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Billet de blog 31 juillet 2018

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Xyloglossolalie (N°2 ; suite)

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Xyloglossolalie (N°2 ; suite)

En cette matinée du 31 juillet 2018, comme pour illustrer de façon parfaite la définition que j'avais donnée hier de ce néologisme dans mon blog de Mediapart, on a pu entendre, dans la dernière réunion de la Commission d'enquête parlementaire sénatoriale, Monsieur Christophe Castaner qui a parfaitement illustré la définition que j'avais proposée pour ce néologisme. Peut-être en sa double qualité de délégué général de La République en marche et de Secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, est-il mieux que quiconque en mesure de pratiquer la "xyloglossolalie". 

N'oublions pas qu'à ses débuts pour justifier son ralliement à Emmanuel Macron, et sans s'encombrer de « bagages », aussi inutiles que fâcheux, il avait déclaré sans ambages qu'en politique il faut être « au bon endroit et au bon moment, sans forcément savoir ce que sera l’après». Pour prévenir toute critique de qui que ce soit, il avait ajouté : « Tous les politiques ont de l’ego. Ou alors ils mentent. Il y a peu, je téléchargeais encore La Provence à 5 heures du matin pour voir s’il y avait ma photo dans l’édition du jour ».

Mais revenons à notre héros d'hier, Alexandre Benalla ("puisqu'il faut l'appeler par son nom"), la nécessaire brièveté imposée par le genre du blog m'ayant contraint à interrompre le récit pittoresque de sa vie et de sa carrière. Comme disait ce brave Montaigne un tel récit ne peut s'opérer « qu'à sauts et gambades », comme cette existence elle-même. Après Martine Aubry et François Hollande (sans parler de son excursion à «Velours » et de ses passages, réels ou rêvés dans des sociétés où il n'a guère laissé de traces), virant lof pour lof (mais il est loin d'être le seul), Alexandre Benalla gagne, fin 2016, l’équipe du candidat Macron, en tant que "garde du corps" semble-t-il. 

Comme on ne s'était guère montré regardant sur ses titres académiques, on ne semble pas avoir examiné de très près son casier judiciaire et peut-être même y a-t-on apporté quelque modification ! 

En effet, en 2016, une femme, "probablement membre de sa famille", l'avait accusé  de "violences volontaires ayant entraîné une incapacité temporaire de travail (ITT) supérieure à 8 jours. Mais le jeune homme, placé en garde à vue , avait été relaxé "sans que les motifs du jugement en explicitent les raisons". Contacté par L'Express à ce sujet, le cabinet de la présidence dit ne pas avoir eu connaissance des déboires judiciaires du garde du corps. Son casier judiciaire serait vraisemblablement vierge, même si un cadre socialiste se souvient comme on l'a vu, qu'il avait "le sang chaud, s'énervait et montait le ton assez facilement quand il travaillait au service d'ordre du PS". La suite et en particulier des affaires de la place de la Contrescarpe et d'ailleurs, confirment chez lui ce tempérament fougueux ! 

Il aurait pourtant été sage de prendre en compte ces éléments qui risquaient de le détourner de la simple fonction d'observateur pour celle d'acteur. Les auditions des commissions d'enquête parlementaires le confirment.

"Sans solliciter d'autres garanties, convaincu de la véracité des dires de son interlocuteur (Alexandre Benalla) et sans évoquer plus avant sa présence en tant qu'observateur sur le service d'ordre avec ses supérieurs hiérarchiques", Laurent Simonin "lui a donné rendez-vous le 1er mai, en début d'après-midi, à la préfecture de police", a relevé le rapport de la "police des polices", qui évoque la proximité entre Alexandre Benalla et des policiers en charge de l'ordre public dans la capitale. Des policiers tous impressionnés par son statut et une proximité avec le Président de la République qui s'explique assez mal mais sur laquelle nous reviendrons dans la suite.  

Le major Philippe Mizerski, chargé d'encadrer Alexandre Benalla le 1er mai, explique que "quand la situation dégénère, (il) n'ose pas intervenir".en raison même de ce "statut" de proche du Président qu'on accorde à Alexandre Benalla et que sa position comme ces comportements paresse confirmer

Le rapport précise "Bien qu'embarrassé de la tournure que prenaient les choses, ce major ne concevait pas compte tenu de son grade faire la moindre observation à celui qui était à ses yeux un personnage de première importance.". Rappelons pourtant haut qui ne serait pas familier avec l'organisation de la police qu'un major un grade supérieur à celui des brigadiers-chefs ! Le "Troisième homme" est d'une discrétion et d'une délicatesse admirables

L'Inspection Générale de la Police Nationale, l'IGPN,  est, on le sait, chargée du contrôle de l'ensemble des services actifs et des établissements de formation de la Police nationale. Elle a un double rôle, d'une part d'audit général des services, d'autre part de contrôle des personnels de police, jouant alors le rôle de « police des polices ». Les commissaires et officiers de police judiciaire, enquêteurs de l'IGPN sont surnommés par les autres policiers les « bœuf-carottes », surnom donné pour leur réputation de « cuisiner » longtemps les personnes interrogées par leurs soins. 

Le rapport de l'Inspection générale de la police nationale sur cette affaire a été publié ; il se montre d'une prudence serpentine et "xyloglossolalique"dans la mesure où il se fonde sur des déclarations « à chaud » des divers protagonistes. Elle rappelle que « des évolutions sont possibles dans le cadre de l’enquête » judiciaire en cours. Le patron de la DOPC, Alain Gibelin, est à ce titre mis en difficulté, actuellement, par les commissions d’enquête parlementaire. Bien qu’il affirme ne pas avoir été informé de la venue de M. Benalla le 1er mai, deux témoignages le contredisent : celui de M. Benalla lui-même, et celui du général Eric Bio-Farina, commandant militaire de l’Elysée. Ces deux versions n’apparaissent toutefois pas au rapport de l’IGPN, le premier relevant d’un entretien donné au Monde, le second d’une audition devant les députés. Vous me suivez ? Vous avez du mérite,  alors bravo !

L’IGPN met aussi en avant le "trop faible rang hiérarchique" du policier « référent », Philippe Mizerski! Compte tenu « du statut » de M. Benalla, ce major de police « ne demande pas d’explications » lorsqu’il le voit accompagné de Vincent Crase que M. Benalla présente comme un collaborateur. Même chose lors des violences commises sur la place de la Contrescarpe. MDR ! « Bien qu’embarrassé par la tournure que prenaient les choses, [M. Mizerski] ne concevait pas, compte tenu de son grade, de faire la moindre observation à celui qui était, à ses yeux, un personnage de première importance, recommandé par le chef adjoint d’état-major de la DOPC », note (mais sans smileys) le rapport de l'IGPN.

(La suite demain)

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