marty.robert@neuf.fr (avatar)

marty.robert@neuf.fr

Professeur émérite Sémiologue

Abonné·e de Mediapart

65 Billets

0 Édition

Billet de blog 13 juin 2009

marty.robert@neuf.fr (avatar)

marty.robert@neuf.fr

Professeur émérite Sémiologue

Abonné·e de Mediapart

Européennes : même pas peur !

marty.robert@neuf.fr (avatar)

marty.robert@neuf.fr

Professeur émérite Sémiologue

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les commentateurs n'en finissent pas, selon leur position, de se lamenter ou de se réjouir de l'état de la gauche -et principalement du PS- tel qu'il semble ressortir des européennes. Au mieux , elle est jugée en graves difficultés -mais ce serait circonstanciel- au pire elle serait aux portes de la mort. Cette palette de représentations hétéroclites mais convergentes est-elle un signe aussi inquiétant qu'il y paraît ?

D'abord le biais …

En statistique, un biais est un écart entre la vraie valeur d’une variable inobservable et la valeur estimée ; en métrologie, c'est un défaut de mesure, d'évaluation, induisant une valeur erronée ; en psychologie, un biais cognitif est une erreur commise dans une situation donnée résultant d'une faille ou d'une faiblesse dans le traitement des informations disponibles. L'abstention de 60% constatée induit-elle un biais et si oui, quelle est la nature de ce biais ?

Auparavant il faudra déterminer de quel objet les résultats détaillés sont la représentation. Pour la plupart des commentateurs de tous bords il s'agirait d'une mesure des rapports de force entre partis et plus généralement entre familles politiques. On voit le biais à tous niveaux dès lors qu'on rapporte les chiffres à un mythique "corps électoral" dont une partie minoritaire c'est seulement exprimée. L'hypothèse sous-jacente est celle selon laquelle la partie qui a voté est homogène au tout. Les premières études sur l'abstention selon les catégories sociales montrent à l'évidence le contraire. Pour Jérôme Fourquet, directeur adjoint du département Opinion de l'IFOP, "cette nouvelle progression de l'abstention fausse de manière importante les perspectives". Il souligne que "les bons scores de l'UMP et d'Europe Ecologie sont dus au fait que l'électorat populaire s'est le plus abstenu"( Le Monde.fr du 10 juin). C'est le champ de l'interprétation qui produira la présence à l'esprit d'un objet mental dont on peut douter a priori qu'il ait une grande conformité avec l'objet du monde, inobservable directement, qu'il est censé représenter …

Ensuite l'interprétation …

L'interprétation des résultats est un acte individuel qui met en œuvre soit des schémas de sens commun, inconscients le plus souvent, soit des schémas "experts" portés par les "commentateurs autorisés". Ils foisonnent dans la presse et/ou sur les plateaux TV. Sans contester leurs compétences on doit nécessairement s'intéresser sur le cas qu'il font du biais dénoncé ci-dessus. Certains le notent au début de leurs propos mais presque tous (hormis les professionnels des sondages comme Brice Tinturier de la SOFRES) poursuivent leur propos en tirant des conclusions définitives et sans nuances. En l'occurrence : triomphe absolu de Sarkozy (assuré par 10,8 %, des électeurs inscrits ) , percée décisive des Verts, déroute du PS et du Modem de Bayrou. Toutes ces conclusions ont une faible valeur de vérité et les prendre pour argent comptant expose à des déconvenues puisque les comportements induits se produiraient dans une vision erronée du champ de forces politiques réel. L'interprétation juste est celle qui saisit l'ensemble de la consultation, abstention comprise, d'un même mouvement de pensée.

Enfin les conséquences pratiques …

Comme d'ordinaire je m'appuierai sur la définition de la signification telle que le pragmatisme radical nous l'enseigne selon laquelle la signification est un à-venir, la signification d'une idée se lit dans ses conséquences pratiques. Les idées que l'on se fait et qui guident nos comportements sont des sortes de traites dont on doit toucher les revenus lorsqu'elles sont justes et assumer les pertes lorsqu'elles sont fausses. C'est ainsi qu'un triomphalisme excessif peut amener le pouvoir à s'exposer et à ouvrir des conflits dans lesquels il peut essuyer de graves déconvenues ; les verts quant à eux peuvent retrouver les vertiges intégristes et les utopies buissonnantes dont ils sont coutumiers. Quant aux socialistes il n'est pas inintéressant que l'exagération de leur défaite les pousse enfin aux révisions déchirantes en rompant avec leur procrastination chronique. On peut douter qu'il le fasse mais l'accélération du processus de décomposition valait bien un scrutin sur l'Europe qui leur tient lieu de tuteur idéologique depuis plus de 20 ans; Quat au Modem, il a cassé son tuteur et on ne s'en plaindra pas.

Mais tout ça se sont des traites que je tire sur l'avenir … et cela ne me fait même pas peur …

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.