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Billet de blog 9 juillet 2009

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Ils voient des Sarkozy partout !

Le Président Sarkozy n'était pas présent le 27 février 2008 à 17h49 à la gare Saint-Charles de Marseille. Et pourtant il s'est trouvé quelqu'un pour crier “Sarkozy, je te vois !” à l'adresse de policiers qui effectuaient un banal contrôle d'identité. Cette personne n'a pas été conduite dans un hôpital psychiatrique mais dans un commissariat de police et inculpée de “tapage injurieux diurne troublant la tranquillité d'autrui” . Certes, on s'est penché sur le trouble de l'espace public mais qu'en est-il de l'hallucination visuelle ?

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Le Président Sarkozy n'était pas présent le 27 février 2008 à 17h49 à la gare Saint-Charles de Marseille. Et pourtant il s'est trouvé quelqu'un pour crier “Sarkozy, je te vois !” à l'adresse de policiers qui effectuaient un banal contrôle d'identité. Cette personne n'a pas été conduite dans un hôpital psychiatrique mais dans un commissariat de police et inculpée de “tapage injurieux diurne troublant la tranquillité d'autrui” . Certes, on s'est penché sur le trouble de l'espace public mais qu'en est-il de l'hallucination visuelle ?

Un signe de loi ?

L'hallucination est définie classiquement comme une “perception sans objet à percevoir”. Le cas évoqué ci-dessus est moins grave. En effet il y a une perception effective (la scène du contrôle) et elle est dans un rapport réel avec l'objet présent à l'esprit du contrevenant (l'ex-ministre de l'Intérieur devenu Président). Une connexion s'est effectuée dans son esprit. Il en a fait connaître le résultat aux personnes présentes provoquant une hilarité générale dont la cause est précisément l'exposition publique de cette connexion. En fait ce qui a été mis sur la place publique c'est typiquement un signe triadique : une chose qui représente (le contrôle policier dans la gare), une chose représentée (le Président Sarkozy) et la détermination d'un esprit qui associe la première à la seconde. Pour l'heure c'est un signe singulier, construit par ce seul professeur de philosophie ; cependant il a été perçu, dans son intégralité, par les personnes présentes comme un fait d'humour. On peut à bon droit penser que c'est un “signe de loi” qui a retenti dans la gare phocéenne. La loi -non écrite- en question est la loi selon laquelle le Président Sarkozy inspire directement ou indirectement toutes les pratiques policières mises en œuvre sur le territoire de la République. Autrement dit les policiers et plus généralement les corps constitués seraient considérées par tout un chacun comme des répliques incarnées du seul chef de l'Etat …

Un hyper-processus hyper-efficace

On a usé et abusé des préfixes “omni” et “hyper” à propos de Sarkozy : omni-président, omniprésent, omnipotent, (curieusement omniscient ne figure pas dans la liste …), hyper-président, hyperactif, hyper-médiatique, hyper-visible, … Cette unanimité recouvre une réalité : la société civile est pilonnée en permanence d'images, de discours, d'évènements créés à dessein et diffusés à tous vents par des médias aux ordres ou complaisants et même critiques mettant en scène jour après jour, heure après heure les moindres faits, gestes, paroles du chef de l'Etat. Ces vagues incessantes agissent sur les psychismes autant par leur prégnance en toile de fond, dans la durée que par leur saillance calculée (certaines vagues sont nettement plus fortes que les autres). Le résultat escompté et souvent obtenu c'est l'ancrage dans les esprits “d'interprétants” plus ou moins stables selon les positions et les dispositions de chacun dans la structure sociale (voir par exemple “Le pauvre parfait “) . Un interprétant c'est d'une part une norme sociale relevant du sens commun, une sorte d'habitude collective installée dans les esprits et d'autre part la détermination réelle, ici et maintenant, de chaque esprit qui a intériorisé cette norme et qui l'incarne. Au niveau macro-social il relie un signe à son objet de façon abstraite, instituée ; au niveau individuel il le fait de façon concrète, en acte (c'est ainsi que se constitue un signe triadique). On conçoit aisément que la robustesse et la profondeur de l'ancrage soient en proportion directe avec la dose de produits médiatiques reçus. Au vu des doses qui nous sont quotidiennement administrées du seul fait que nous soyons présents à notre époque, on ne s'étonnera donc si quelqu'un s'écriant quelque part “Sarkozy je te vois !” bien qu'il soit ailleurs, nous partagions illico l'hallucination dont il est l'objet.

L'hyper-zapping, le parapluie médiatique …

La seule façon de se soustraire aux effets de ces processus exacerbés c'est de ne pas s'y exposer. La télécommande réelle devant la télévision ou virtuelle, tourner les boutons de la radio ou les pages du journal, sont les seules protections dont nous disposons. De toute façon l'information utile nous parviendra : même sous un grand parapluie on entend toujours les claquettes de la pluie …

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