Les régionales en Languedoc-Roussillon, ont été l'occasion de porter diverses accusations sur le "système Frêche". La moindre n'était pas le clientélisme institutionnalisé et même revendiqué par l'intéressé. La réponse des urnes n'a laissé aucun doute quant à la réussite de ce système. Pour en comprendre les ressorts, il m'a semblé utile de mettre en relation les deux concepts ci-dessus.
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Les régionales en Languedoc-Roussillon, ont été l'occasion de porter diverses accusations sur le "système Frêche". La moindre n'était pas le clientélisme institutionnalisé et même revendiqué par l'intéressé. La réponse des urnes n'a laissé aucun doute quant à la réussite de ce système. Pour en comprendre les ressorts, il m'a semblé utile de mettre en relation les deux concepts ci-dessus.
Le clientélisme de masseJusqu'ici le clientélisme "traditionnel" d'un politicien consistait à couvrir de bienfaits plus ou moins importants selon leur distance sociale à sa personne. Tous ces proches identifiables constituent son "capital social" c'est-à-dire, pour faire court, l'ensemble des individus avec lesquels il est en relation réelle. Cette relation peut-être directe (un premier cercle constitué de la famille, des proches, des compagnons de route) ou indirecte (un second cercle dans lesquels on trouve des personnes qui sont en relation directe avec celles du premier cercle et celles qui ont été en relations épisodiques avec lui dans le passé. Avec le clientélisme de masse ce sont toutes les personnes susceptibles de contribuer à la reconduction de son pouvoir qui peuvent être concernées c'est-à-dire des "gens", une catégorie apolitique par excellence. Comme ce sont les "gens" qui votent c'est à cette masse regardée comme indifférenciée qu'il faut s'adresser pour en faire des "clients". Cette massification de l'action politique exige la mise en oeuvre d'armes de clientélisation massive, pas seulement médiatiques. Il faut des relais institutionnels en tous points du territoire à dominer. Mettre en place desbarons est une nécessité. Un travail de longue haleine sur plusieurs décennies. Il faut littéralement, dixit Frêche", les "inventer" tel Gepetto dans son atelier. Sortis de l'emploi pour lequel ils ont été créés, ils ne seront rien, ou presque. Conçus à l'image de leur Créateur, ils constitueront leur propre réseau de clients mais ce réseau ne pourra fonctionner que s'il reste branché sur le réservoir du Centre. Tout ce petit monde sera mobilisé en permanence pour maîtriser l'environnement institutionnel, se rendre indispensable à l'environnement économique et social, notamment pour l'allocation et la distribution de l'argent public qui devra apparaître comme autant de privilèges individuels concédés à ceux qui le recevront. La communication correspondante s'adressant nécessairement à tous les "gens" le populisme sera un sous-produit obligé de ce clientélisme universel. Et au Centre on pourra alors dire : "Les gens m'aiment parce que j'aide tout le monde". La redistribution sociale Redistribuer c'est répartir quelque chose de manière différente. L'Etat peut effectuer deux types de redistribution : celle des richesses qui s'opère par divers impôts : taxation du capital, droits de succession, impôt sur la fortune et celle des revenus perçus par les citoyens dont le principal levier est l'impôt sur le revenu. L'argent ainsi récolté est reversé sous la forme de prestations sociales ou d'un taux d'imposition plus faible pour les ménages les plus pauvres. Ces mesures visent à maintenir la cohésion et la paix sociales en corrigeant de trop grandes inégalités entre les personnes et en réduisant la stratification sociale. Les Etats qui les mettent vraiment en œuvre sont appelés "États-providence". La redistribution peut également être faite pour des raisons liées à une politique (keynésienne) de soutien à la consommation (les ménages les plus pauvres consacrant l'essentiel de tout revenu supplémentaire à des achats de biens et services et non à l'épargne). On voit que la redistribution ne peut pas s'adresser à tous les "gens" puisqu'elle donne aux uns ce qu'elle enlève aux autres. Elle partage la société civileIl en deux catégories étanches et non vides : les donneurs et les receveurs.En conséquence une mesure qui bénéficie à tous les "gens" ne peut rentrer dans le cadre de la redistribution. En revanche elle s'inscrit obligatoirement dans le clientélisme de masse.Le bus à 1€Le Conseil Général des Pyrénées Orientales se targue de poursuivre "sa politique en faveur du transport public et du pouvoir d'achat en instaurant le trajet de bus à 1 euro pour tous". Son succès est incontestable puisque depuis le vote de cette tarification unique en novembre 2008, la fréquentation mensuelle dans les bus du Conseil Général a été multipliée en moyenne par trois et jusqu'à plus de dix pour certaines destinations. L'idée vient de Nice où l'on a constaté pareillement un très grand succès. Nice est la ville où régna Jacques Médecin assurément le plus grand expert en Gestion de clientèles que la République Française a jamais produit. Dans les Pyrénées Orientales le Conseil général gravite sur l'orbite la plus proche de Georges Frêche. Droite et gauche gèrent donc leur clientèle avec ce même outil. Cependant pour être juste il faut reconnaître que le clientélisme de masse a un certain effet redistributif dans la mesure où ceux qui en profitent le plus sont significativement parmi les moins favorisés. C'est le cas du bus à 1€ qui n'est pas spécialement fréquenté par les bourgeoisies locales peu disposées à se mélanger au petit peuple des cités. Il dispose aussi d'un bel alibi environnemental : plus de "gens" dans les bus cela fait moins de voitures dans les embouteillages. Le clientélisme de masse a de beaux jours devant lui …
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