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Billet de blog 13 mars 2024

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La normalité des mâles

La voix des "mâles" ? Réactions après le visionnement du film de Faustine CROS, "Une Vie Comme Une Autre", le débat ADCHA du Rendez-vous des Döckeur•se•s avec la réalisatrice et la lecture du billet précédent, celui de Philippe et Robert (voir billet précédent). Pour une réapparition de Valérie.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un autre regard

Le texte qui suit est une réponse au précédent billet de blog, celui de deux regards masculins.

Voici un autre éclairage pour avancer dans la discussion.

Un roman familial autour de la mère, Valérie

Quel récit subtil de Faustine Cros qui vient réinterroger le roman familial : Valérie, la mère de Faustine, va mal suite à la naissance de ses enfants.

Une maladie que Faustine a toujours entendue appelée "maladie des larmes" par l'entourage. Est-ce une façon de ne pas "bien nommer les choses" autrement dit que sa mère souffre d'une dépression ?

Partant de son vécu de petite fille, Faustine pense que c’est de sa faute si sa mère ne va pas bien. Dans sa réalité d’enfant, elle construit ce récit dans un discours également porté par les adultes.

Arrêtons-nous un instant : la naissance des enfants et la dépression maternelle peuvent être concomitants. Parfois même, la maternité peut être un déclencheur sans qu'elle soit forcément la seule cause des fragilités ou des failles.

La dépression de Valérie est-elle uniquement liée à la naissance de ses enfants comme semble le postuler l'argument du film, la vie d'une femme n'est-elle pas plus complexe, n'y a-t-il pas d'autres paramètres ?

Les images du père, Jean-Louis

Il y a les images du père de Faustine qui a filmé sa femme, images éblouissantes qui se ternissent peu à peu. On voit une mère aimante mais en détresse. On suit l’enfermement progressif de Valérie qui ne parvient pas à reprendre sa carrière professionnelle interrompue par les grossesses.

Valérie est maquilleuse, c'est un mot qui interroge tout de même, maquiller c'est embellir, mais c’est aussi déguiser, camoufler, dissimuler, cacher…

Pourtant, Valérie parle

Elle parle à travers son double "La Valère", la sorcière qui elle peut se déjouer des codes et des carcans sociaux.

Dans la terrible "scène du frigo", elle parle aussi avec cette phrase adressée à son mari, seul autre être humain dans la pièce, : "Va te faire foutre, va te faire foutre et fous-moi la paix !".

Mais cette parole, semble pourtant comme ricocher sur la caméra qui vient ici faire écran, le père lui répondant : "A qui tu as envie de le dire ?".

Qui est Jean-Louis à ce moment là ? : un mari ?, un réalisateur ?, un homme qui tente de mettre à distance les émotions violentes générées par les paroles de Valérie ?

Valérie développe ensuite une critique tellement sincère et sensée des hommes, du patriarcat, du système. Ses paroles résonnent durement à nos oreilles, en ces temps de critiques et de révélations multiples autour du patriarcat, d'autant qu'elle poursuit avec des mots surprenants : "…j'ai envie de le dire à mon grand-père s'il était encore là, … j'ai envie de le dire à mon père… je pense que j'ai envie de dire ça aux hommes".

Que sont devenues ces paroles ?

Ont-elles été entendues, reparlées, traitées, par son mari, son médecin, l'entourage, etc. ?

Une vie comme une autre ?

On voit alors une vie qui se dévitalise, qui se banalise pour devenir "une vie comme les autres", Valérie allant jusqu'à la banalisation de sa tentative de suicide.

Cet évènement sera l’électrochoc familial, qui va mettre en route le projet du documentaire de Faustine.

Les images de la fille, Faustine

Et puis, il y a les images de Faustine, plusieurs années après, qui postulent d'une autre éthique dans l’acte de filmer.

Avec Faustine, la caméra devient médiatrice dans un processus qui vient requestionner, reconstruire les relations intrafamiliales.

Un vrai regard, des mots justes, on perçoit alors comment les liens et les relations se redynamisent.

Quelle magnifique image tout-de-même que ce cadeau d’anniversaire de Faustine à sa mère : des chaussures de sport, pour celle qui rêvait de partir sur les routes et de s'échapper loin.

Le billet de blog "La banalité du mâle"

Enfin, il y a ce billet de blog qui précède où Philippe et Robert interrogent avec justesse tous les questionnements qui émergent à travers le dispositif, le récit et les choix mis en œuvre par Faustine.

Ces questionnements relatés par deux hommes remettent certes en question le système patriarcal et oppressif.

Pourtant, un drôle de sentiment émerge, j'entends deux voix de "mâles" qui viennent recouvrir la parole de Valérie.

Celle-ci semble de nouveau invisibilisée, elle est là mais en creux…

Reconstruire ensemble

Souhaitons que ce billet permette à Valérie de reprendre sa place "en plein", pour retrouver une voix de femme pleine et entière

Continuons à nous interroger. Déconstruire tout un système et ses valeurs prend du temps et nécessite beaucoup d’efforts.

Toutes et tous avons encore du travail et du chemin à faire.

Merci à Faustine d'avoir permis ces questionnements. Gageons que ses œuvres à venir sauront nous accompagner dans les prises de conscience de toustes.

Véronique, membre d'ADCHA

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