marty.robert@neuf.fr (avatar)

marty.robert@neuf.fr

Professeur émérite Sémiologue

Abonné·e de Mediapart

65 Billets

0 Édition

Billet de blog 24 septembre 2009

marty.robert@neuf.fr (avatar)

marty.robert@neuf.fr

Professeur émérite Sémiologue

Abonné·e de Mediapart

Doigts pointés sur des vérités

 Caméras oubliées, téléphones curieux, micros ouverts... la technologie opère en continu sur le monde ... Elle porte des témoignages bruts irréfutables qui finissent par arriver sur la toile. Puis vient le débat sur l'interprétation : un conflit sémiotique dans lequel les protagonistes pratiquent l'esquive, la dénégation ou la justification en « contexte » ... L'enjeu pour les acteurs c'est d'obtenir du sens commun au mieux, un arbitrage favorable, au pire, un non-lieu ... Mais le signe, créé directement par le réel, reste et restera pour toujours un doigt pointé sur ceux qu'il représente ...

marty.robert@neuf.fr (avatar)

marty.robert@neuf.fr

Professeur émérite Sémiologue

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Caméras oubliées, téléphones curieux, micros ouverts... la technologie opère en continu sur le monde ... Elle porte des témoignages bruts irréfutables qui finissent par arriver sur la toile. Puis vient le débat sur l'interprétation : un conflit sémiotique dans lequel les protagonistes pratiquent l'esquive, la dénégation ou la justification en « contexte » ... L'enjeu pour les acteurs c'est d'obtenir du sens commun au mieux, un arbitrage favorable, au pire, un non-lieu ... Mais le signe, créé directement par le réel, reste et restera pour toujours un doigt pointé sur ceux qu'il représente ...

Doigts pointés sur Royal, Devedjian, Sarkozy, Valls, Hortefeux ....

La première veut mettre les enseignants au 35 heures, le second traite une concurrente de « salope », le troisième, le Président qualifie un citoyen de « pauv'con », le quatrième voudrait voir plus de « blancos » dans sa ville et le dernier, ministre de l'Intérieur et des Cultes estime qu'un arabe ça va, mais que beaucoup d'arabes font problème. Tous ces événements enregistrés par des cameras sont des signes singuliers. Les personnes filmées et elles seules sont la cause de l'existence de ces signes. Quoi qu'ils disent, quoi qu'ils fassent les acteurs sont les auteurs de ces faits et gestes : la connexion entre la scène réelle et le dispositif d'enregistrement est assurée par des rayons lumineux et des sons ; ils sont transmis dans un espace physique qu'aucun pouvoir ne contrôle. Bref, les faits sont là ... et bien là ... Ils sont vrais ... Un doigt imaginaire, issu du film, parallèle aux trajectoires des photons et des sons, sera toujours pointé vers eux ...

De plus , au bout de ce doigt il y a un événement « qui dit » : il dit que Ségolène Royal trouve que les enseignants sont trop peu présents dans leurs établissements, que, dans certaines occasions, l'avocat Devedjian parle comme un beauf ordinaire, que le Président Sarkozy peut faire preuve d'une grande grossièreté, que Manuel Valls vit mal l'immigration africaine, et que Brice Hortefeux peut jouer dans la même cour que Le Pen ou Georges Frèche ...

Calculs politiques et dissonances cognitives ...

La caractéristique commune de ces événements-signes c'est qu'ils dirigent immédiatement l'attention sur leurs auteurs avec d'autant plus de force qu'ils semblent improbables a priori. Pendant des années les politiciens qui se destinent aux plus hautes charges -et même les autres- ne cessent, chacun dans leur registre, de construire patiemment, au jour le jour, une image calculée et calibrée en fonction des électorats qu'ils visent de longue date. Patiemment ils mobilisent les ressources, les entregents, les réseaux, les techniques et les équipes médiatiques afin d'apparaître dans les esprits visés comme autant de hérauts ou d'héroïnes prêts à réaliser dans le champ social leurs désirs les plus secrets. C'est dans ce flux continu, formaté et contrôlé à l'extrême que survient le pataquès. Tel une boule puante lancée dans une assemblée confinée il contraint chacun à se boucher le nez et pose à l'instant la question de la révision de l'image. Car le rejet est impossible, la dissonance est majeure. En conséquence une question se pose nécessairement : ce signe singulier est-il un signe de loi ? Autrement dit : Ségolène Royal prendrait-elle les enseignants pour des fainéants ? Devedjian est-il un vrai macho ? Sarkozy un grossier personnage qui méprise les citoyens ? Valls et Hortefeux des racistes ordinaires ? Passer du fait à une loi qui le gouvernerait c'est tout l'enjeu du vrai débat. Car le débat n'est pas : « ce n'est pas ce qu'il ou elle a voulu dire » (ce qui est de l'ordre de la dénégation naïve) mais « ce qu'il ou elle a dit est-il gouverné par une loi à l'œuvre dans son esprit depuis toujours ? En peu de mots : ce fait attesté révèle-t-il sa vraie nature ? C'est la raison pour laquelle s'ouvre aussitôt une enquête publique destinée à confirmer l'effet de loi, puisqu'on ne peut vraiment faire loi d'un cas sans exclure la possibilité d'un accident. Malheur aux récidivistes !

Triangulation par la dissonance ?

On conçoit que les politiques de tous poils et de tous bords craignent ces pataquès comme la peste. En un instant l'icône soigneusement brossée peut être réduite en cendres. Qu'ils s'émeuvent et parlent de « réglementer » internet n'étonnera personne. On est dans l'ordre du « vital », l'existant bien réel sape le construit formel, l'image apparaît d'un coup pour ce qu'elle est : une image fabriquée ...de la propagande voire de la réclame, comme au bon vieux temps ... Les pigeons les plus subjugués pourraient ouvrir les yeux ! Catastrophe, enfer et damnation !

Cependant on ne peut évacuer l'idée selon laquelle la production de la dissonance pourrait elle-aussi relever d'un calcul, risqué certes. Une telle pratique pourrait être imposée à des outsiders désireux d'étendre rapidement l'empan du spectre de leur électorat potentiel. C'est le petit jeu de la triangulation qui consiste à s'approprier les valeurs, les mythes et les représentations favoris de ses adversaires politiques. Les premiers rôles peuvent revendiquer la dissonance au grand jour comme une posture politique et même s'en féliciter (siphonner les lois du FN est une noble entreprise, à condition de ne pas trop s'interroger sur les moyens, bien entendu et « l'ouverture » entretient la fable très prisée du « consensus national » ). Les autres sont voués à la prise de risque. Pour s'en garantir ils pourront toujours exciper de l'accident ou du contexte « piégeux », générateur d'indulgences plénières. Le fait est encore là bien sûr, mais il témoigne aussi d'autres postures, pour d'autres gens ... et le temps amortit la force des émotions ...

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.