L’anti-sarkozysme nait avec le sarkozysme …
Le sarkozysme aime d’emblée se présenter comme une droite décomplexée pour laquelle la réussite sociale évaluée en termes de fortune et de pouvoirs est la mesure de toutes choses. Il installe immédiatement des marqueurs symboliques puissants : Neuilly, le Fouquet’s, le yatch de Bolloré … plus tard l’inénarrable Séguéla y adjoindra la Rolex …
Neuilly c’est cet entre-soi des privilégiés où l’on doit vivre, le Fouquet’s c’est la cantine du CAC40 où l’on doit posséder son rond de serviette en argent personnalisé, le yatch c’est l’espace fastueux où l’on doit se soustraire au regard des vulgaires et la Rolex c’est une distinction permanente que l’on doit porter sur soi … Ces existants déterminent chacun quatre univers spécifiques qui forment un quadrilatère emblématique, une sorte d’enclosure à riches. Il fonctionne comme un système de coordonnées symboliques personnelles : si vous pouvez vous étalonner par rapport à chacun de ses sommets alors vous êtes à l’intérieur. Vous baignez dans le sarkozysme … Sinon vous avez deux possibilités : ou bien vous avez le sentiment honteux de votre médiocrité et vous enviez ce monde depuis le papier glacé des magazines de votre coiffeur(se) ou bien une rage vous prend à chaque difficulté de votre existence parce que vous avez le sentiment si bien exprimé par Victor Hugo, que « c’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches ». L’anti-sarkozysme c’est la partie radicalisée de l’extérieur du quadrilatère …
Détruire c’est construire …
La formule est attribuée au philosophe et théoricien anarchiste Michel Bakounine. Son propos exact est plus précis : « la passion de la destruction est en même temps une passion créatrice ».Cela revient à affirmer qu’en matière sociale il ne saurait y avoir de destruction gratuite, qu’elle se fait toujours au nom d’une autre chose que l’on juge a priori meilleure et plus juste, en tout cas plus conforme à un idéal la plupart du temps non précisé. Mais cette formule est profondément asymétrique. En effet ce que l’on veut détruire est déjà-là avec ses caractéristiques formelles bien identifiées, ses effets pratiques sur le vécu des acteurs sociaux et les ressentiments qui vont avec, tandis que « l’autre chose » est une émergence floue, à venir, une figure blanche chargée de désirs peu précisés et souvent contradictoires.
Observons à ce point que le sarkozysme est né lui-même d’une passion destructrice, en l’occurrence celle du chiraquisme. Elle a porté d’abord le nom de rupture puis celui de réforme. L’observation conduit à affirmer que l’objet à détruire sans complexe aucun c’était le modèle social issu du programme du Conseil national de la Résistance afin de lui substituer une figure néolibérale conforme à l’air du temps venu des cercles hégémoniques de la finance mondialisée. La charge actuelle du sarkozysme contre les « corps intermédiaires » -entre autres- vise à perpétuer cette passion mais fort heureusement le corps social, instruit par la phase précédente, développe déjà une autre passion destructrice à l’égard du sarkozysme lui-même.
Le non-sarkozysme comme programme provisoire
Si la détestation est là, et même si elle se maintient malgré les artifices des spin-doctors de l’Elysée qui peinent à l’étourdir sous un déluge de propositions hétéroclites afin de la détourner de sa cible, la passion créatrice est encore dans le tréfonds des consciences. Certes il y a une forte demande de rétablir des équilibres rompus : justice, égalité, dignité en sont des maîtres-mots. C’est la situation créée par la crise conjuguée avec les dégâts du sarkozysme qui impose de rétablir d’abord les fondamentaux, une condition nécessaire pour ensuite créer et libérer l’invention sociale.
La nécessité faisant loi, nous nous contenterons donc du non-sarkozysme en attendant mieux …