition d'affectation sur Parcoursup au cours de l'été" et chante la gloire de «Parcoursup », cette nouvelle procédure substituée au tirage au sort qui l'an dernier avait créé tant de polémiques, et qui devait permettre d'éviter le redoutable terme « sélection ».

Pour plus d'objectivité , j'emprunte la suite à l'évocation de Parcoursup  faite par le ministère lui-même : « Sur les 60 000 étudiants sans filière, 45 000 n'ont pas encore exprimé définitivement leur choix. Pour la ministre de l’Enseignement supérieur, l'objectif avec la loi ORE (Orientation et réussite des étudiants), "c'est donner plus d’informations aux étudiants, les orienter, les aider à réussir. Parcoursup est un outil".

L'immense majorité des jeunes a reçu une proposition d'affectation sur Parcoursup au cours de l'été. Lorsqu'on remet de l'humain au cœur de la procédure cela prend plus de temps. Parcoursup permet de mieux accompagner les candidats. »

L'annonce de cette émission par France-Cu reflète de façon plus exacte ce qui s'y est dit, la ministre continuant bien entendu à exprimer le point de vue officiel : « Baptisée « Parcoursup », cette procédure, annoncée comme plus efficace et transparente, est devenue malgré elle le feuilleton de l’été : lycéens déstabilisés, bacheliers sans affectation, établissements sans visibilité sur leurs effectifs, soupçons d’inégalités de traitement… En dépit des expérimentations, des promesses et des bonnes volontés, l’Université française est encore une fois rattrapée à quelques jours de la rentrée par sa problématique habituelle : comment gérer des sureffectifs en étant sous-budgétée ? ». 

Cette dernière phrase constitue une observation que j'ai déjà faite à de nombreuses reprises et sur laquelle je ne reviens donc pas. Les suppressions successives de la sélection d'abord au baccalauréat (plus de 90 % succès) puis des diverses formes de « propédeutique » ont entraîné les sureffectifs qui conduisent à avoir 60 % d'échecs dans les deux premières années universitaires, ce qui correspond à peu près exactement au pourcentage que les modes de sélection préalable établissaient auparavant. Tout cela est donc sans intérêt et je ne voudrais évoquer ici que l'affaire de la première année des études de santé qui a été d'autant plus abordée au cours de cette émission que, nous y avons appris que Madame Frédérique Vidal avait elle-même échoué en première année des études de santé (à son époque) avant de prendre une autre orientation scientifique (biochimie). 

Pour avoir séjourné longtemps dans une université (Aix-Marseille I) qui réunissait des littéraires et des scientifiques de sciences dures, j'ai entendu ,des années durant, mes collègues enseignants desdites sciences "dures" (physique, chimie, biologie, etc.) exprimer leur amertume de voir leurs disciplines enseignées, en première année des sciences de la santé, par des médecins qui, dans leur immense majorité, n'y entendaient évidemment rien. Il en résultait à la fois que non seulement leurs enseignements ne valaient pas grand-chose (la première pour ne pas dire la seule qualité de l'enseignant d'une discipline est d'en avoir la connaissance) mais en outre que les examens y prenaient inévitablement la forme du bachotage le plus stupide qui est bien évidemment le QCEM ou désormais la QROC ( "question à réponse ouverte courte") . On ne peut guère proposer un problème  de physique à un étudiant qui ignore tout de cette discipline !

L'intérêt de cette émission se trouvait toutefois moins dans les propos de la ministre à laquelle sa position ne laissait guère de liberté de parole et dont elle ne s'écartait que pour passer la brosse à reluire à ses collègues (comme le ministre de l'Education nationale évidemment) et au Président de la République. 

L'émission en cause valait surtout par la présence de l'invité, Thomas Lilti à la fois médecin et réalisateur de cinéma. Son cas est des plus atypiques puisqu'il pratique toujours son métier de médecin en parallèle de ses activités de réalisateur et de scénariste. Bachelier à 17 ans, il était déjà tenté par le cinéma mais, pensant que cela était difficilement envisageable, il avait entrepris avec succès des études de médecine, durant lesquelles il réalisait déjà des courts métrages. 

Repéré de ce fait par Alain Benguigui et Thomas Verhaeghe, il réalise alors en 2007 son premier long métrage, "Les Yeux bandés". En septembre 2014, il sort son deuxième long métrage, "Hippocrate", dans lequel il raconte l'histoire d'un jeune médecin. Le film lui vaut deux nominations aux Césars 2015 : meilleur réalisateur et meilleur scénario original. Il reste dans le milieu médical pour son troisième long-métrage "Médecin de campagne". Ce film, avec François Cluzet et Marianne Denicourt, connaît alors un joli succès en salles. 

En 2018, il réalise le film "Première Année", dans lequel il dirige Vincent Lacoste, qui joue un étudiant en première année de médecine, et un de ses compagnons redoublant lui, joué par William Lebghil. C'est ce film et son sujet qui expliquent, bien entendu, son invitation dans l'émission en cause où son témoignage et ses propos sont bien plus libres et, par là, plus intéressants que ceux de la ministre.

Cette dernière est d'autant moins à l'aise que le perfide Guillaume Erner n'a pas manqué de l'interroger aussi, hors du domaine des études de santé, sur l'étrange et inattendue nomination par Emmanuel Macron de son ami et hagiographe Philippe Besson comme Consul général de France à Los Angeles !

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