A la manière de cette tige végétale souterraine qui s'étend sans cesse, notre festival poursuit son mouvement, son chemin ; il le trace pas à pas depuis cinq ans pour porter une forme de cinéma documentaire au plus loin des lieux traditionnels de diffusion et pour un nombre de döckeur·se·s croissant.
Dans une trajectoire inverse de celle du repli identitaire où certain·e·s parlent sans cesse de racines, la structure rhizomique d'ADCHA propose une horizontalité entre tous les acteurs. Son mouvement est infini.
Qu'on en juge, 60 döckeur·se·s, près de 1 000 spectateur·trice·s avec une poignée de bénévoles enthousiastes et motivé·e·s ont permis cette édition, elle a été rendue possible en une sorte de composition collective.
Chaque année davantage, nous rendons tangible la gageure initiale que portait en elle le pari un peu fou de permettre un accès au cinéma documentaire d'auteur partout et pour tous·tes.
Pendant trois jours, en effet, tou·s·tes ensemble, nous avons mieux perçu les thématiques des films et partagé autour d’eux nos subjectivités, nous savons un peu plus pourquoi des sujets ont été filmés et racontés, mais nous nous rendons aussi sensibles aux partis pris esthétiques qui les sous-tendent.
En contrepoint, en complémentarité des autres festivals impliqués dans une démarche similaire, notre fonctionnement ne se situe pas en un lieu unique mais porte en lui des ramifications infinies et multiples vers les domiciles et les lieux de vie de celles et ceux qui s'y engagent. Le centre de notre activité est donc partout et sa circonférence nulle part.
Ce sont tous·tes ces acteur·trice·s döckeur·se·s qui permettent à cette manifestation totalement décentralisée d'exister.
Ce festival se déroule au creux de l'intime des döckeur·se·s, dans les maisons, dans les lieux co-organisés avec les proches, les ami·e·s, les voisin·e·s, les relations, les plus ou moins connu·e·s, etc., en quelque sorte avec toutes les personnes qui comptent et qui, trois jours durant, prêtent leurs oreilles attentives et ouvrent leurs yeux vigilants.
Après les films, ensemble, nous avons parlé, rigolé et parfois aussi eu la gorge un peu serrée.
Quelle immense confiance nous faut-il à tous·tes pour accepter un morceau du festival dans l'intime de chez-soi, au cœur du privé, là où se tient habituellement ce qui n'est pas public.
Cet intime est profondément politique.
Politique d’un peu avant la politique et qui prépare ses conditions de possibilités : dans les nombreux lieux où se tenait le festival cette année, on est venu voir, discuter, écouter, échanger mais aussi manger, boire, porter la contradiction, nuancer ses opinions, éduquer son regard, comprendre celui des autres.
Notre ambition est aussi de partager dans des moments de convivialité forte.
Regarder ensemble et se projeter dans le regard et les différences des autres, de celles ou ceux juste à côté, mais aussi de plus loin, d’ailleurs.
Le festival est devenu un temps de la mise en résonance des richesses de nos individualités, sans en évacuer leurs contradictions.
Ces partages nous semblent permettre de faire place aux regards autres dans notre propre point de vue et de comprendre le nôtre en rhizome, une fois encore comme un parmi les autres. Les œuvres ont sans doute besoin d’autant de regards que possible pour déployer la plénitude de leur contenu.
L'implication des réalisateur·trice·s et d'un producteur avant et pendant les visios, la sensibilité qu'ielles ont manifestée au dispositif que nous leur proposions, sont autant de raisons qui nous incitent à poursuivre.
L'esprit du festival se perpétuera en 2025, mais avant, dès le 8 mars prochain ce sera comme tous les mois le rendez-vous des döckeur·se·s.
Une continuation, un prolongement pour lequel on aura choisi un film sur la plateforme Tënk, on le regardera ensemble, on réfléchira avec le·la réalisateur·trice, on partagera, on échangera encore… Nous en parlerons bientôt ici-même.
Avec le printemps, le rhizome va fortifier son avancée et poursuivre sa route, nous y reviendrons…
ADCHA