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Billet de blog 12 mars 2024

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La banalité du mâle

Comment vivent les films quand leurs créateur•trice•s les proposent à nos regards ? Quels sens développent ces visions croisées ? Comment ces sens latents viennent-ils à nous ? Ce sont ces questions, avec beaucoup d'autres encore, dont nous avons débattu avec Faustine Cros. Une rencontre épatante avec une réalisatrice délicate dont la parole est aussi préci(eu)se que bienveillante.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le déploiement des plis d’une œuvre, la saisie des idées qui la sous-tendent et la compréhension de la manière dont elles sont organisées, nous semblent, chez ADCHA, relever d’une approche collective.

C’est la raison pour laquelle nous organisons des rencontres avec les réalisatrices et les réalisateurs des films que nous visionnons.

Ce mois-ci notre choix s'est porté sur un film de Faustine Cros : Une Vie Comme Une Autre

Les films documentaires soulèvent-ils des questions plus grandes qu'eux ?

C'est ce dont nous voulions parler avec Faustine pour prolonger et éclairer les échos de son documentaire, pour débattre des pertinentes questions qu'il génère avec une acuité certaine, à partir de la forme qu'elle a choisie de construire.

Ensemble, nous avons essayé d'en explorer les interstices, de décrypter les marges de ce qui compose un quotidien, le sien, le nôtre, celui du modèle souvent invisibilisé d'un rapport de sexes déséquilibré.

Faustine nous dit qu'elle a réalisé "un document" avant de faire un film documentaire sur la dépression de sa mère.

Au cours de sept longues années où elle a cherché le sens de son projet, elle a trituré la matière filmique familiale dense que lui avait laissée son père (lui-même réalisateur).

Elle l'a décryptée, elle y a imbriqué sa matière propre et a longuement réfléchi à la forme qu'elle souhaitait donner à l’ensemble.

Cette forme, c’est l’entrelacement de séquences de films paternels avec des prises de vues faites par la réalisatrice elle-même.

Ce sont donc les images d’un temps questionnées par des images ultérieures, les images d’un père interrogées par celles d’une fille.

Cette forme est efficace : la mise en abyme des images naïves de bonheur, que nous connaissons et reconnaissons toutes et tous, nous ne les accueillons plus sans suspicion.

Ce film personnel sur une famille singulière aborde alors à une universalité qui donne tout son sens au fait d’avoir programmé cette rencontre le 8 mars (journée internationale des droits des femmes).

Comment montrer le rôle social assigné à sa mère, comme, au fond à toutes les femmes ?

Comment dire l'intime sans voyeurisme mais avec compréhension et sans jugement ?

Comment se réapproprier les images d'un passé heureux mais plein de zones opaques ?

Comment appréhender le caractère universel de la problématique du film ?

Faustine s'est employée à argumenter avec minutie, douceur et grâce en répondant à nos interrogations portant autant sur sa problématique familiale, que sur ses options esthétiques.

Ainsi, elle a justifié ses choix de mise en scène pour les images qu'elle a tournées et sur la manière de les agencer avec celles qu'avait filmées son père.

On a discuté de sa (la) famille, des rôles assignés aux membres qui la composent, de la "banalité du mâle", celle d'un père aimant et bienveillant qui endosse ici la fonction de bien des hommes d'une époque qu'on croit à tort révolue.

On a alors mieux saisi les angles morts dont elle parlait avant le visionnement du film, angles morts constitués de la division implicite du travail domestique dans la famille.

On a été confrontés au regard politique qu’elle porte sur l’intimité, la sienne, mais, par ricochet, la nôtre aussi, interrogée par le film et par cette conversation.

Laissons-lui le mot de la fin : "Aucune femme ne devrait être une battante pour pouvoir s'en sortir, au contraire, c'est à la société de changer".

Il reste à y prendre notre part…

Philippe et Robert, membres d'ADCHA

Pour (re)vivre l'entretien avec Faustine c'est ici et c'est passionnant.

Prochain Rendez-vous des Döckeur·se·s

Vendredi 5 avril à 21 h 30

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