Premier tour des municipales de mars 2008 à Perpignan : divine surprise ! Avec seulement 38,8 % le maire sortant, héritier d'une dynastie au pouvoir depuis 50 ans, donné largement favori peut être battu ! La pression populaire contraint ses opposants de gauche à s'unir. L'issue est incertaine. On vote. Les résultats qui parviennent et s'accumulent inclinent fortement vers une reconduction de l'équipe sortante. Soudain : coup de tonnerre ! Une chaussette vient de changer le cours de l'Histoire de Perpignan … Enfin, c'est ce qu'on croit …
Et le désir s'accroît quand l'effet se recule* …
L'effet de la chaussette est immédiat …Aussitôt des foules indignées parcourent spontanément et nuitamment les rues de la ville, se massent devant la mairie barricadée, conspuent les "magouilleurs", revendiquent annulation et démissions …les médias accourent par l'odeur alléchés … Une semaine durant des manifestations bruyantes hérissées de sarcasmes et d'ironie mordante se succèdent devant et autour de la mairie et de la préfecture … on se donne rendez-vous devant les tribunaux, on fait le serment de rester unis jusqu'à la victoire finale …enfin, c'est ce que la foule comprend …mais, très rapidement, à proportion que l'effet fédérateur de la chaussette s'éloigne, s'accroît le désir de prendre le pouvoir municipal pour soi, son camp ou son clan …c'est du moins ce que les déclarations péremptoires de certains et les comportements explicites d'autres donnent à penser … Et lorsque vient enfin la conclusion juridique tant attendue, elle ne fait que souligner et couronner l'échec apparent de la prophétie initiale … Corneille avait bien raison!
Changer pour conserver ou conserver pour changer ?
Se présentant comme victime du zèle intempestif de quelques uns de ses partisans le maire invalidé se propose d'être l'artisan du changement . Implicitement il en admet donc la nécessité. Comme il n'est pas à l'évidence le mieux qualifié pour ce faire ses multiples opposants ont beau jeu de l'accuser de vouloir changer son équipe pour en fait continuer sur la lancée d'une politique de la ville que son appel au Conseil d'Etat lui a permis d'engager. Au point de la rendre irréversible. En somme il va donc changer oui, mais pour conserver …
Les ex-alliés des lendemains de l'avènement de la chaussette partent à l'assaut de la mairie dans l'ordre dispersé d'une armée mexicaine. Propos aigres-doux, mépris ostensible des concurrents de moindre importance, accusations non voilées de népotisme décrédibilisent par avance la seule alternative possible : l'union entre les deux tours.. Même si on fait la part de l'amplification presque obligée des "petites différences" entre opposants avant le premier tourchacun rend de plus en plus difficile aux autres de manger son chapeau entre les deux tours. Au point de donner le sentiment de préférer perdre séparément à gagner ensemble. Un échec dont on pourrait augurer qu'il permettrait de se positionner en vue de l'élection municipale de 2014 ?
Finalement on peut se demander si n'opère pas un inconscient, partagé par les principaux opposants, pour conserver le maire invalidé afin de mieux en changer demain et d'être plus sûrement celui-ci. Un théâtre désespérant qui se préoccupe peu du désir profond des perpignanais, dont on ne peut exclure qu'il soit tout simplement de changer pour changer…et ceci dès aujourd'hui …
*Corneille, Polyeucte, Acte I, scène 1, vers 42 .