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Billet de blog 8 février 2010

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2012 : Merkel de gauche contre Chirac en sueur ?

Les commentateurs politiques rivalisent d'inventivité sémiotique à des fins essentiellement pédagogiques et de rendement communicationnel. Trouver une formule à la fois ramassée et juste afin de frapper les esprits tout en s'illustrant dans l'espace journalistique donne lieu à un concours permanent de métaphores, à rapprocher de la recherche du scoop chez les photoreporters. La technique consiste le plus souvent à s'appuyer sur des imagos solidement implantées dans les esprits en les subvertissant par des adjonctions (des compléments déterminatifs) qui en culbutent plus ou moins le sens. Le critère de la réussite c'est lorsque tout le monde a compris de qui ou de quoi il s'agit avec les seules informations disponibles dans l'espace public …

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Les commentateurs politiques rivalisent d'inventivité sémiotique à des fins essentiellement pédagogiques et de rendement communicationnel. Trouver une formule à la fois ramassée et juste afin de frapper les esprits tout en s'illustrant dans l'espace journalistique donne lieu à un concours permanent de métaphores, à rapprocher de la recherche du scoop chez les photoreporters. La technique consiste le plus souvent à s'appuyer sur des imagos solidement implantées dans les esprits en les subvertissant par des adjonctions (des compléments déterminatifs) qui en culbutent plus ou moins le sens. Le critère de la réussite c'est lorsque tout le monde a compris de qui ou de quoi il s'agit avec les seules informations disponibles dans l'espace public …

Merkel de gauche

L'expression apparaît, pour la première fois semble-t-il, sous la plume de Jean-Michel Normand (Le Monde, 14/01/2010) qui voit Martine Aubry comme “une sorte d'Angela Merkel de gauche, plus méthodique et rassurante que flamboyante, affichant un apparent détachement par rapport aux échéances de 2012. Un personnage aux antipodes de Ségolène Royal comme de Nicolas Sarkozy.” Cette alliance de mots contradictoires a priori –un oxymore- a pour effet de créer un être nouveau qui emprunte des traits communément reconnus à Mme Merkel pour les hybrider avec les valeurs consacrées de la gauche dans des proportions et une alchimie qui sont laissés à la charge de l'interprète. Questionnée sur cette dénomination émergente Mme Aubry n'a pas manqué de donner très simplement sa formule. Elle veut bien garder la forme de l'image mais à la condition d'opérer sur le champ une substitution de contenu en remplaçants globalement les “valeurs de droite” par les “valeurs de gauche”, aussi peu déterminées les unes que les autres. Elle peut dorénavant faire son marché parmi les qualifications suivantes : sérieuse (ça ne rigole pas), posée, réfléchie, raisonnable, austère, appliquée, habitée par sa fonction pour ce qui est de sa manière d'être sans cesser de se prévaloir des mythes fondateurs de la gauche française. Et du même coup, bénéfice considérable, elle se situe dans le négatif de la concurrence interne (Ségolène Royal évidemment mais aussi Dominique Strauss-Kahn un temps latin lover au FMI …) et externe (Nicolas Sarkozy dont le bling-bling congénital transparait malgré l'armée de ses communicants). Vraie ou fausse, peu importe au temps des mass media triomphants, l'image émergente est propre à recouvrir celle de “la dame des 35 heures” … Chirac en sueur C'est Thomas Legrand, journaliste à France Inter qui a lancé cette formule*. Elle résume parfaitement son jugement (discutable) sur le bilan à mi-mandat de Nicolas Sarkozy selon lequel il s'agite énormément mais il fait du sur place. Voir une opposition dans cette construction nécessite un savoir collatéral un peu plus important que la précédente. Il faut reconnaître l'immobilisme des années Chirac, percevoir ce dernier comme un vieux rad-soc plus préoccupé de bonne chère, d'aventures galantes, de sumo et d'arts premiers que de réformes. La contribution des Guignols de l'Info a été décisive dans ce domaine. Dans ces conditions on conçoit difficilement qu'on puisse dire de lui qu'il a “mouillé sa chemise” dans ses activités présidentielles, ce qui est parfaitement à l'opposé du vibrionnant actuel locataire que ses communicants, obsédés par l'idée d'incarner une intense activité ne cessaient de nous montrer transpirant sous un T-Shirt de la police de New York … jusqu'à un certain malaise vagal qui montra les limites de l'exercice … Mais pour que cette image fasse florès il faut vraiment accepter l'idée que non seulement Nicolas Sarkozy ferait du home trainer à l'Elysée devant une vidéo concoctée par sa cour mais aussi et surtout l'idée que le sarkozysme laissera ce pays intact avec son fameux modèle social à peine écorné. Et il y a peu de chances que les nombreuses victimes des “réformes” même embryonnaires ou inachevées, collaborent effectivement à la construction d'une image anodine voire inoffensive quand leur expérience quotidienne leur suggère le contraire. Pas plus que les oppositions dont l'intérêt bien compris consiste toujours à cultiver les éléments les plus répulsifs du pouvoir en place. Quand à la majorité elle est structurellement dans le dithyrambe, mis à part quelques rares grincheux …Alors, pour toutes ces raisons, on peut envisager qu'une Merkel de gauche soit dans la course à l'Elysée en 2012 mais sûrement pas un Chirac en sueur … plutôt un Berlusconi en treillis ? * Ce n'est rien qu'un président qui nous fait perdre du temps, Stock, 2010.

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