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Billet de blog 22 juin 2010

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Faire payer les riches ...

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Cette expression n'était pas seulement tombée en désuétude, elle était considérée comme un véritable archaïsme, témoin absolu d'une vision idéologique sommaire de la société totalement antiéconomique. Vieille lune de révolutionnaires attardés elle était généralement considérée comme le marqueur d'une extrême-gauche définitivement enfouie dans les poubelles de l'Histoire. Mais bizarrement la voilà aujourd'hui dans la bouche de ceux-là même qui la dénonçaient comme une billevesée de première grandeur. La même phrase, plongée dans une autre époque, prendrait une autre valeur … laquelle ?

Quand les riches seront pauvres, les pauvres seront morts

Voilà un aphorisme d'une efficacité redoutable. Marqué de l'évidence du sens commun, il est sous-tendu par l'idée reçue selon laquelle les grands malheurs sociaux atteignant tout le monde, il serait insensé, voire irresponsable d'affaiblir les détenteurs de la finance qui fait tourner la planète Economie. La métaphore maritime reprend de la vigueur : nous sommes tous sur le même bateau ; l'argent en est le moteur ; y toucher, surtout par gros temps, c'est à coup sûr précipiter à l'eau les plus faibles, les plus exposés. Tout le monde est perdant. En conséquence il convient, plus que jamais, de préserver la structure sociale et son commandement sous peine de naufrage général. Et le moment n'est pas encore venu de s'interroger sur le bateau lui-même. En conséquence, en sauvant les riches, les pauvres se sauveront eux-mêmes … D'ailleurs la solution ne saurait venir de là puisque, par exemple, doubler l'impôt sur le revenu des plus riches ne rapporterait que 23 milliards par an, à comparer aux 150 milliards de déficit budgétaire annuel et à la dette cumulée de 1580 milliards.Quand les pauvres seront morts, les riches seront pauvres Retourner la formule réintroduit une dimension perdue : la création de richesses est un produit social dans l'élaboration de laquelle les pauvres prennent une part majeure. Car, si les riches sont riches, c'est aussi et surtout grâce au travail accumulé des pauvres. Les riches le savent bien dont la doctrine sociale se préoccupe aussi de maintenir les pauvres en état de continuer à produire les richesses dont ils captent la meilleure part. Pour cela il leur faut conserver les mécanismes de leur accaparation tout en remodelant les esprits à la navigation par mauvais temps : rigueur et austérité seront les mots à faire admettre. Dorénavant on abandonnera le cap du progrès social. En arrière toute, vers des eaux supposées plus calmes. Tout le monde sur le pont, plus longtemps et pour moins cher … Car si les pauvres tombaient à la mer, il n'y aurait plus de riches …La nouvelle vaccine socialeCependant, bien que le bateau tangue dangereusement, on festoie encore dans le carré du commandant. Dans ces cas-là il n'est pas rare que l'équipage se croise les bras voire se mutine dès lors qu'il est conscient de supporter seul la charge de sauver le navire. Pour éviter ce mal funeste le recours à la vaccine sociale s'impose ! On va donc reconnaître un peu de mal (l'insuffisance de la contribution des riches) pour pouvoir dire beaucoup de bien (leur prise de risque indispensable pour garantir le "progrès social"). On plaidera donc en faveur d'une acceptation des riches avec leurs défauts (cupidité, égoïsme de classe) tout en magnifiant leur rôle essentiel et leurs qualités spécifiques. On inoculera donc le mal reconnu à faibles doses en soulignant qu'il est accidentel, occasionnel, lié à un état (la crise mondiale) en voie de disparition…il apparaîtra in fine comme "une maladie naturelle, comme excusable"*. La formule magique, au cœur du procédé : "un peu de mal avoué dispense de reconnaître beaucoup de mal caché"*.En foi de quoi on prendra avec force ostentation un peu d'argent aux riches et on l'agitera énergiquement sous le nez des pauvres … Sous vos applaudissements ?*Citations de Roland Barthes.

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