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Billet de blog 9 mars 2012

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Penser la richesse : un pari perdu …

100 fois, 200 fois, 300 fois, 400 fois le SMIC … Qu’est-ce que cela peut bien signifier pour celui ou celle qui fait vivre sa famille avec 1 fois le SMIC avec la perspective du RSA à  ½ fois le SMIC ? Comment pourrait-on faire rentrer 100, 200, 300, 400 dans un esprit qui est calibré depuis toujours pour gérer 1 ou 2 ? C’est impossible à moins –ce qui est assez rare- d’être un ex-riche qui aurait connu la ruine. Il y a un vrai problème de perception de la réalité économique et sociale. On sait bien qu’il y a des inégalités dans nos sociétés mais l’extrême difficulté d’en évaluer l’ampleur constitue un bouclier pour les fortunes bien plus efficace que le bouclier fiscal …

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100 fois, 200 fois, 300 fois, 400 fois le SMIC … Qu’est-ce que cela peut bien signifier pour celui ou celle qui fait vivre sa famille avec 1 fois le SMIC avec la perspective du RSA à  ½ fois le SMIC ? Comment pourrait-on faire rentrer 100, 200, 300, 400 dans un esprit qui est calibré depuis toujours pour gérer 1 ou 2 ? C’est impossible à moins –ce qui est assez rare- d’être un ex-riche qui aurait connu la ruine. Il y a un vrai problème de perception de la réalité économique et sociale. On sait bien qu’il y a des inégalités dans nos sociétés mais l’extrême difficulté d’en évaluer l’ampleur constitue un bouclier pour les fortunes bien plus efficace que le bouclier fiscal …

Une pédagogie peu efficace

Les révélations sur les très hauts salaires ont consacré le SMIC comme unité de richesse et institué les 100 SMICS comme ticket d’entrée au club. Pour en approcher la signification il n’est pas d’autre moyen que d’en imaginer les conséquences pratiques : que ferait un smicard si tous les mois 100 SMICS s’inscrivaient sur son compte ? Il est bien clair qu’il ne multiplierait par 100 tous ses actes de consommation : 100 baguettes de pain, 100 côtes de porc, 100 yaourts, etc … tous les jours sur sa table. Il n’achèterait pas non plus 10 twingos tous les mois dans lesquelles il mettrait 500 litres d’essence … Sa consommation c’est certain changerait radicalement … Oui, mais comment … A coup sûr il recyclerait des amas de frustrations accumulés avec tous les fantasmes associés … Toutes les projections qu’il peut faire seront des vues de l’esprit et on peut parier qu’elles seront toutes en-deçà des possibilités réelles car les gens modestes ont aussi des désirs modestes … et pour cause …

L’horizon du pauvre

En effet dans la culture de consommation du pauvre on trouve au premier rang le choix du nécessaire. Pierre Bourdieu l’a très bien mis en évidence. En toutes circonstances le pauvre préfère le nécessaire et déprécie a priori tout achat qui le pousserait hors de ses limites. Il marque là de vraies préférences. Cela lui permet d’éprouver un minimum de frustrations ; En fait il optimise son désir en le contenant dans les limites de ses possibilités. En conséquence son horizon de consommation est limité par le prix du nécessaire (les fameux « produits de première nécessité » sont fléchés à son intention). Il est donc non seulement  culturellement étranger à l’univers de consommation du riche mais encore il préfère sa propre consommation et ne se voit pas consultant sa Rolex dans un costume Lagersfeld chaussé de mocassins Berlutti s’il est un homme (ou habillée par Chanel et chaussée d’escarpins Moschino si elle est une femme). Il y a donc peu de risques qu’il (ou elle) se mette en mouvement pour réclamer un statut social qui donne accès à une consommation et à un style de vie qui ne le concernent pas vraiment. En revanche un progrès de quelques pour cent qui résoudrait ses problèmes les plus aigus l’intéresse au plus au point … Dans bien des cas, 2 SMICS suffiraient à son bonheur …

Le canon de 75%

L’évocation de revenus indécents et fantasmatiques semble donc moins mobilisatrice que la perspective d’une augmentation suffisante qui répondrait à l’urgence du moment. Frapper ces hauts revenus d’une confiscation des ¾ au-delà des 100 SMICS est comme une frappe aveugle derrière l’horizon dont on ne connaîtra jamais les effets réels. Cependant, confusément et par effet de retour, la menace réitérée de frappes encore plus lourdes peut jouer un rôle non négligeable dans une modification de la clé de répartition des richesses. Et déboucher sur une amélioration du quotidien. C’est donc une revanche symbolique, mais pas seulement …

« Un bon gouvernement doit laisser au peuple assez de richesses pour qu’il puisse supporter sa misère. Et tout ira pour le mieux. » (Coluche)

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