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Billet de blog 14 avril 2013

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Pour une refondation éthique de la gauche

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Fraude fiscale d'un ministre, plagiat d'un haut responsable religieux, mensonge du même quant à ses diplômes, mais aussi mensonges d'un candidat à la plus haute fonction du pays ("je serai le président du pouvoir d'achat" entre autres), puis de son successeur faisant croire que son adversaire est la finance... La liste est longue des comportements de nos leaders associatifs, syndicaux ou politiques qui montrent qu'ils ont abandonné toute éthique personnelle pour asseoir leur pouvoir personnel, leur carrière politique. C'est sans doute l'une des causes principales de la crise politique majeure à laquelle nous sommes confrontés depuis de nombreuses années.

À côté de ces exemples qui ont retenu récemment l'attention des medias, étant donnée la notoriété de leurs auteurs, nous trouvons des comportements similaires dans le fonctionnement de la plupart des partis, syndicats et associations. Loin des medias, seule la mémoire des militants en garde trace. Je citerai donc deux exemples que j'ai personnellement connus. L'un a reçu en son temps quelque attention des medias : en 2006, l'élection des administrateurs de l'association Attac – quelques dizaines de milliers d'adhérents – a fait l'objet d'un fraude massive qui a conduit à son annulation. L'autre, plus récente, concerne la surestimation volontaire par le Parti de Gauche du nombre de personnes présentes au meeting de Lyon du candidat du Front de Gauche en février 2012 : 10 000 annoncés à la presse pour environ 6 000 présents dans une salle de 5 000 places. Mais on peut citer aussi les textes et discours qui n'ont que l'apparence de la logique et s'apparentent plus à de l'intox qu'à de l'information, de la réflexion, ou de la proposition qui aident les citoyens à s'émanciper. Les comportements malhonnêtes, non éthiques, sont donc d'une grande diversité ; tous n'ont pas la même importance.

La première conséquence de cette absence d'éthique dans les organisations est l'image déplorable, mais souvent justifiée, des organisations et de la vie politique qui éloigne beaucoup de citoyens de ces organisations et de la politique : cf. le nombre très élevé et croissant d'abstentionnistes, bien que ce ne soit pas la seule raison. En second lieu, ces pratiques malhonnêtes détournent de l'engagement militant la plupart des citoyens intègres, c'est-à-dire la grande majorité, et donnent des organisations dont le nombre d'adhérents reste faible. Enfin, elles favorisent les militants sans éthique qui se trouvent à l'aise dans ces pratiques et accèdent plus facilement aux responsabilités.

Cette situation n'est en rien spécifique à la gauche, mais est particulièrement dramatique à gauche, dans les organisations du mouvement social et dans les partis qui se réclament de l'émancipation des citoyens. Pourquoi la gauche, chaque militant de gauche se doivent-ils d'être honnêtes, et de construire une société basée sur l'honnêteté ? La malhonnêteté en politique consiste finalement à tromper les militants et finalement les citoyens, pour leur faire croire ce qui n'est pas en vue de conquérir un pouvoir. C'est donc fondamentalement contraire à la démocratie, c'est-à-dire, pour reprendre l'expression de Jacques Rancière, « le pouvoir de ceux qui n'ont aucun titre particulier à l'exercer, c'est-à-dire de tous ». Car ne peut exercer son pouvoir de citoyen celui qui n'a pas les informations les plus exactes possible, dont le choix ou l'éventail des choix ont été modifiés par la ruse ou la tromperie de leaders et de militants.

La gauche place généralement au sommet de son engagement des valeurs comme la dignité humaine, les droits de la personne humaine, la liberté, l’égalité, la démocratie, la préservation de la Terre et de ses écosystèmes pour les générations futures. Mais l'honnêteté n'est pas revendiquée comme une de ses valeurs. La malhonnêteté, c'est d'abord le vol, c'est-à-dire l'appropriation du travail d'autrui : la gauche a une position claire là-dessus, c'est même la base de sa ligne politique. Mais la malhonnêteté, c'est aussi le mensonge, la tromperie, la magouille, le trucage, qui sont très fréquents dans les jeux de pouvoir, au sein des organisations comme entre le monde politique et les citoyens. C'est là que la gauche n'est pas très claire.

À gauche, les organisations associatives, syndicales ou politiques ont donc besoin d'une refondation éthique. Cette refondation éthique – cette morale – n'est pas du moralisme formaliste, mais un ensemble de conventions, de lois, de contrôles qui interdisent des actes et en encouragent d'autres. Elle doit concerner tous les comportements qui ont un impact sur la vie militante, sur la vie publique et sur les possibilités d'émancipation des citoyens.

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