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Billet de blog 13 février 2010

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Le sarkozysme : le paquet fiscal et rien que des cacades ?

Le sarkozysme : le paquet fiscal et rien que des cacades ? Trouver quelques mots justes pour caractériser sans ambigüité un objet de connaissance est un art difficile et souvent sans solution. Depuis 2007 les essais de caractérisation du sarkozysme sont innombrables. La plupart font appel à des mélanges de concepts connus produisant des cocktails divers et variés fabriqués à partir des termes comme bonapartisme, pragmatisme, libéralisme, jacobinisme, volontarisme, nationalisme, atlantisme, culte de la personnalité, etc ...Certains auteurs ont procédé par rapprochement historique : Alain Badiou avec le pétainisme, Pierre Musso avec le berlusconisme. Patrick Rambaud y a mis des accents Saint Simoniens. Thomas Legrand n'y voit qu'un avatar sans originalité de la droite éternelle et pour l'essayiste de droite Alain Gérard Slama, le sarkozysme n'existe pas ! Le sarkozysme, précisément parce qu'il est si difficile à saisir, est devenu un excellent sujet de recherche pour des intellectuels de tous bords, une catégorie à laquelle le principal intéressé dit ne pas appartenir (et c'est peut-être là que réside la difficulté à le cerner). N'échappant pas à la règle je n'ai cessé de puiser dans l'arsenal de la sémiotique pour tenter d'apporter un éclairage spécifique, sans grand succès, je dois en convenir. Jusqu'au jour où j'ai découvert dans le Trésor de la Langue Française puis dans le Wiktionnaire le mot "cacade". C'était un peu limite mais comme il fallait à l'évidence sortir des sentiers battus et rentrer dans l'ère du franc parler ...   Le" caganer*" catalan de N.Sarkozy

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Le sarkozysme : le paquet fiscal et rien que des cacades ?

Trouver quelques mots justes pour caractériser sans ambigüité un objet de connaissance est un art difficile et souvent sans solution. Depuis 2007 les essais de caractérisation du sarkozysme sont innombrables. La plupart font appel à des mélanges de concepts connus produisant des cocktails divers et variés fabriqués à partir des termes comme bonapartisme, pragmatisme, libéralisme, jacobinisme, volontarisme, nationalisme, atlantisme, culte de la personnalité, etc ...Certains auteurs ont procédé par rapprochement historique : Alain Badiou avec le pétainisme, Pierre Musso avec le berlusconisme. Patrick Rambaud y a mis des accents Saint Simoniens. Thomas Legrand n'y voit qu'un avatar sans originalité de la droite éternelle et pour l'essayiste de droite Alain Gérard Slama, le sarkozysme n'existe pas ! Le sarkozysme, précisément parce qu'il est si difficile à saisir, est devenu un excellent sujet de recherche pour des intellectuels de tous bords, une catégorie à laquelle le principal intéressé dit ne pas appartenir (et c'est peut-être là que réside la difficulté à le cerner). N'échappant pas à la règle je n'ai cessé de puiser dans l'arsenal de la sémiotique pour tenter d'apporter un éclairage spécifique, sans grand succès, je dois en convenir. Jusqu'au jour où j'ai découvert dans le Trésor de la Langue Française puis dans le Wiktionnaire le mot "cacade". C'était un peu limite mais comme il fallait à l'évidence sortir des sentiers battus et rentrer dans l'ère du franc parler ...

Le" caganer*" catalan de N.Sarkozy

Une métaphore a priori répulsive et approximative

La perception immédiate et obligée de ce terme dans la logorrhée de l'antisarkozysme primaire est un obstacle de taille à son utilisation dans une perspective rationnelle. C'est la raison pour laquelle je me rabattrai immédiatement sur la définition très précise du Wiktionnaire selon lequel une "cacade" est un "raté monumental et ridicule". Trois mots bien choisis dans lesquels la référence scatologique a disparu. Mais alors pourquoi avoir conservé "cacade" ? A cause de l'argent, une constante essentielle à la compréhension du sarkozysme attestée par la nuit du Fouquet's ! Et aussi à cause de la psychanalyse, bien entendu, pour laquelle "l'argent est la 'merde' du monde"... De plus il serait abusif et simpliste de prétendre recouvrir le sarkozysme avec le seul concept de "cacade". Car tout n'est pas "raté, monumental et ridicule" à la fois. Certes, énormément de choses sont ratées, assez peu sont monumentales et un très grand nombre sont ridicules. Cependant, déjà, le "paquet fiscal" échappe aux trois caractéristiques. Car il n'a pas raté son but en organisant efficacement la protection des possédants, il est assez important pour déséquilibrer à lui seul les finances publiques (15 milliards d'euros) et il est patent qu'il n'a fait rire que ses heureux bénéficiaires ... On se rend donc compte d'emblée qu'il sera plus commode de rechercher ce qui ne tombe pas sous le concept et d'en faire l'inventaire.

A la recherche de la réforme réussie

Un livre de Pierre Cahuc et André Zylberberg (Flammarion, 2009) fait un bilan minutieux des réformes menées par N.Sarkozy durant les 18 premiers mois de sa présidence. Voici leur constat sans appel :

"En janvier 2008, les partenaires sociaux ont soi disant « modernisé » le marché du travail en permettant le départ en préretraite à 57 ans ; en avril 2008 la CGT et la CFDT ont réussi à accroître leur pouvoir aux dépens des autres syndicats sans que l'accord final ne règle la question de l'opacité du financement des organisations syndicales ; en mai les taxis ont considérablement amélioré leur situation aux dépens des usagers ; en août, les principales enseignes de la grande distribution ont consolidé leur position de monopole ; toujours en août la détaxation des heures supplémentaires dont le dispositif rappelle par son absurdité celui de l'impôt sur les portes et fenêtres institué par le Directoire en 1798, aboutit à plusieurs milliards d'euros de rentrées fiscales en moins chaque année sans aucun effet avéré sur l'activité ; enfin, en décembre 2008, les dix huit premiers mois du quinquennat s'achèvent avec le RSA, une peau de chagrin, qui contribue à opacifier la carte des minima sociaux sans accroître notablement les revenus des moins bien lotis."

Bref, rien que des cacades... En addition, dans le champ idéologique, on trouvera la très éphémère mais monumentale "politique de civilisation" qui plongea le citoyen de base dans une perplexité sans limites et surtout l'énorme cacade du débat sur l'identité nationale difficilement enterrée en petite pompe par un "séminaire gouvernemental" ... Et comment qualifier l'épisode de la présidence de l'EPAD qui a satisfait au plus haut degré chacun des trois critères atteignant même une dimension planétaire au niveau du ridicule ?

Rien d'autre, en dehors du paquet fiscal, ne semble frappé du sceau de la réussite. Les grosses caisses de la communication gouvernementale dont l'inénarrable Frédéric Lefebvre est l'emblématique héraut, sont impuissantes à transmuter la matière de base ...

Sous les cacades, les vraies réformes ?

Une telle persévérance dans la cacade ne saurait résulter d'une incompétence généralisée ou de maladresses répétées. Dans ces cas là on peut imaginer qu'une volonté plus ou moins consciente est à l'œuvre et il ne faut pas craindre de renverser la perspective. Et si ce qui semble accidentel n'était en fait que l'expression d'une politique délibérée ? Envoyer des salves de réformes (dont on se moquerait du sort réel) simplement pour abasourdir et inhiber la critique comme on le fait dans les techniques de privation sensorielle à l'égard des prisonniers ? Lorsque Thomas Legrand constate subitement qu'il est en train de se faire dévorer par son propre sujet et transformé en "sarkroniqueur" est-il la victime collatérale de l'agitation omniprésidentielle ou bien est-il mystifié au point d'écrire un livre pour nous expliquer l'innocuité du sarkozysme réel ? Symétriquement, lorsqu'Edwy Plenel de Mediapart nous explique à longueur d'année que Nicolas Sarkozy est dangereux pour la démocratie, pour les libertés, pour les institutions... en un mot, pour la France est-il simplement la proie d'une hypocondrie congénitale ? Il faut bien admettre que des jugements aussi contradictoires résultent d'accommodations différentes du regard porté sur le phénomène. Alors peut naître l'idée selon laquelle les "réformes" ne viseraient pas réellement les objectifs claironnés mais des sous-objectifs cachés. Elles pourraient alors finir en cacades dès lors que ceux-ci sont atteints. Par exemple le débat sur l'identité nationale a peut-être atteint un objectif à plus long terme mesuré par les sondages qualitatifs (les "quali') que l'Elysée consomme sans modération, l'épisode de l'EPAD a installé dans les esprits l'idée que le "Prince Jean" à défaut de la présidence de l'EPAD pouvait prendre sans encombre à 25 ans celle du Conseil Général des Hauts de Seine, le vrai coffre-fort de la droite façon Neuilly ...Quant à la réforme des retraites sa réussite pourrait consister dans un échec bien calibré pour ouvrir la voie à des "fonds de pension à la française" ? Il faudrait peut-être songer à passer au crible tous ces "échecs" afin d'en isoler les "réussites" qui s'y cachent ...

On comprendrait mieux alors pourquoi certains nomment les juges trop indépendants et les journalistes trop curieux des ... "fouille-merde" ... et pourquoi la prochaine réforme de l'instruction sera une cacade bien réussie ...

* Un Caganer ou « chieur » (en catalan) est une petite figurine représentant une personne, pantalon baissé (pour les garçons) ou jupes soulevées (pour les filles) qui accomplit ses besoins naturels. On ne connaît pas exactement l'origine du Caganer mais on pouvait déjà voir au 17ème siècle ces figurines cachées dans un côté obscur des crèches de Noël en Catalogne.

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