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Billet de blog 26 mai 2009

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Les petites différences

On prête à bon droit beaucoup d'attention aux différences dans tous les domaines de la connaissance, y compris dans la connaissance spontanée dite “vulgaire”. En les observant chacun peut catégoriser son expérience et se construire une vision du monde. Le sens commun y trouve matière à s'établir. Mais quand les différences sont “petites” ? Par exemple entre un paradis fiscal gris et un paradis fiscal noir ? Se pourrait-il que certaines “petites différences” soient de simples constructions mentales ? De purs signes sans contrepartie réelle ? C'est si facile …

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On prête à bon droit beaucoup d'attention aux différences dans tous les domaines de la connaissance, y compris dans la connaissance spontanée dite “vulgaire”. En les observant chacun peut catégoriser son expérience et se construire une vision du monde. Le sens commun y trouve matière à s'établir. Mais quand les différences sont “petites” ? Par exemple entre un paradis fiscal gris et un paradis fiscal noir ? Se pourrait-il que certaines “petites différences” soient de simples constructions mentales ? De purs signes sans contrepartie réelle ? C'est si facile …

D'abord un phénomène d'appréhension catégorielle…

Obama est-il noir, blanc ou métis ? On connaît la réponse des scientifiques : les différences ethniques humaines sont trop petites pour qualifier les Noirs en tant que sous-espèce séparée. La question n'a donc aucun intérêt sauf au regard de l'Histoire, du temps où elle soutenait l'exclusion d'une partie des habitants des USA. Il en résulte que la prise en considération de différences a seulement valeur de signe, c'est-à-dire de convention sociale, consciente ou inconsciente, servant essentiellement à constituer des catégories dans des ensembles a priori indifférenciés. La raison en est que l'esprit humain ne pouvant appréhender directement l'extrême complexité du monde est contraint de le réduire à un petit nombre de catégories. Le processus commence dès l'enfance par la catégorisation de bruits en sons puis en langage articulé et se poursuit tout au long de l'existence. Chacun connaît l'application qui en est faite en hypermarché avec la vogue des prix en "neuf-neuf"...

Petites différences, gros dégâts …

Nous sommes tous uniques donc différents et il n'existe pas au monde deux choses dont on puisse affirmer l'identité car elle est invérifiable. Les “mêmes” se constituent donc par négation de différences objectives ; les “autres” sont construits au moyen de choix de différences. Ces choix sont ils aléatoires et innocents ? Sûrement pas ! Pour le savoir il suffit de considérer leurs conséquences pratiques : identités “meurtrières” dans l'histoire, exclusion de catégories sociales, discriminations massives en tous genres. Sur les différences établies s'installe le narcissisme, une sorte d'autocélébration de soi et des “mêmes” , excluant les “différents”, vécus dès lors comme autant de concurrents voire de menaces. Freud a nettement pointé “le narcissisme des petites différences” (Malaise dans la civilisation) dont la fonction serait de reporter sur des étrangers des pulsions agressives refoulées par l'obligation de solidarité envers les semblables . De nombreux observateurs y voient la cause de bien des conflits inter-groupaux, inter-ethniques, inter-nationaux, de toute nature et à tout propos. On considère même que plus les différences sont faibles plus les conflits engendrés sont violents comme si cette violence devait justifier a posteriori de la réalité des écarts allégués. Par exemple il est constaté que les immigrés anciens les mieux intégrés sont souvent les plus hostiles aux nouveaux immigrants.

Petites différences, gros bénéfices …

Le marketing et la publicité sont des armes de création massive de petites différences. La tendance lourde de l'uniformisation des produits induite par les nécessités de la concurrence (phénomène aujourd'hui évident dans l'automobile, permanent dans la mode) oblige à réaliser des prodiges dans l'exaltation des différences, aussi minimes soient-elles. Le mécanisme sollicité est toujours le même : produire dans les esprits des représentations flatteuses et distinctives à partir de signes presque négligeables voire fantasmatiques (par exemple un taux légèrement supérieur à la moyenne d'Oméga 3 dans un aliment ou la supposée vertu amaigrissante d'une crème à la “yohimbine”). Pour cela un seul moyen : agir sur l'interprétant du signe, c'est-à-dire sur cette habitude acquise -mais révisable dans le cours de l'expérience- d'associer un objet mental à une perception. Un déchaînement médiatique déclenché agissant comme une loupe transformera, en fonction des budgets investis, la petite différence en grande et exclusive vertu génératrice de distinction sociale, d'estime de soi …et de profits …

Quant à moi je me garderai de céder à la facilité en soulignant que les textes de mon blog sont sous-tendus par une théorie sémiotique, à la différence de tous les autres blogs …

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